Bonjour, je vais te manger ! [Pv : Elros]

Appuyé sur le rebord de la fenêtre, j'observe le ciel étoilé pour passer le temps. Ça fait des heures que Kanon est partie, et je n'ai toujours pas de nouvelles ! Ça commence vraiment à m'inquiéter... Je déteste me retrouver tout seul. Ma dresseuse m'a donné ses consignes en partant : rester au centre pokémon et ne sortir sous aucun prétexte. Sur ce point, pas de problème. J'ai trop peur de sortir tout seul dehors, même si Kalos n'est pas réputé dangereuse, on sait jamais, et surtout en pleine nuit. C'est toujours quand vous vous y attendez le moins que les ennuis vous tombent dessus ! Et en plus il fait bien trop froid pour moi. Nan mais, quelle idée de se rendre à Auffrac-les-Congères ! Bon c'est vrai que c'est joli, et que la nourriture est délicieuse. Mais les dragons n'ont jamais aimé le froid. Sauf Kyurem le légendaire, et les pokémons double type dragon feu, qui se foutent totalement du froid vu qu'ils produisent leur propre chaleur.  Mais moi je suis un dragon tout court. Frileux. Et j'ai froid. Enfin là ça va parce que j'ai augmenté le chauffage. Par contre les lits sont très confortables ! Et les draps sont chauds, c'est appréciable dans cette région.

Je regarde pour la énième fois l'heure sur le réveil de la table de chevet. 21h15. Et toujours pas de nouvelles ! J'ai bien essayé de l'appeler mais elle ne doit pas avoir de réseau où elle se trouve car ça ne sonne pas. Je commence vraiment à me faire du mouron. Le problème c'est que j'ai tendance à paniquer dans ces cas là. Je retourne donc à la lecture d'un roman de Kazuko pour m'occuper l'esprit. Je m'assois sur la chaise près du radiateur (autant profiter de la chaleur) ma tête appuyé sur le rideau de la fenêtre. Ce que j'adore dans les livres de Kazuko c'est qu'elle mêle l'action et la philosophie. Je n'ai pas lu son tout premier, l'autobiographie romancée, mais je le ferai un jour. Quand, je ne sais pas, car je lis vite, donc il me faudrait une librairie entière pour satisfaire ma soif de lecture. Or quand on voyage ce n'est pas vraiment possible... Du coup je n'ai que 2 ou 3 bouquins sur moi, pour ne pas encombrer Kanon. J'adore les romans d'aventure ! Ça bouge tellement parfois qu'on a à peine le temps de respirer entre chaque action. Et moi je vis vraiment mes lectures. Je ressens presque les émotions des héros, ce qui me conduit parfois à sursauter comme un Spoing quand Kanon m'appelle. Bien installé, avec une petite couverture sur les genoux (quand je dis que je suis frileux !) j'ouvre mon livre à la page où je l'ai laissé la dernière fois. C'est à dire y'a une heure en fait.

Ça fait à peine cinq minutes qu'une petite sonnerie retentit. J'ai reçu un sms sur mon portable. Ce doit être Kanon ! Je me précipite sur mon lit pour lire le message (j'ai laissé mon portable sur le lit). Elle me dit que tout va bien, elle a eu un contre-temps, mais qu'elle rentre bientôt. Rassuré je lui réponds rapidement sans lui demander de détail, car elle me racontera certainement en rentrant. Tout content, je retourne sur ma chaise et me replonge dans ma lecture. J'en suis à un passage captivant, ce genre de moment où on peut bien vous appeler pendant 5 minutes, vous n'entendez strictement rien [ndla : j'en sais quelque chose loul]. Je dévore littéralement les lignes. L'auteure a un style très bien construit, soigné sans être pompeux, à porté de tous, mais en plus elle sait vraiment tenir en haleine ses lecteurs. L'action décisive se termine et je m'entends pousser un soupir de soulagement. Quand je vous dis que je vis vraiment mes lectures ! Et ça continue comme ça pendant un bon moment. Et soudain, le suspens est à son comble. Je reste penché sur le livre, la respiration presque coupée, alors que le personnage principal se trouve dans une situation inquiétante. Je suis tellement absorbé par le roman que j'entends à peine le bruit étrange. Je relève distraitement la tête en reconnaissant celui de la serrure. Ce doit être Kanon qui rentre. De là où je suis je ne vois pas la porte. Par contre, fait curieux, elle ne toque pas trois fois avant d'entrer, comme d'habitude (un signe de reconnaissance depuis le premier jour). Bah elle doit être pressée j'imagine ! Et puis personne d'autre n'a la clé de toute façon. Je baisse les yeux pour continuer ma lecture, le cœur battant.

- Ouah. Un lit ! Un vrai, ça me manquait grave en fait, c'est trop cool ! Pis j'ai la dalle aussi.

Je fais un tel bond sur ma chaise que je tombe à côté sur les fesses, lâchant le livre qui rencontre le sol à mes pieds. Ma frayeur est telle que mon cri s'est bloqué dans ma gorge et, la bouche ouverte, aucun son ne sort. J'agrippe le rideau derrière moi pour me cacher à moitié de la vue de l'inconnu qui vient de se jeter sur MON lit. Mon cœur bat si fort dans ma poitrine que j'ai l'impression qu'il pourrait en sortir à tout moment. Je fixe l'homme aux cheveux blancs (il est déjà en décoloration capillaire  ? Il a l'air jeune pourtant) avec des yeux terrifiés. Nan mais c'est qui ce type là ? D'où il sort avec les affaires de Kanon ? Comment il a eu les clés ? Kanon ne les donnerait jamais de son plein gré à un parfait inconnu ! Et où est-elle d'ailleurs ? Je fixe mon portable resté sur le matelas, aux pieds de l'étranger. Rah, je ne peux même pas l'appeler ! Mes yeux se posent à nouveau sur l'intrus. Et pourquoi mon lit d'abord ? Ça c'est typiquement le genre de question que je ne poserai pas. Je suis trop froussard pour ça. Mais s'il a les clés, il les a prises à ma dresseuse. Avec son attitude décontracté il n'a pas l'air d'avoir de remords. Donc c'est sans doute un psychopathe qui fait du mal aux gens et continue sa vie comme si de rien n'était ! Ça y'est je panique.

Et mon état ne s'arrange pas quand je m'aperçois qu'il me fixe. Mes yeux s'écarquillent (enfin encore plus) et je me colle au mur comme si je voulais me fondre dedans. On se regarde longuement sans un mot. Voyant qu'il n'a pas l'air décidé à bouger (ce qui me laisse le temps de reprendre ma respiration et de calmer mon rythme cardiaque) je me redresse trrrrrrèèès lentement. J'ouvre la bouche pour parler mais aucun son n'en sort. Je me racle la gorge avant de refaire une tentative tout en me relevant tout aussi lentement.

- V-v-v-v-vous êtes qui ? je bégaye misérablement. Qu-qu'est-ce que vous faites ici ? Et où est Kanon ? Comment vous avez eu ses clés ? Qu'est-ce que vous lui avez fait ?

Tandis que je parle (enfin, disons plutôt "tandis que je le mitraille de questions d'une voix très peu assurée"), je glisse progressivement le long du mur jusqu'au coin le plus éloigné, à côté de la petite table sur laquelle trône une lampe de chevet avec un long pied. Je la saisis à deux mains et brandis mon arme improvisée devant l'inconnu, duquel émane une sorte d'aura très puissante, ce qui n'est pas pour me rassurer. À moins que je devienne fou et que je me fasse des illusions.

- Je vous préviens ! je m'exclame d'une petite voix tremblottante. Si vous lui avez fait le moindre mal je ... je je...

Je quoi en fait ? Je n'aurai pas le cran de faire un pas vers lui et encore moins de le frapper avec une lampe de chevet ! Je suis bien trop peureux pour ça. Et ridicule aussi, franchement, qui aurait peur d'une lampe de chevet ? Et dire que je suis un pokémon, de type dragon en plus... indigne de Kanon. Je suis tellement pathétique.

Je sens son regard scrutateur sur moi et ça me met mal à l'aise (encore plus). Il n'a pas dit un mot depuis que je me suis levé et le silence pesant est vraiment stressant. "Allez réponds moi quoi ! S'il te plait ? " voici ce que je pense en l'instant. Tout en sachant qu'avec ma lampe de chevet et mon expression terrifiée je suis tout sauf crédible. Et du coup pas du tout en position d'exiger quoi que ce soit. Pourquoi je n'ai pas lancé une attaque ? Euh, parce que je suis un boulet ? Ça ne m'a pas traversé l'esprit. Et puis je n'ai que des attaques offensives de contact et ça impliquerait de l'approcher. Et c'est la dernière chose dont j'ai envie. Il finit par se décider à dire quelque chose. Et là je le regrette presque. Sa réponse me prend de cours et je manque de lâcher ma lampe. Je le fixe bouche bée, une expression moitié horrifiée moitié stupéfaite sur le visage. Je referme la bouche, avant de la rouvrir et del a fermer à nouveau.

- Hein ? M-mais ! M-mais ! Vous... ! Quoi ?

Très constructif. Mais là tout de suite, mon cerveau s'est déconnecté. Entre la peur, la surprise, et l'horreur de cette image qui m'a traversé l'esprit, il a dit stop. Je finis toutefois par apercevoir son sourire et son air narquois. Et par réaliser qu'il se fout de moi. Heureusement que mon cerveau, avant de faire grève, a senti que c'était trop bizarre pour être vrai. Sans quoi, je pense que j'aurais fait une syncope. Ce type est un psychopathe avec un humour morbide. Je lui jette un regard courroucé.  Mais quand il se redresse sur le bord du lit, je me colle contre le mur.

- S-si ! j'insiste en brandissant misérablement mon arme. N'approchez pas ! je lui ordonne quand je le vois se lever.

Mais bon, à sa place je n'en aurais pas tenu compte non plus, donc il s'en fiche et fait quelques pas dans ma direction. Je me plaque davantage contre le mur en me disant que le coin c'est bien, sauf pour s'enfuir. Enfin il est à peine plus grand que moi, ce qui est rassurant en un sens. Et il tend une main vers moi. La panique me fait me figer, incapable de raisonner. Il va me frapper ? Me torturer ? Me manger ? Au final il se contente de... me tapoter la tête. Un geste innocent et sans mauvaise intention, lcertainement, mais qui suffit à me réveiller, comme si ce contact m'a envoyé une décharge. Mon regard s'assombrit et je m'apprête à repousser sa main quand il commence à me pincer les joues. Cette fois-ci c'en est trop. Je vois rouge. Je le pousse violemment vers le lit.

- Me touchez pas putain !

Oui. C'est la dernière chose à faire pour me calmer. Et la seule chose qui puisse surpasser ma peur, c'est bien la colère. Et entre le fait qu'il entre sans prévenir, avec les affaires de Kanon, se jette sur MON lit, se fout de moi, et en plus se permet de me toucher... C'est suffisant pour avoir la moutarde au nez.  Il continue de me parler mais je ne distingue plus vraiment ses mots.

- Nan mais vous êtes qui pour vous pointer comme ça sur mon lit ?! Mon nom et ma race ça vous regarde pas et je m'en fiche de qui vous êtes  !

Oui là je suis vraiment vénère. Je serais pas étonné que mes yeux soient devenus rouges. C'est souvent le cas quand je suis vraiment en colère (ce qui est rare mais se produit sans prévenir), ça doit être à cause de mon attaque Colère. Je dois sans doute l'activer sans m'en rendre compte.  Je poursuis dans un même élan sans m'arrêter en faisant des gestes  avec les bras.

- Et non j'ai rien à bouffer, et même si c'était le cas je vous le dirais pas et vous n'auriez rien ! Alors maintenant vous allez dégager et...

Je m'interromps soudainement en réalisant un truc. Ses mots ont finalement atteint mon cerveau (qui a reprit du service visiblement). Je le regarde en fronçant les sourcils, tout le temps qui m'est nécessaire pour analyser ses propos. Ce qui suffit à faire retomber ma colère. Et donc à retrouver une attitude plus craintive. Je fais un pas en arrière (j'avais avancé en m'énervant) et je lui jette un regard stupéfait.

- Euh, vous avez dit quoi ?

Il a parlé de Kanon. Donc il la connait. Mais elle n'a jamais parlé d'un type comme lui, sinon je m'en souviendrais...

- Comment vous connaissez Kanon ? Et vous n'avez pas répondu... Pourquoi vous avez ses affaires ? Et les clés ? ...

Puis finalement le dernier détail important de son discours triomphe de la peur et de la colère et parvient au centre d'analyse de mon cerveau, tout fier. J'écarquille les yeux et cligne des paupières.

- Vous... Vous avez dit ... Reshiram ?

Un dragon Légendaire ? Ici ? Je le détaillé de la tête aux pieds en serrant toujours le manche de la lampe entre mes doigts. Il l'a dit avec tant d'aplomb qu'effectivement je pourrais le croire. Mais je n'imaginais pas du tout qu'un légendaire pourrait ressembler à... un mec comme lui. Je sais pas moi, ils sont sensés être noble et majestueux ! Enfin je dis pas qu'il ne l'est pas mais en toit cas c'est pas flagrant. Bon cela dit ça expliquerait cette aura mystique qu'il dégage. Je fixe cette main qu'il me tend bravement depuis un certain temps. Mais je ne bouge pas. Même s'il est bien un légendaire, et que n'importe quel hybride rêverait de lui serrer la main, ma révulsion du contact ne changera pas. Je relève les yeux vers lui, toujours aussi méfiant, mais un peu remis de ma terreur de tout à l'heure.

- Prouvez-le alors ! ... Euh, s'il-vous-plait ?

Vaut mieux être poli on sait jamais. Et puis je suis pas assuré, donc nécessairement je perds vite contenance. S'il est bien Reshiram il pourra produire des flammes bleues. Sinon c'est un mito qui se prendra un coup de lampe ! Et peut-être une attaque Colère s'il continue à m'énerver. Et puis un détail, rangé dans un coin de mon cerveau jusque là, me revient. Je fronce à nouveau les sourcils.

- Comment ça, on sera amené à se côtoyer souvent ?  Qu'est-ce que ça veut dire ?

Oui ça fait beaucoup de questions à force. Mais c'est légitime aussi ! Il débarque  comme ça, un parfait inconnu, alors que Kanon est toujours absente. Et il a ses affaires en plus. J'espère qu'il ne lui est rien arrivé, quand bien même l'autre albinos me dit qu'elle va arriver... Je serais perdu sans elle ! Oui. C'est une pensée égoïste. Mais je le suis de toute façon. Enfin bien sûr, je l'apprécie beaucoup et je me fais du soucis aussi pour cette raison.

Résumons la situation : un grand type inconnu, avec des cheveux blancs et une aura mystique débarque dans la chambre et s’affale sur MON lit, comme si de rien n’était, avec les affaires de Kanon, me fixe d’un oeil scrutateur pour me forcer à me lever, se moque de moi quand je le menace (bon okay, c’est risible), me ment ouvertement (toujours pour se moquer sans doute, je reconnais qu’en me voyant ça devait être trop tentant) et m’annonce ensuite être Reshiram. Quelle est la probabilité pour que tout ceci soit une simple hallucination ? … Je m’enfonce les ongles dans la peau. Aouch ! Ouais nan je ne suis pas en train de rêver. Je regarde mon arme qui n’en est pas une, l’air dépité. J’ai l’air stupide comme ça. Enfin, plus que d’habitude. Et c’est d’autant plus vrai quand le dénommé SHin m’apprend que Kanon est en bas, et qu’il est monté avec ses affaires, après lui avoir… sauvé la vie ? Un instant j’imagine un bâtonnet de surgelé avec la tête de Kanon. Sors de ma tête, pensée stupide ! Je secoue la tête pour chasser cette image qui m’a fait prendre un air ahuri.

- Ah. Euh... OK.

En fait je n’ai aucun moyen de savoir s’il me dit la vérité. Mais disons que j’acquiesce surtout pour ne pas le contrarier. S’il est bien Reshiram, j’ai plutôt intérêt… Mais alors, une multitude de questions se bouscule dans mon crâne. Comment il l’a rencontré, pourquoi elle a mis autant de temps, pourquoi elle a manqué mourir de froid (bon ça c’est ma faute, je lui ai réclamé les poké-blocs oubliés dans la neige)... Mais je me mords la langue pour ne pas les poser. Pas tout de suite, parce qu’il doit déjà répondre à d’autres de mes questions, et en plus… Bah il me fait peur, pour changer. Et quand il semble contrarié par ma demande de preuve, je me tasse sur moi-même, craintif. N’est-ce pas un soupçon de sarcasme que j’entends là ? Puis il frappe dans ses mains (ce qui me fait sursauter, bien sûr) avant d’accéder à ma demande. J’ouvre une grande bouche en voyant ses yeux changer. Puis je me colle au mur, dans l’espoir fou d’y disparaître sans doute, serrant ridiculement le manche de la pauvre lampe de chevet des deux mains. Je vois une flamme bleue apparaître pour former une sorte de boule dans sa main. OK. Seul Reshiram peut faire des flammes bleues. là je suis convaincu, c’est bon. Quoi ? Toucher cette boule de feu ? Il est fou lui ? Je hoche vigoureusement la tête de droite à gauche.

- N-n-non c’est bon ! Enfin je veux dire oui ! ... Enfin je vous crois quoi… Vous êtes Reshiram, pas de doute.

Ouais c’est bon, cette fois-ci c’est la bonne. Il est bien Reshiram. Donc ça veut dire que le reste peut être tout aussi vrai que son identité. Je ne lui fais pas confiance, mais je le crois pour tout ce qu’il a dit. Enfin, il n’a pas répondu à toutes mes interrogations, loin de là, et la première : mais qu’est-ce qu’il fout là, bordel ? Enfin je me retiens bien de lui poser une telle question de la façon dont je l’ai pensé. Au lieu de ça, je me contente de reposer délicatement la lampe de chevet sur le meuble à côté de moi. Elle ne me sert à rien, à part me rendre plus ridicule je ne suis déjà. Et puis s’il avait voulu me faire du mal, en tant que Reshiram (Reshiram, OMG.) il en avait eu maintes fois l’occasion mais n’avait rien fait. Et puis, on dit que les légendaires sont en général gentils, surtout avec les hybrides. Non ? Du coup, je ne vois pas de raison de lui cacher plus longtemps mon identité… et puis je ne vais pas le contrarier hein.

- Je m’appelle Elros, j’ai 18 ans et je suis... un hybride Draco.

Voilà voilà. C’est dit. J’ai hésité, pourquoi ? Parce que avouer être un hybride Draco, un pokémon courageux, noble et puissant, après le cinéma que j’ai fait et ma lâcheté évidente, bah, c’est pas évident vous voyez. Comparé à lui, je suis un microbe. Risible. Je regarde ailleurs, très embarrassé par la situation. Un silence s’installe pendant quelques secondes. Et puis j’entends un bruit mécanique familier. Celui de la boîte poké-bloc qui délivre une de ces merveilleuses friandises pour hybride. Je relève aussitôt les yeux pour fixer d’un oeil noir le légendaire. Non mais je rêve là ?!

- Eh mais ! Ce sont MES pokéblocs !!

Comme il a l’air de s’en foutre royalement, je parcours en quelques secondes la distance qui nous sépare, bondissant sur le lit pour lui arracher des mains la réserve que Kanon est allé récupérer pour moi. On ne touche pas à mes pokéblocs (je suis un tantinet possessif pour certaines choses) Puis je fais un nouveau bond en arrière, éloignant mes précieux pokéblocs de ce ventre à pattes, l’air farouche.

- Je vous permets pas de manger MES pokéblocs !

Me trouvant sur le côté du lit à présent, je le fixe encore quelques secondes d’un oeil méfiant. Non mais. Puis je prends le temps d’analyser ce qu’il a dit en manger MES pokéblocs. Je renifle un peu, avant de retrouver un air un peu plus amical.

- La suivre ?... Vous voulez dire, comme un hybride suit une dresseuse ? … Vous avez fait le lien ?

Non, je ne suis pas jaloux ! C’est vrai que je suis le premier pokémon de Kanon, donc un peu spécial vous voyez, et du coup j’ai toujours eu toute son attention, elle a presque toujours cédé à mes caprices. Alors là, ça voudrait dire que ce légendaire va me faire compétition ? Bon okay, sur le coup, j’ai peut-être ressenti un soupçon de jalousie. Et puis, bon, si c’est vraiment ça, ça ne devrait pas changer grand chose hein ? Reshiram est grand et fort et courageux, moi je suis très craintif, elle aura toujours envie de s’occuper plus de moi que de lui. Mes yeux descendent sur la boîte à pokéblocs, serrée entre mes doigts protecteurs. C’est pour eux qu’elle est ressorti… Soudain je prends un air totalement déconfit en m’asseyant sur le bout du lit.

- C’est de ma faute si Kanon a failli mourir de froid…

Accablé de remords, je me fais tout petit sur mon siège improvisé, occultant presque de mon esprit la présence du légendaire à côté (ce qui est un exploit tout de même). Si je ne lui avais pas réclamé en insistant, elle ne serait jamais sortie par un temps pareil ! Vraiment, je suis un égoïste et un ingrat… Et le pire c’est que je ne fais rien pour changer ça. Misérable.

Je lui ai à peine décliné mon identité complète qu’il faut déjà qu’il mette les pieds dans le plat. Fier ? Fier ? Pourquoi faut-il qu’il me pose justement cette question ? Heureusement que je n’ai pas mes oreilles de Draco car je les aurais couché sur le côté sinon. Non, je suis loin d’être fier d’être un Draco, parce que je ne suis pas digne d’être un Draco. Un Draco est noble, courageux, honnête. Moi, je ne suis rien de tout ça. Je l’étais peut-être avant, mais… “la prison change un homme” comme on dit, c’est un peu pareil pour la captivité en laboratoire. Certains changent dans le bon sens, d’autres virent mal, et moi… On va dire que je suis entre les deux ? J’ai changé sans être une mauvaise personne, enfin, je crois…

- Ouais c’est une chouette race, je me contente de répondre.

J’élude sa question. Ce n’est pas à lui que je fais confier une chose pareil, je le connais à peine ! Et puis je n’ai pas besoin de son jugement. Je me juge déjà assez sévèrement tout seul pour qu’on m’enfonce encore plus. Et puis je m’énerve en le voyant manger mes pokéblocs. Et qu’est-ce qu’il me réplique lui ? hein ?

- Je ne suis pas jaloux.

Oui, bon, peut-être juste un peu, car jusqu’à maintenant j’étais le seul pokémon de Kanon. Son starter. Le premier pokémon de son équipe. Bien sûr, une bonne équipe ne se compose pas que d’un seul pokémon, je le sais, mais voilà… C’est agréable, une personne qui s’occupe tout le temps de vous. Après, j’imagine que ça ne changera pas beaucoup d’avoir une deuxième personne. Je ne serais plus seul quand elle sortira. Sauf si Reshiram (Shin c’est ça ?) l’accompagne tout le temps. ça vaut peut-être mieux, tu me diras. Au moins il ne lui arrivera rien par ma faute. Shin tend un doit vers ma boîte. Je le fixe en fronçant les sourcils et j’éloigne mon précieux trésor de lui, méfiant.

- Peut-être, mais elle les a fait pour moi à l’origine. Je ne suis pas sûr qu’elle apprécierait que tu me les prennes !

Je l’ai naturellement tutoyé. Après tout, maintenant que je sais qu’il va nous accompagner partout, ce serait bête de le vouvoyer tout le temps. Et bizarre aussi. Puis je repense subitement à Kanon, aux pokéblocs, et à la raison de sa sortie. Subitement mon attitude change. Je me recroqueville à l’autre bout du lit, l’air penaud et coupable. Si je n’avais pas insisté, elle n’aurait pas risqué de mourir de froid… Je savais pourtant qu’il faisait froid dehors. Les dragons sont très sensibles au froid, sauf peut-être Shin puisque son double type feu le protège de la glace. Et pourtant… Je soupire, le dos voûté, les épaules basses. Quel piètre pokémon je fais toute de même ! Mon regard morne se pose sur lui à mesure qu’il discourt sur mon changement d’humeur. Je laisse un petit silence s’installer avant de répliquer.

- Sourire ? Je le fais déjà, ça ne change rien. Et se battre… je n’ai pas envie de me battre. J’en ai marre de me battre. Je l’ai déjà subis la Réalité. Alors que j’y étais pour rien. C’est comme ça et puis c’est tout.

Certes, ce n’est pas le plus optimiste des discours. Mais j’ai appris durant ma captivité qu’il y a des choses contre lesquelles on ne peut rien faire. On aura beau se battre, ça ne servira qu’à s’épuiser et retarder l’inéluctable. Certes, le jour de mon évasion, j’ai pris sur moi et je me suis battu. J’ai réussi à m’en sortir, mais en sacrifiant les vies de mes camarades. Je suis fatigué de tout ça. Je ne veux plus penser à me battre, à combattre ou je ne sais quoi encore… Même si un dresseur et son équipe combattent une autre équipe. Même si un pokémon se doit de défendre son dresseur. Je ne suis simplement pas fait pour ça. Ou pas prêt pour revivre ce genre de combat. Je ne sais pas…[/color]

Je me secoue un peu. Ah, ça ne va pas, je recommence à broyer du noir. Je me redresse subitement. Il faut penser à autre chose ! Je me souviens d’avoir entendu Shin me poser une question à propos de moi. Je me creuse la cervelle pour me rappeler. Ah oui, parler de moi et de pourquoi je suis Ka… Non mais sérieusement c’est quoi cette question ? Je fais la moue en agitant mes jambes. Je vais encore devoir sortir un mensonge.

- Bah, j’ai pas grand chose à raconter. ça fait quelques semaines que je suis avec Kanon. Je la suis parce que… parce que… j’ai envie de voyager. Voir le monde, découvrir de nouvelles régions. Et je ne voulais pas voyager tout seul.

Bon ce n’est qu’à moitié un mensonge. Ce n’est pas la réelle raison de la formation de notre lien, mais c’est vrai que je profite d’être avec elle pour voyager. J’ai toujours été curieux, je ne suis jamais sorti de Johto. On est déjà allé en vacances en famille au Lac Colère, et une fois à Oliville aussi je crois. Mais jamais au-delà de la mer. Kalos, c’est la première région que je visite. Alors, finalement, ce n’est un vrai mensonge. En plus, j’ai déjà découvert certaines régions à travers les livres, en particulier dans ceux de Kazuko… tiens, en parlant de l’écrivain… Je me lève pour aller ramasser le livre que j’ai fait tomber tout à l’heure en sursautant. Je vérifie qu’il n’a rien et je soupire de soulagement. Puis je m’assois sur le lit le plus proche de la fenêtre en fixant la couverture. Kazuko… ma première rencontre avec un légendaire. Mais au fait, elle m’avait pas dit que… Je lève les yeux vers l’albinos. Et je lui montre la couverture.

- Il me semble que tu connais Kazuko, non ? Mew. C’est mon auteur préféré. Je l’ai croisé il n’y a pas longtemps à Rosalia. Elle m’a dit qu’elle adorait te tirer les joues. C’est vrai ?

Cette fois-ci j’affiche un sourire fripon. Je m’imagine Mew tirant les joues d’un dragon blanc. Ohlàlà, ce que ça devait être hilarant à voir ! IL n’y a pas de mal à se moquer d’un légendaire, non ?

J’ai jamais connu un homme aussi sans gêne que Shin. Il débarque comme ça dans la chambre, comme s’il était chez lui -même si, si j’en crois ce qu’il dit, il est effectivement chez lui depuis le lien avec Kanon, enfin à moitié chez lui on va dire- sans toquer, sans se demander s’il dérange, il me fout les jetons, et il ne s’excuse même pas ! Au lieu de ça, c’est limite s’il ne me fait pas la moral. Il insiste même sur le fait que je suis soi-disant jaloux. Je croise les bras et je gonfle les joues, la mine boudeuse. Je bougonne quelque chose qui sonne comme “mais elle les a fait pour moi d’abord” seulement je le dis si bas qu’on ne comprends pas grand chose au final. De toute façon ça ne servirait à rien d’insister. Il peut bien croire ce qu’il veut, je ne suis pas jaloux !

Puis après il parle de se battre et de garder le sourire. Ma réponse n’est guère enthousiaste à son discours. C’est vrai quoi… j’ai bien tenté de me battre par le passé. Je ne récoltais que des coups, et la seule fois où ça m’a servi, c’est le jour où j’ai réussi à m’enfuir… après avoir vu des amis mourir sous mes yeux. Et après en avoir condamné d’autres par lâcheté. Il me déprime presque avec sa Réalité. Mais c’est ce qu’il est, après tout ; le pokémon Blanc Réel.

- Baaaaah ne t'en fais pas pour ça t'as des gens sur qui compter c'est le principal !
- … Oui c’est vrai, c’est important…

Ces paroles me dérident un peu. ça me fait réaliser qu’on s’en sort toujours mieux si on a des gens sur qui compter. J’avais des amis dans le centre, et on se soutenait pour supporter tout ça. Quand ils sont morts, je me suis senti perdu et terrifié… Et j’ai fait des erreurs. Je n’en suis pas fier. Je soupire profondément avant d’éloigner tous ces remords. Il ne faut pas se laisser abattre, comme le dit Shin.

- Les Draco voyageaient beaucoup à l'époque, ils étaient rare et admirés. Vous êtes allé où ? Vous avez vu quoi ? Allez dis moi tout !
- Je, euh… on est allé à Doublonville d’abord, on a été dans le centre commercial. Et puis à Rosalia, c’est là où j’ai croisé Kazuko d’ailleurs, elle m’a montré l’école de danse et les tours ! On a été dans la forêt pas loin de Mauville aussi, où j’ai rencontré Mei, et on a vu le Puits aux Ramoloss… Et puis après on est venus ici. On a pas vu grand chose encore…

Je ne sais même pas pourquoi je lui raconte tout ça, moi. Peut-être parce qu’il a employé l’impératif et que je n’ai pas envie de le contrarier ? Haha… Mais je repense à ce qu’il a dit juste avant.

- Des Dracos, tu… tu en as connus ?

Rares et admirés… Je doute d’être un jour admiré. Je suis bien trop peureux pour inspirer l’admiration aux autres. J’ai beau être d’une race noble, je ne le suis pas moi-même… Je change un peu de sujet en parlant de Kazuko et des histoires qu’elle m’a raconté. Aussitôt Reshiram prend la mouche et nie en bloque, avant d’avouer. Je me mets à rire, soudain taquin, mais je n’ajoute rien.

C’est alors qu’il pose une main sur mon épaule et lève son autre pouce vers le ciel. Surpris par ce contact inattendu, je sursaute fortement. Je frissonne en sentant sa paume sur mon épaule, mais je me retiens de me dégager avec brutalité. Il me fait encore assez peur pour m’empêcher de réagir impulsivement. Je le regarde un peu ébahis en l’écoutant.

- M-Mon maître dragon ? Comment ça ? Mais… mais je pense pas que ce soit la peine, je… je suis certainement un cas désespéré… Enfin c’est gentil mais je pense que tu te donnerais du mal pour rien… Je ne suis pas contre, mais... Je doute que je puisse devenir fort un jour, alors le plus fort des Dracos, haha…

Je fais presque pitié comme ça, j’en suis certain. Mais à ce moment là j’entends quelqu’un approcher de la porte. Je regarde la poignée s’ouvrir et j’aperçois Kanon qui entre dans la chambre. Aussitôt je me lève et me précipite vers elle.

- Kanooooon ! T’es enfin là ! Y’a lui, Shin, il est entré et m’a foutu la peur de ma vie, et après il a mangé les pokéblocs… C’est vrai que c’est ton pokémon maintenant ? ça veut dire qu’il va voyager avec nous ? Il est pas méchant en fait… Il veut être mon maître dragon, je sais pas si c’est une bonne idée…

On dirait vraiment un gosse qui se réfugie dans les jupes de sa mère pour se plaindre de son grand frère. Mais je ne sais pas quoi dire au sujet de son… “offre”. Une part de moi a envie de savoir ce que c’est d’être un vrai dragon, tandis que l’autre a peur, comme toujours.

Caché derrière Kanon, qui, à sa tête, doit se demander ce qu’il se passe, je fixe Shin comme s’il allait me sauter dessus d’une seconde à l’autre. Pourtant, dans le fond, je sens qu’il ne me veut aucun mal. Mais je suis comme ça, et je ne risque pas de changer de si tôt. Kanon me rassure avec des mots, alors je me détends un peu et me décale un peu, comme si je sortais d’une cachette.

- Je lui ai dit pour rire que je t'avais mangé quand je suis rentré mais je crois qu'il n'a toujours pas digéré la blague.
- Ben moi je trouve pas ça drôle ! je rétorque en croisant les bras et en faisant la moue.

En fait je ne sais pas ce qui m’a déplu le plus ; la blague en elle-même, ou le fait que j’y ai cru l’espace d’un instant… C’est un peu vexant tout de même. Puis Kanon me confirme que Shin a rejoins l’équipe, nouvelle que j’accueille avec un certain stoïcisme. Je ne sais pas si je dois m’en réjouir ou en pleurer… J’imagine déjà ma réserve de pokéblocs disparaître dans son estomac. Jusqu’à présent, je n’ai jamais eu à les partager. Alors forcément, l’idée ne m’enchante guère - à croire que j’ai un côté égoïste. Je fronce les sourcils en fixant Kanon, quand elle mentionne un truc sur des raviolis.

- Une marque en raviolis ? … j’ai l’impression que j’ai loupé un épisode…

Il a dû se passer un truc quand elle était sortie. Visiblement, elle a tenté de se faire des raviolis après s’être perdu. Par ma faute d’ailleurs. Subitement je me sens tout penaud, et ma mine froissée se transforme en une expression dépitée.

- Mais puisque c'est l'heure de manger on y va ! C'est bon ce qu'on mange dans les centre Pokemon ? De toute façon je suis pas difficile. Oh faudra refaire des Pokébloc pour ton Draco, il va m'en vouloir toute ma vie sinon !

Je m’écarte de Shin comme si j’avais pris un coup de jus, en lui lançant un regard noir. D’où il se permet de me toucher, lui ? Il a pas encore compris que je déteste le contact physique ? La cohabitation risque d’être compliquée à ce rythme…  M’enfin, il a pas tort. Manger ! ça suffit à chasser mon humeur morose. Enfin, d’abord, je dois mettre les choses au clair.

- Ouais mais reviens pas me les piquer après, toi ! Si t’en veux aussi t’as qu’à en réclamer rien que pour toi à Kanon.

Non je n’ai toujours pas digéré qu’il ait englouti ma réserve personnelle. C’est du vol après tout ! Mais je vais devoir me faire à sa présence de légendaire, vu qu’il va nous accompagner un peu partout à partir d’aujourd’hui. C’est à la fois grisant et intimidant ; un légendaire dans l’équipe de Kanon ! Voyager avec Reshiram ! Je frissonne avant de me rappeler d’un détail essentiel.

- J’ai super faim ! ils servent quoi au restaurant aujourd’hui ? Je pourrais manger du Némélios !

Les deux mêmes ventres à pattes, voilà qui va bien occuper Kanon à présent. Déjà que moi, c’était pas toujours évident de me rassasier, surtout quand je passe mon temps à grignoter des pokéblocs entre les repas. Mais avec le même en mode légendaire, ça promet ! J’espère que ça ne va pas lui coûter trop cher à la longue… D’ailleurs, à ce propos, elle n’a pas dit un truc sur le sujet ?

- Tu as dit quoi à propos d’une étoile ? t’en as une deuxième c’est ça ? Et une plus grande tente ? C’est cool ! ça veut aussi dire que tu pourras acheter plus de baies pour faire des pokéblocs ?

Rien que d’y penser, j’en ai les yeux qui brillent de ravissement. Oui, je ne pense qu’à bouffer. Mais bon, j’aimerais vous y voir, vous, après 7 ans à consommer le même porridge fade et dégueulasse. Mon estomac se met à gargouiller, ce qui me motive suffisamment pour prendre la tête du trio en direction du restaurant du centre. Enfin… sans m’éloigner de plus d’un mètre de Kanon. Quand même.