Black diamonds are rare and hard to cut

Quelle chaleur, par Arceus ! Il fallait croire que j'étais bien trop habitué au climat tempéré de Sinnoh. Ce soleil qui brûlait au dessus de ma tête me menait la vie dure. Aussi m'étais-je réfugié sur un côté du paquebot de croisière qui restait à l'ombre, l'air marin offrant quelque réconfort. Accoudé à la rambarde, mon manteau noir posé sur mon bras, vêtu de mon style habituel : une chemise blanche et un jean sombre, je réfléchissais à cette terre nouvelle que j'allais bientôt accoster. La région d'Alola m'étais en grande partie inconnue, mes observations du temps m'ayant plus souvent centré sur Sinnoh dont j'étais le gardien. Je ne connaissais que trop peu les légendaires qui y régnait, mais j'espérais qu'eux serait plus réceptifs à ma quête de justice. Ce serait très certainement un voyage nouveau qui me permettrait de découvrir une culture dont j'ignorais beaucoup de choses.

J'observais les flots tumultueux en contrebas avec une certaine fascination depuis une bonne heure déjà quand la corne du bateau nous annonça de son chant grave que nous étions proche des côtes. Je me redressais alors que deux enfants courraient et se chahutaient en me dépassant. L'un d'eux manqua de glisser et de tomber et je le rattrapais rapidement grâce à Pouvoir Antique. Lévitant à quelques centimètres du sol, l'innocent garçon était stupéfait et je ne pus m'empêcher d'esquisser un sourire en le récupérant fermement mais sans brutalité aucune par le col de son t-shirt avant de le remettre sur ses pieds. Il me regardait avec effarement et je lui enjoignais de faire attention la prochaine fois avec un sourire aimable avant qu'il ne me remercie en balbutiant timidement et s'esquiva. Ha, les enfants. Tous les mêmes, qu'importait l'époque.

Le bateau atteint le port d'Ekaeka alors que l'après-midi commençait tranquillement et que l'activité de l'île battait déjà bien son plein. Je descendais pour errer quelques instants dans la petite ville portuaire, faisant mine d'observer autour de moi les différents magasins et étals avec un intérêt tout relatif. Car en vérité, mes sens étaient bien plus occupés à déceler ne serait-ce que la plus infime trace d'un autre légendaire en ces lieux. Cette fois, cependant, je prenais soin de dissimuler mon aura comme j'en avais eu l'habitude pendant des années, afin de passer inaperçu. Mon échange avec Rayquaza ne s'étant pas terminé sur de bons augures, je préférais être prudent. Et je ne fus pas déçu, car bientôt je sentis une aura non loin, une aura dont j'ignorais le porteur. Alors j'en suivi l'origine, partagé entre l'excitation de pouvoir rencontrer un autre légendaire qui pourrait devenir un allié et l'inquiétude à l'idée d'être à nouveau repoussé.

Ce fut devant un café que mes pas me portèrent. J'observais avec attention la façade de l'établissement qui laissait relativement à désirer. Mais je n'étais pas là pour faire le difficile après tout. Je pris une profonde inspiration. Techniquement, j'aurai pu figer le temps et entrer afin de fouiller tout à mon aise pour trouver l'origine de cette aura, mais alors je ruinerais définitivement ma couverture. Si j'utilisais le moindre de mes pouvoirs, le légendaire remarquera la mienne. Alors je décidais de passer par derrière le modeste bâtiment afin de trouver un moyen de l'approcher. Deux hommes faisaient une pause autour d'une bière en attendant que quelqu'un ne les sonne au comptoir. Heureusement, leur dresscode était relativement classique. J'entrais sans me faire remarquer, récupérait un torchon sur un meuble à disposition et arrivait derrière le bar. Il n'y avait en effet pas grand monde. Un homme lisait le journal dans un coin, un autre regardait la télé et... Lui. Là.

Le légendaire avait l'apparence d'un homme d'âge mûr, aux cheveux noirs mi-longs, à la peau pâle, aux joues mangées par une barbe de trois jours et aux yeux fatigués. Malgré mon apparence parfaitement calme, je sentais que le diamant dans le creux de ma poitrine retenait difficilement d'irradier sous ma chemise. Je m'approchais de lui, prenant un verre au passage et le nettoyant d'un air faussement distrait.

- Je vous ressert, monsieur..? demandai-je alors de ma voix grave, esquissant un sourire poli à mon interlocuteur. J'étais peut être naïf, mais... quelque chose chez lui me disait que je n'étais pas venu pour rien. Je l'espérais fortement en tout cas.

Un bref instant, j'eus un moment d'hésitation. Je remarquais bien vite la suspicion de l'homme en face de moi, et ce malgré que j'avais réussi à dissimuler mon aura jusque là. Mais il se décida à retourner à son journal malgré tout, un peu blasé certainement, me confirmant ma demande. Bon, et bien autant ne plus se cacher. Alors que je me tournais vers la machine à café pour préparer ce que désirais monsieur, je laissais mon aura s'épanouir. Oh, elle n'éclaterais pas soudainement pour autant, j'avais un minimum de savoir vivre après tout et il ne fallait pas qu'il prenne cela comme une agression. Je ne faisais que relâcher légèrement mon attention, le diamant sur ma poitrine se mettant alors à luire distraitement sous ma chemise blanche, alors que je lui servais un nouveau café, un sourire aux lèvres.

- Noir, sans sucre, c'est bien cela ? demandai-je plus par amusement qu'autre chose. Vu le visage fatigué du légendaire en face de moi, il n'y avait pas besoin d'être un génie pour deviner.

Cela eut un effet immédiat sur l'être en face de moi qui sembla parcouru d'un frisson avant de m'observer de nouveau avec attention. Je faisais mine de l'ignorer, toujours le sourire aux lèvres alors que je me mettais à nettoyer le plan de travail devant moi d'un air faussement distrait. Quand il me demanda qui j'étais vraiment, je ne pus empêcher mon sourire de s'agrandir. Oui, la situation m'amusait, je l'avoue. Alors je me tournais vers lui, m'appuyant sur le bar pour le regarder droit dans les yeux.

- Excellente question, mon ami. répondit-je alors de ma voix grave avec un air amusé avant de poursuivre d'une voix beaucoup plus forte, résonnant dans les murs du café avec une puissance issue d'une autre dimension, celle de mon attaque signature. Assez.

Le silence s'abattit d'un coup sur le café. Plus un bruit, plus un mouvement. Tout était figé, un des clients portant son breuvage à ses lèvres alors qu'un autre s'apprêtait à se lever pour venir payer l'addition. C'était sans doute un peu morbide pour la plupart des gens, mais moi j'aimais ce silence. Au final, il n'y avait plus que moi et mon interlocuteur qui étions encore capable de nous mouvoir.

- C'est mieux, tu ne trouves pas ? lui demandai-je alors que mon œil étincelait encore d'une lueur rubis. Je n'aime pas discuter dans le bruit. Et ainsi, nous ne risquons pas de perdre notre journée.

Je me redressais et croisais les bras en m'appuyant contre le meuble derrière moi, fixant toujours l'homme devant moi avec un mélange d'amusement et d'intérêt.

- Ton aura m'est inconnu, ce qui est relativement étonnant sachant que je possède une connaissance des légendaires assez... importante. commençai-je en passant ma main sur mon abondante moustache noire avant de réaliser que j'avais oublié de me présenter. Oh, pardonne moi, j'oublie mes manières... Je suis Dialga, gardien de Sinnoh et maître du temps. Du moins, je l'étais avant...

J'avais terminé ma phrase en grommelant presque. J'étais décidément bien incapable de dissimuler mon agacement le plus total pour l'oeuvre d'Arceus. Mais cela me permettrait de voir ce qu'il en était pour la personne en face de moi.

Je ne fus guère surpris de sa réaction. Il était rare que les gens restent de marbre quand je laissais ressortir mon aura et ma puissance... même si au final, elle n'était qu'un fragment du pouvoir que je possédais auparavant. On pouvait dire merci à ce cher papa Arceus et à son idée tordue. Je restais immobile alors, observant chaque faits et gestes de mon interlocuteur mais essayant toutefois de garder une expression et une voix amicale pour le rassurer. Ce qui eut un bon effet, puisqu'il finit par se détendre un peu et se rassit. J'en profitais pour retirer mon cache-oeil, ce dernier me gênant plus qu'autre chose à cet instant, puis je me frottais l'oeil distraitement comme si je m'étais pris une poussière dans ce dernier.
Quand l'homme aux cheveux noirs et aux yeux fatigués avoua qu'il ne le connaissait pas, je ne pus retenir la surprise d'apparaître sur mon visage

- Vraiment ? Et bien, c'est plutôt inattendu... Je fais tout de même partie du trio de la création, ce n'est pas rien... répondit-je avec une pointe de vexation dans la voix. C'est que je n'avais pas l'habitude qu'on ne connaisse pas ma légende et je devais l'avouer, cela me vexait un peu. J'avais toujours eu une haute estime de ma personne c'était certain. Enfin, plus de mon rang que de ma personne à dire vrai.

- Je m'appelle Sternz Necrozma Geibel, mais vous pouvez m'appeler juste Sternz ou Necrozma.
- Necrozma... Necrozma... marmonnai-je, regardant le plafond d'un air songeur en caressant ma moustache noire.
- Donc vous êtes un gardien du temps... Peut-on dire que vous êtes juste un légendaire comme les autres maintenant ? De plus, vous dites que mon aura vous est inconnue pourtant, je vis ici depuis bien longtemps apparemment. Je connais une personne qui dit de moi que j'ai rependu le mal dans le passé cependant je n'en ai aucuns souvenirs. Mais assez parlé de moi. De quoi voulez-vous que nous discutions exactement ?
- Ah oui ! m'exclamai-je soudain en claquant des doigts. Tu es une Ultra-chimère ! Cela explique que je ne te reconnaissais pas, je n'ai pas l'habitude de côtoyer les tiens... Quoique je me souviens que tu as eu quelques altercations avec Lunala et Solgaleo cependant, si ma mémoire est bonne. Et elle l'est en général, sinon je ne serai pas le maître du temps.

Je me redressais légèrement, faisant craquer ma nuque en me retournant vers le bar. J'en sortais une vieille bouteille de rhum dont j'entrepris de me servir un verre. L'explication allait être longue et fastidieuse, et je sentais déjà mes doigts trembler légèrement à l'idée d'un nouveau refus. Non, cette fois, ça serait la bonne j'en étais sûre. Je me souvenais de ce Necrozma, de sa soif de lumière qui avait dépassé son contrôle. En un sens, il était fort probable que ce soit Arceus qui lui ait retiré ces souvenirs afin qu'il ne sombre pas à nouveau dans la malice. Et qu'il ait des griefs envers Arceus serait du même coup envisageable. En tout cas, je l'espérais.
Mon verre en main, je me retournais pour lui faire face, m'appuyant sur le bar avant de prendre une longue gorgée de mon breuvage. Il était vrai que le rhum des îles était toujours excellent. Mon regard se perdit sur mon verre à moitié vide, que je faisais tourner lentement.

- Je vais être honnête, Necrozma, tu n'es pas le premier que je viens chercher. Mais disons que mes dernières rencontres n'ont pas été des plus... concluantes. commençai-je, retenant difficilement un sourire crispé par la rancœur. La vérité est un fardeau que je suis le seul pour l'instant à avoir accepté. Et non pas parce que je serai plus intelligent que tout le monde mais bien par mon expérience, par mon vécu et par mon pouvoir qui me permet de voir à la fois le passé et le futur, qui m'a permis d'envisager toutes les possibilités, toutes les données pour en sortir avec une seule certitude...

Je prenais une dernière gorgée et posait mon verre, n'osant toujours pas regarder mon interlocuteur dans les yeux. Sans doute, craignais-je d'y voir le même regard que m'avait lancé Rayquaza : ce regard plein de jugement, empli des mensonges d'Arceus.

- Le Grand Changement... est une aberration. Arceus a agis ainsi pour mettre un terme à la guerre mais au final, les tensions et les combats sont toujours là. Chaque fois que je ferme les yeux, je peux apercevoir un futur ampli de flammes et de chaos, et il n'y a rien qui puisse l'empêcher. Je ne sais pas si tu l'a remarqué mais le fait de dissimuler les Pokémon parmi les humains a rendu la plupart de ces derniers complètement paranoïaques. Le conflit et la guerre reviendront, sauf si Arceus accepte de me rendre mes capacités qui me permettraient de revenir en arrière et de changer les choses pour le meilleur, capacités qu'il m'a retiré parce qu'il savait très bien que ce qu'il faisait était injuste et que je chercherai à l'effacer.

Ma poigne se resserrait autour du verre, de plus en plus à chaque instant et par crainte de le briser, je le laissai de côté, relevant enfin mon regard rubis vers mon interlocuteur.

- Ta mémoire t'a été volé par Arceus tout comme il m'a pris tout ce qui comptait à mes yeux. Cette nouvelle vie qu'il nous offre, ce n'est qu'une jolie prison dorée, insensée et funeste. J'ai besoin d'aide, Necrozma. Et je n'aurai pas fait tout ce chemin depuis Sinnoh si je n'étais pas désespéré.

J'attendais alors sa réponse avec une angoisse palpable.
Dis moi que toi aussi tu te sens à l'écart de ce monde, brimé et inutile, loin de tes rêves primaires, loin de cette liberté parfaite que nous possédions alors. Je t'en conjure, Necrozma.

Mon interlocuteur semblait stressé, c'était peu de le dire. Quoique, était-ce vraiment là du stresse ? En tout cas, il me semblait beaucoup plus réceptif que durant mon ancienne tentative avec Rayquaza. Mais je n'étais pas à l'abris d'un refus soudain alors je restais sur mes gardes. Sans doute montrai-je moi aussi des signes de nervosité alors que je parlais à Necrozma avec toute la sincérité du monde. Et une fois que j'eu terminé, il me demanda juste "pourquoi", marmonné plus à lui même qu'à mon intention. Je levais un sourcil, un peu intrigué alors qu'il retournait son attention sur moi. Ses cheveux flottaient légèrement, comme si ils défiaient la gravité et ses pupilles étaient devenu d'un rouge similaire au mien, quoique tirant plus sur le rouge sang que le rouge vif qui était le mien.

- Qu'elle est l'aide dont tu as besoin ?
- Hmm..?
- Qu'ai-je à gagner en t'aidant ? Je suis bien moins puissant que toi, en quoi cela peut t'aider dans ta quête ?

Je ne pus m'empêcher de laisser échapper un léger rire du fond de ma gorge, un rire que je retins tant bien que mal en le dissimulant derrière une quinte de toux.

- Voyons, Necrozma, la puissance ne fait pas tout. J'ai beau être plus puissant que la plupart des légendaires, je n'accomplirais rien en me battant seul face à Arceus. Tu ne crois pas qu'il serait plus impactant pour lui de voir une armée de légendaires mécontents de ses choix ?
- Pourquoi Arceus m'aurait-il retiré la mémoire et sans permission ?! Me craignait-il ?!
- Ça, malheureusement mon ami, je n'en sais rien. J'imagine que ton ancienne nature agressive pouvait en effet représenter un danger et qu'il a préféré t'offrir l'opportunité de recommencer à zéro, une existence vide de ressentiment envers tes paires.

Il ne m'avait pas échappé que son ton était devenu plus agressif. Necrozma se leva brutalement alors, renversant par la même son tabouret. Je l'observais alors avec les yeux écarquillés par la surprise mais sans aucune crainte ni agressivité à son égard. Ses mains frissonnaient par accoup, il était visiblement en proie à un fort dilemme intérieur.

- Qu'est-je fais pour mériter ceci ?!! Vivre ainsi... Comme une tache n'ayant pas sa place sur le tableau. Je veux savoir ! ... Je veux tout savoir.

L'ultra-chimère avait prononcé ses dernières paroles avec une voix plus posée. Je lui répondais d'abord par un sourire rassurant mais sans doute un peu triste alors que je l'incitais à se rasseoir d'un mouvement de la main avant de soupirer.

- Haaa... Décidément, il semble que vous appréciez mes talents pour lire dans le temps, vous autres les amnésiques. J'espère que tu n'auras pas la même réaction que ton prédécesseur... Ça lui a fait un sacré choc.

Je m'avançais pour pouvoir poser une main sur son bras, la pressant fermement mais pas durement avant de me concentrer. Mon aura commença à envahir les lieux peu à peu grandissant en intensité alors que je laissais à nouveau des rubans bleutés apparaître au bout de mes doigts, dessinant des formes éthérées.

- Rappelle moi ces jours...

Mon Hurle-temps pouvait prendre des formes bien étranges mais celles ci étaient ce que beaucoup qualifiaient de plus beau. J'ignorais comment réagirais mon interlocuteur mais j'essayais de ne pas y réfléchir, de rester concentrer pour dérouler l'existence de l'ultra-chimère. D'abord, les images qui passèrent sous nos yeux furent celle de son existence sous forme humaine et puis... les souvenirs plus anciens apparurent.