Deux artistes tombés du ciel. (Mélodie/Fyri)

Deux artistes tombés du ciel

Ft Fyri

« Pourquoi c’est toujours à moi de m’y coller ! »  Se tenant au milieu de la ruelle, la mine déconfite, Mélodie soupirait de désespoir. Encore une fois, elle était de corvée de course, et encore une fois, elle devrait mettre son entraînement en suspense pour répondre à la demande de sa mère. Dommage qu’elle ne s’y soit pas prise un peu plus tôt, comme ça Mélodie aurait pu refuser sans essayer de s’inventer d’excuse. Mais non, elle avait demandé pile dans le bon fuseau horaire, celui-là même où les gens affluaient sur les routes. « Puisque c’est ça, j’en profiterais pour manger une glace sur le chemin du retour. »  Fort de cette décision, la jeune danseuse continua donc sa route, chariot de course en main, en direction de Carmin-sur-mer, décidée à ne pas perdre plus de temps que nécessaire, si elle voulait reprendre le fil de la journée sous son contrôle.

Après quelques heures à rechercher les emplettes notées sur sa liste de course, Mélodie avait fini par remplir son chariot qui pesait bien plus lourd qu’à son arrivée maintenant. Sa tâche était terminée, elle en avait fini avec cette tâche ingrate qui lui incombait, mais encore fallait-il qu’elle fasse la route inverse pour pouvoir rentrer chez elle. « J’ai mal aux pieds ! »  Ayant eu l’excellente idée de se munir de chaussure à petits talons, la petite Mélofée sentait ses pieds la faire souffrir de martyre, l’obligeant alors à faire une pause bien méritée dans un parc qui se trouvait non loin de la ville, surplombant celle-ci en hauteur, offrant une vue des plus magnifique dans son sillage. Profitant de la verdure qui s’étendait à perte de vue, la jeune femme défie sans attendre ses chaussures, sentant un soulagement bienvenu quand ses pieds se déposèrent sur le sol. La prochaine fois, elle prendrait le temps de se vêtir de basket, ne serait-ce que pour éviter les éventuelles ampoules qu’elle avait dû se causer à cause de la marche. Observant le paysage avec un fin sourire apaisant, son regard s’arrêta alors sur une jeune femme au loin qui semblait peindre avec calme. Elle semblait concentrée, comme si le temps autour d’elle s’était arrêtée. Son pinceau dansait avec précision sur la toile, les couleurs se disposant de la même nuance que le paysage sous ses yeux. Toutefois, un détail l’intrigua grandement. Pourquoi tout semblait comme figé dans la glace ? « C’est particulier… » Elle s’était rapprochée de la peintre tout naturellement, comme si elle avait été attirée par ce tableau. De loin, elle était passée à côté d’elle, pour mieux entrevoir les détails que l’inconnue prenait soin de détailler. Penchée vers la demoiselle, qui était fort jolie, il faut l’avouer, Mélodie se redressa alors, regardant celle-ci avec un air intrigué avant d’argumenter son premier avis. « C’est un beau paysage, mais pourquoi le faire prisonnier de la glace ? C’est un peu bizarre non ? » Il y avait sûrement une raison à cela, et Mélodie avait hâte de connaître la réponse de la concernée. Chaque peintre avait sa griffe, son sens de l’esthétique, mais cette artiste-là… Avait un style plutôt particulier, un style qui intriguait grandement la Mélofée.

Deux artistes tombés du ciel

Ft Fyri

Sans s’inquiéter de la stupeur qu’elle avait créer chez l’artiste-peintre, Mélodie attendait patiemment que celle-ci réponde à ses questions, à savoir : Pourquoi faire un paysage aussi magnifique prisonnier de la glace. Pour elle, c’était une question légitime et aussi une façon de connaître l’état d’esprit de celle qui possédait le don de peindre. Les yeux rivés sur le tableau, la demoiselle écoutait avec intérêt les paroles en mesure de lui répondre, se redressant alors quand celle-ci lui expliqua enfin la raison. Hier, elle était en colère contre elle-même ? Ce genre de sentiment, la mélofée ne le comprenait que trop bien. Pendant des années, elle s’était détesté et ressentait une très grande colère contre tout ce qu’elle était. Encore aujourd’hui, il lui arrivait de ressentir cela, même si c’était beaucoup moins fréquent et aussi intense qu’à cette période-là. Sans ajouter un moment, la jeune demoiselle observa alors l’étrangère, avant de reporter son attention sur la peinture. Alors comme ça, cela représentait un moment de sa vie ? Soit elle était capable d’user d’un sort de glace et elle était de toute évidence un pokémon, soit… C’était une humaine qui s’exprimait avec des métaphores, mais la première idée lui semblait plus plausible, bien qu’elle ne voulût pas trop s’avancer trop vite là-dessus. « Parce qu’en temps normal, tu peins comment ? » Sur ses paroles, elle s’était tournée vers son interlocutrice, plongeant ses yeux lagons dans ceux de la peintre. « Tu as dû vivre de sacré chose pour les représenter ainsi… Pour avoir envie de les figer à jamais comme pour taire le moindre signe de vie… » Elle n’attendait pas vraiment de réponse, cela était plus une supposition qu’elle était en train de se faire. Au fond, elle ne savait pas vraiment à quoi pensait cette jolie femme, mais au vus de ce qu’elle disait, elle avait la légère impression d’être dans le vrai. Quelques parts, sans savoir, elle avait l’impression qu’elles se ressemblaient légèrement. Cette colère, cette envie de tout figer pour avoir le contrôle. Plus d’une fois Mélodie avait rêvé d’avoir de tel pouvoir pour les retourner contre ses monstres qui lui avaient fait du mal, qui avait osée en faire à d’autres innocents comme elle.



Secouant brutalement la tête comme pour se remettre les idées en plus, pour ne pas tergiverser, la jeune demoiselle offrit un sourire des plus doux à son interlocutrice, se reculant alors de quelques pas, avant de s’asseoir dans l’herbe le plus paisiblement. « Désolée, je dois te gêner pour la finition de ta peinture… Ça t’ennuie si je reste ici à t’observer ? Je serais discrète, je te le promets ! » Elle ne savait même pas elle-même pourquoi elle tenait à rester, ni pourquoi elle voulait la voir finir son œuvre. Peut-être parce qu’elle se sentait attirer par tout cela ? C’était la seule raison qui paraissait concrète bien qu’étrange, il fallait l’avouer. La tête sur ses genoux, ses mains entourant ses jambes, elle profitait de l’herbe qui lui chatouillait chaleureusement les pieds, du soleil qui tapait avec bienfaisance sur sa peau et du vent qui soufflait doucement comme pour faire danser le paysage sous son chant.