Les étoiles D'illumis [Pv Kaleo]

Le soleil vient à peine de se lever sur Illumis et pourtant, Kaleo est déjà parfaitement réveillé – bon, en réalité, il n'a pas vraiment dormi. Il est arrivé à Kalos dans la nuit, sans même avoir l'occasion d'aller admirer la Tour Prismatique au centre de la capitale. Son taxi s'est contenté de le déposer au pied de son hôtel sans lui accorder le moindre détour, pressé de rejoindre le client suivant. C'est donc plutôt frustré que Kaleo s'est présenté au guichet d'accueil, retirant les clés de la chambre avant de s'y rendre. D'ailleurs, parlons-en de cette chambre. Bane, le manager de l'Oratoria, sait pertinemment qu'il préfère les hôtels simples, le genre accessible à tous, sans aucune prétention. Mais une fois encore, le manager n'en a fait qu'à sa tête et a réservé une chambre dans l'un des hôtels les plus chics d'Illumis. Le genre avec les vasques en marbre noir et les douches de quarante-deux mètres carré. Kaleo a donc tiré la grimace en découvrant la chambre, regrettant la simplicité notoire de son appartement, à Ekaeka. Et dire qu'il va séjourner ici pendant plus d'une semaine. Quand Bane va-t-il comprendre que ce genre de confort ne lui convient pas ? Ce n'est pas parce que Kaleo commence à être vraiment connu qu'il a besoin de tout cela. D'ailleurs, est-ce vraiment une bouteille de champagne qui repose dans le seau près de la fenêtre ?!

Néanmoins, l'excitation de découvrir une toute nouvelle ville a balayé ce souci de chambre en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire. A peine Kaleo s'était-il installé sur son immense lit qu'il découvrait une carte de la capitale sur sa table de chevet. Ni une ni deux, il a sorti un stylo bille et s'est attelé à entourer tout ce qu'il souhaitait visiter pendant son séjour dans la ville lumière. A côté de cela, il remplissait les pages de son carnet d'informations en tout genre, tel un véritable touriste. Certes, son emploi du temps est plutôt chargé mais il compte bien utiliser son temps-libre le plus efficacement possible. Or de question de se contenter de faire des aller-retours entre ses rendez-vous professionnels et l'hôtel. Ce n'est pas tout les jours qu'il peut découvrir une toute nouvelle ville. Si la simplicité et les paysages d'Alola lui manquent, Kaleo est tout autant curieux de découvrir de nouveaux horizons. D'ailleurs, il a promit à sa famille de leur ramener des jolis souvenirs de Kalos. Il trouvera certainement de quoi leur offrir en ville – mais encore faut-il qu'il ait le temps de se promener. C'est pourquoi il n'est pas parvenu à dormir. Des plans plein la tête, il ne pouvait pas gâcher son précieux temps à roupiller comme un loir. Il le regrettera sûrement plus tard mais … pour l'heure, il compte bien profiter d'Illumis !

C'est donc avec une simple casquette en guise de déguisement que Kaleo quitte sa chambre d'hôtel, bien trop tôt pour éviter les regards stupéfaits du personnel. Illumis s'éveille doucement et quelques piétons sont déjà sur le chemin du travail. Il se joint donc à eux, observant les hauts immeubles et les jolies boutiques avec des yeux d'enfants. L'Oratoria aperçoit alors plusieurs salarymen faisant la queue devant une charmante petite roulotte. En s'approchant, il réalise qu'il s'agit-là d'un vendeur ambulant de Galette Illumis, la spécialité de la capitale. Sans hésiter ne serait-ce qu'un seule seconde, le chanteur prend place dans la fil, fouillant dans son porte-monnaie pour sortir par avance la somme à réglé. Une fois la pâtisserie en main, il croque dedans sans appréhension et se régale de sa douce saveur sucré. Un café acheté à une échoppe voisine plus tard, le voilà à déguster un petit-déjeuner des plus typique de la région. Voilà qui est bien meilleur que les œufs brouillés ou les toast proposés par le roomservice de l'hôtel. Il n'y a pas meilleure façon de découvrir un nouveau pays que s'intéresser à sa gastronomie, c'est ce que sa mère lui disait tout le temps. Et ce n'est pas Kaleo qui va la contredire.

Kaleo passe ainsi une bonne partie de la matinée à errer dans les rues d'Illumis, s'achetant même une paire de lunette de soleil totalement ringarde à un vendeur ambulant. Il s'apprête d'ailleurs à craquer pour une casquette à oreille de Skitty lorsqu'il reçoit un coup de téléphone de la part de Bane. Bien obligé de répondre à son manager, l'Oratoria abandonne finalement son achat et trouve un petit coin tranquille pour réceptionner l'appel en toute discrétion. Bane commence, bien évidemment, par le disputer, ne jugeant pas prudent de se balader dans Illumis sans garde du corps. Encore une chose que le chanteur ne comprend pas : à Alola, il peut aller n'importe où sans risquer quoi que ce soit. Les gens sont-ils plus sauvages dans les capitales ? Il a un peu de mal à y croire. Néanmoins, son manager enchaîne en lui rappelant le concours auquel il est censé assister en fin de matinée. Et heureusement qu'il lui rappelle, parce que l'Oratoria avait complétement oublié. Il saisit donc les coordonnées du lieu sur son téléphone et promet à Bane de s'y rendre dès maintenant – s'il s'amuse de nouveau à flâner dans les rues de Kalos, il est certain de ne jamais arriver à destination à l'heure. Alors autant arriver en avance et ne pas risquer de donner une mauvaise image de lui-même : en assistant à ce concours, il participe à la diffusion de sa musique dans le monde. C'est une occasion en or à ne pas rater : du moins, d'après Bane. Et Kaleo lui fait suffisamment confiance pour le croire sur parole. C'est lui l'expert, après tout.

C'est donc d'une démarche rapide mais pas moins décontractée que Kaleo prend la direction du lieu de l'événement. Ce dernier se tient dans un bâtiment spécialement réservé pour l'occasion, au milieu d'une rue piétonne à l'ouest de la ville. L'Oratoria ne se trouve donc pas trop loin, il y sera en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire. En espérant seulement que ce soit ouvert … il aurait l'air bien idiot d'attendre devant la porte comme un adolescent ayant oublié les clés de la maison. Mais il en faut bien plus pour le stresser, alors il suit le chemin indiqué par son téléphone portable, levant régulièrement la tête pour observer les alentours. Il y a tellement de jolies boutiques qu'il aimerait visiter, il doit se faire violence pour ne pas y entrer. Après tout, ce n'est pas comme s'il ne restait qu'une journée. En plus d'une semaine, il aura largement le temps de revenir faire des emplettes pour sa famille – il pense particulièrement à ses neveux et nièces qui adoreraient de jolies peluches ou des boules à neige représentant la Tour Prismatique. Tant qu'à ramener quelque chose, autant que ce soit typique de la ville ! En tout cas, vous pouvez être sûr qu'il remplira sa valise de Galettes Illumis. Or de question de ne pas faire goûter ces viennoiseries à ses parents – il est certain d'ailleurs que son père en raffolerait.

Kaleo arrive finalement au lieu du rendez-vous, bien trop en avance, comme il l'avait prévu. D'après Bane, un membre du staff de l'événement est censé le prendre en charge, mais il n'y a personne à l'horizon – si ce n'est une jeune demoiselle et sa valise. Si elle ressemble plus à une participante qu'à une organisatrice, l'Oratoria décide tout de même d'aller à sa rencontre : quitte à ce qu'elle ne puisse rien faire pour lui, autant passer le temps en discutant ! Surtout si, comme il le pense, il s'agit bien d'une participante. Il est bien curieux de connaître ces artistes en herbe décidés à prouver ce qu'ils valent face à un jury de soi-disant experts.


Une attitude typique d'Alola : le sourire, le tutoiement, la certitude que tout le monde est votre ami. Chez certaines personnes, c'est un comportement agréable. Mais pour d'autres, c'est une toute autre histoire. Quel sera donc l'avis de la demoiselle sur la question ?

Lunettes ringardes sur le nez, paquet de viennoiseries à la main, Kaleo renvoie l'image parfaite du petit touriste fraîchement débarqué en ville. Il ne manquerait que l'appareil photo autour du cou pour créer le tableau parfait – ne croyez pas qu'il ne prend pas de photographies d'Illumis, il se sert seulement de son téléphone portable … les smartphone et leurs technologies n'ont pas fini de voler la vedette. Heureusement, la capitale n'est pas propice aux chemises à fleur et aux tongs – c'est plus quelque chose d'Alola, ça. En tout cas, le chanteur est intimement persuadé que personne ne peut le reconnaître. S'il ne fait pas trop d'effort pour dissimuler son identité, c'est parce qu'il considère que sa réputation n'est pas suffisamment faite à l'internationale. Certes, il a bien vu son album dans un kiosque à l'aéroport mais c'est tout. Pas qu'il en soit déçu, au contraire. Kaleo aime que les choses évoluent doucement. Il ne veut pas être propulsé sur le devant de la scène trop rapidement. Il veut prendre le temps de conquérir son public, de se faire un nom par délà Alola. Et si cela doit prendre quelques mois, qu'il en soit ainsi. Au moins, il peut visiter le monde en étant quasiment sûr de ne pas se faire reconnaître.

C'est également ce qu'il pense lorsqu'il aborde la jeune fille devant lui : elle ne le connaît sûrement pas, ce qui facilitera sûrement le dialogue. En tout cas, cette première prise de contact avec les habitants d'Illumis se passe vraiment bien : visiblement pas agacée par la familiarité du blond, la demoiselle répond à sa question avec humour. Ainsi donc, c'est le stress qui l'a fait venir ici si tôt ? Si l'Oratoria n'a jamais connu ce genre de situation – le stress n'a jamais été un compagnon de galère – il sait néanmoins qu'elle n'est pas la seule à avoir ce genre de souci. Et cela lui confirme d'ailleurs qu'elle est bien une participante. Kaleo ne peut s'empêcher d'essayer de deviner quelle prestation elle pourrait offrir au jury. En tout cas, il est presque impatient que le casting commence. En espérant pour elle que ces angoisses la quitte pendant son passage. Ce serait bien dommage de laisser ses émotions prendre le risque de gâcher un bon moment. Mais ne mettons pas la charrue avant les Tauros : Kaleo verra tout ça au moment venu.

La jeune blonde tourne finalement la tête vers l'Oratoria et … se fige. Comme si elle venait de croiser le regard de Méduse. Un peu surpris, Kaleo regarde à droite, puis à gauche, à la recherche de ce qui a pu provoquer la pétrification de son interlocutrice. Mais il n'y a qu'eux dans la rue, si l'on omet les vendeurs des nombreuses petites échoppes. Kaleo comprend alors que les yeux de la jeune fille sont bloqués sur lui, et non pas ailleurs. Quoi, ces lunettes sont vraiment si horribles que ça ?! Ni une ni deux, il les retire vite fait de sur son nez, les glissant dans la poche arrière de son pantalon. Finalement, il aurait mieux fait de ne pas les acheter – bah, au pire, elles plairont bien à l'un de ses neveux, ce n'est pas de l'argent gâché. Quelque peu gêné, Kaleo se gratte l'arrière du crâne, alors qu'un claquement retenti. La blonde vient de se gifler les deux joues et vu le bruit que cela à provoquer, ça n'a pas du lui faire du bien. Mais qu'arrive-t-il donc à cette petite ?!


Coma ? Lampadaire ? Mais que baragouine-t-elle ? De plus en plus mal à l'aise, Kaleo avale de travers, ayant soudain la sensation d'avoir fait quelque chose de mal. Il sait que la jeune fille stresse, est-ce donc sa manière à elle d'évacuer ses angoisses ? L'Oratoria ne juge pas, chacun ses méthodes après tout mais … sincèrement, se gifler si violemment et lancer des phrases sans queue ni tête, est-ce vraiment une technique qui marche ? Prenant visiblement soudain compte de ses dires et actes, la jeune fille devient rouge comme une pivoine et ne parvient plus à aligner deux mots pour former une phrase correct. Tout aussi gêné qu'elle, Kaleo ne sait quoi dire ou quoi faire. Sa formation de pompier ne lui a pas apprit à gérer les personnes stressées, malheureusement. Il ne peut que s'assurer qu'elle ne tombe pas dans les pommes ou quelque chose du genre. Et la voilà qui parle de la météo … Kaleo lève les yeux pour regarder le ciel. En effet, quelques nuages défilent au dessus de sa tête, tels des moutons dans un pâturage bleu. De toute façon, pour un habitant d'Alola, il ne faut pas grand chose pour considérer que le temps est couvert.

Là encore, la jeune fille semble se rendre compte trop tard de ce qu'elle vient de dire. Pour peu, Kaleo trouverait cela adorable, s'il ne s'inquiétait pas sincèrement pour elle. Elle devrait vraiment prendre une grande inspiration et se calmer, ou elle risque de tourner de l'oeil. Ce serait dommage de faire un malaise à quelques heures à peine de la chance de sa vie ! Kaleo fait donc un pas en sa direction, mais là voilà qui reprend la parole :


L'Oratoria sourit, quelque peu rassuré. La pauvre, elle a vraiment le cœur au bord des lèvres. Qu'à cela ne tienne, elle peut compter sur lui pour l'aider à se détendre avant l'arrivée de l'organisation. Lorsqu'il chantait avec la chorale de son école, son professeur de musique leur avait apprit plein de petites astuces pour se détendre. Pas que Kaleo lui-même en avait besoin, mais il sait que cela avait aidé nombreuses de ses amies. Il ne connaît plus les techniques par cœur, mais il doute que ce soit bien grave. En fait, le tout est de l'aider à penser à autre chose, tout simplement. Et pour ça, le jeune chanteur est doué. Alors, avec un sourire aux lèvres, il franchit les quelques mètres qui les sépare encore et pose doucement sa main sur son épaule. S'il ne se trompe pas, la demoiselle louchait sérieusement sur des sucreries lorsqu'il l'a hélé. Le stresse a du l'empêcher d'avaler quoi que ce soit. Or, il est important d'avoir l'estomac plein, et en toute circonstance. Alors le jeune homme plonge sa main dans son paquet de viennoiseries et en tire une galette Illumis encore tiède.


Une audition, ce n'est pas rien. Qu'importe ce qu'elle compte présenter, elle ne doit pas le faire à jeun. Il l'invite ensuite à s'asseoir sur le banc libre à quelques pas de là. Ils ont un peu de temps devant eux avant que le bâtiment n'ouvre, alors autant se mettre confortable. De toute façon, ils ne sont pas bien loin : si quelqu'un arrive, ils le verront tout de suite. Kaleo s'assoit donc tranquillement sur le banc aux côtés de Kanon, veillant à ce qu'elle mange sans faire de chichi. Il ne compte pas la forcer, évidemment, mais l'encourager à prendre des forces. Il se doute que la nuit a été courte pour elle, alors à défaut d'être rechargée à bloc, elle doit au moins avoir l'estomac plein.


C'est ce que disait sa professeur de musique aux élèves de la chorale avant chaque représentation. S'amuser, c'est le principal. Qu'importe si, au final, la prestation n'est pas à la hauteur des attentes. L'important, c'est de prendre du plaisir et de passer un bon moment. La finalité, ce n'est que du bonus. Certes, parfois c'est un bonus qui peut tout changer mais … Kanon est jeune, elle a encore toute la vie devant elle. Et Kaleo est certain qu'elle réserve un numéro magnifique au jury. A condition qu'elle s'y présente dans les meilleures conditions possibles pour elle.

Bien que Kalo crevait d'envie d'engloutir cette galette lui-même, c'est sans le moindre remord qu'il la cède à Kanon. Il aura mille et une autres occasions d'en manger d'autres, c'est une certitude. Mais pour la demoiselle, il s'agit peut-être de sa seule chance de se remplir l'estomac avant le moment fatidique. Alors l'Oratoria affiche un grand sourire d'imbécile heureux, espérant sincèrement que Kanon daigne manger. Pourtant, elle ne semble pas presser et, pendant un instant, Kaleo sent l'angoisse lui serrer l'estomac. Peut-être n'aime-t-elle pas les galettes Illumis ? Après tout, les goûts varient tellement d'une personne à une autre que ce ne serait pas étonnant. Ou alors, pire, elle y est allergique ?! Kaleo se souvient alors de la gaffe monumentale qu'il a fait quelques années auparavant, pour l'anniversaire de sa première nièce. Il avait écopé de l'importante mission du gâteau et le pompier qu'il était à l'époque s'était mit un point d'honneur à ramener le plus somptueux de tous. Il avait donc commandé un immense fraisier nappé de coulis de chocolat. Le genre qui te donne quinze kilos de plus rien que le regardant. Et c'était fier comme tout qu'il avait ramené le gâteau à l'anniversaire de la petite … malheureusement allergique aux fruits rouges. Un véritable fiasco qui s'est heureusement arrangé par un aller-retour express à la pâtisserie du coin pour ramener un mille-feuilles mais, aujourd'hui encore, l'Oratoria a bien du mal à se pardonner cette erreur monumentale.

C'est pourquoi, depuis, Kaleo se méfie des allergies comme de la peste. Quand il doit ramener quelque chose lors de réunion ou de fêtes, autant boisson que nourriture, il se renseigne toujours sur toutes les allergies et intolérances avant d'acheter quoi que ce soit. Il ne peut oublier le regard déçu de sa nièce à la vision de ces rangées de fraises auxquelles elle m'a pas le droit de toucher malgré son affection toute particulière envers ces fruits rouges. Bien évidemment, l'enfant ne lui en a jamais voulu mais lui culpabilise encore aujourd'hui. Alors l'idée que Kanon puisse se retrouver incommodé par son offre commence petit à petit à l'angoisser. Bien sûr, il ne pouvait pas le savoir mais cela reste vraiment gênant si ses craintes s'avèrent fondées. Heureusement, la demoiselle fini par croquer à pleine dents dans la viennoiseries. Kaleo espère qu'elle ne se force pas par politesse mais à en juger l'expression de son visage, il est bien loin du compte. Rassuré, le jeune chanteur se détend un peu, relâchant aussitôt ses épaules s'étant naturellement contractées suite à sa montée de stresse. Pourtant, à l'instant où il parle des auditions, le visage de la jeune fille semble perdre en éclat et de nouveau, l'Oratoria se sent coupable. Décidément, ce type est une vraie calamité pour rassurer les gens. Et les filles en règle générale.


Tout ? L'Oratoria imagine bien l'angoisse qui doit l'habiter. Sûrement attend-t-elle énormément de ce concours et qu'il est sa dernière chance pour atteindre ses objectifs. Une vision des choses qui attriste un peu Kaleo. Lui, il n'a jamais considéré quoi que ce soit comme l'ultime chance. Ses parents lui ont apprit que les échecs ne sont pas des fins en soi et qu'il faut toujours aller de l'avant, quoi qu'il arrive. Ainsi, il n'a jamais rien achevé sur une défaite. D'autant plus que cela rajoute une telle pression qu'il y a davantage de chance de tout faire capoter que de se donner à fond. Kaleo a toujours considéré tout ce qu'il lui arrivait comme un jeu, plus ou moins complexe, duquel il pouvait sortir victorieux comme défait sans pour autant sans vanter ou en pleurer. Peut-être est-ce un comportement digne des îles, il ne saurait vraiment le dire. Mais en règle générale, Kaleo se rend compte que les gens se mettent bien plus la pression qu'à Alola. Les visages sont plus fermés, les épaules plus tendues, les pas plus pressés, les mots plus abrupts. Tout semble n'être qu'une compétition aux bonheurs immatériels et éphémères comme la fortune ou la célébrité. Certes, venant de Kaleo, cela semble peut-être malvenu mais il ne chante pas pour la gloire ou l'argent. Seulement pour son plaisir personnel, et pour son public qui l'apprécie. Tout ce qu'il y a autour, en fin de compte, ce n'est que du bonus dont il se préoccupe bien peu.

En tout cas, la galette est engloutie en quelques coups de dent. Et voilà un estomac bien rempli ! Kanon lui en est d'ailleurs reconnaissante, ce qui fait chaud au cœur de l'Oratoria. Il n'y a pas pire qu'un malaise vagal pour gâcher une représentation. Si Kaleo n'en a jamais vécu – il n'a jamais eu l'appétit coupé par l'angoisse – il en a été souvent témoin. Ce serait vraiment dommage que Kanon rate sa chance pour cela. Voilà déjà un souci probable d'évité ! L'Oratoria jette alors un petit coup d'oeil discret à sa montre. Ils ont encore un peu de temps devant eux avant le début des auditions – les autres membres du jury ne devraient donc pas tarder à arriver, son temps en tête à tête avec la jeune fille est donc compté. Mais que lui dire ? Il ne peut certainement pas se trahir, cela risquerait de d'angoisser Kanon encore plus. Heureusement, la jeune fille prend les choses en main d'elle-même. Mais … pas de la façon la plus arrangeante pour l'Oratoria. S'il participe à l'audition, hein ? Dans un sens, oui. Mais pas en tant que participant. Peut-il vraiment se permettre de jouer sur cette nuance ? Kaleo ne veut pas lui mentir mais, d'un autre côté, se présenter comme juge risque sûrement d'angoisser davantage la jeune fille. Quelle situation délicate.


Kaleo lui offre un clin d'oeil tout en dressant son index devant sa bouche. Comment faire comprendre les choses sans les dire, volume un. Enfin, si Kanon ne comprend pas, ce n'est pas très grave. Après tout, bien que le chanteur fasse parti du jury, il ne sera pas le seul à juger des performances. Ainsi, bien que son avis pèsera dans la balance, tout ne dépendra pas de lui. Ce qui le rassure un peu. En vérité, le blond n'est pas très à l'aise avec ce genre de chose. Cette impression de tenir une carrière, des rêves entre ses mains … C'est bien trop important et stressant. Si son agent n'avait pas autant insisté, il ne serait pas là en ce moment même. Ce qu'il espère par dessus tout, c'est que les autres ne seront pas trop durs. Il sait très bien quels effets négatifs des avis durs peuvent infliger au moral des participants. Si Kaleo se fait confiance pour arrondir les angles, il sait que l'avis d'une star encore récente à l'échelle mondiale fera moins mouche que celles de personnalités plus connues. D'ailleurs, les voilà qui arrivent dans leurs belles voitures. Tous les passants observent leur arrivée, plus ou moins ravies de la présence de telle ou telle personne. En tout cas, leur arrivée sonne le départ de Kaleo – il se relève d'ailleurs aussitôt :


Un nouveau clin d’œil pour le moins équivoque et le voilà parti, rejoignant aussitôt les membres du jury et la sécurité chargée de veilleur sur eux. Les allures pédantes et fières de ces stars ne plaisent certes pas à Kaleo, mais il n'est pas venu pour eux, après tout. Et désormais, il n'a qu'une hâte : voir quelle prestation la jeune demoiselle compte leur offrir.

Alors qu'un cortège de célébrités perchées sur des talons hauts ou coiffées de chapeaux de luxes quitte leurs voitures sous les objectifs acérés des appareils photos, Kaleo rejoint tranquillement un grand bonhomme habillé de noir, qui le reconnaît immédiatement. Aussitôt, il braque son regard sur l'Oratoria et ne s'en détache plus, veillant sur lui telle une mère angoissée. Si le blond n'est pas habitué à ce genre de chose, il se passe de tout commentaire. Par ici, il semble obligatoire de toujours avoir un chaperon, comme s'il risquait de se faire enlever par des fans en délire. Il croise d'ailleurs le regard de quelques personnes amassées autour des people et certaines semblent le reconnaître, car elles le pointent du doigt en piaillant comme des pies affamées. Un comportement qu'il ne connaissait pas avant de quitter Alola, et qui le déstabilise encore aujourd'hui. Sur les îles, tout le monde est sur le même pied d'égalité, la « célébrité » n'étant en aucun cas un frein à la politesse et la reconnaissance. Il faut croire qu'ailleurs, le fait d'être connu suffit à se mettre en danger. Ou alors les gens sont bien trop paranoïaques pour sortir de chez eux, craignant qu'on leur fasse du mal pour la seule raison que leur nom est un peu plus connu qu'un autre. Une bien triste vision des choses, que Kaleo a encore du mal à accepter.

Néanmoins, pour éviter tout souci, il se plie aux règles locales et demeure sous le regard de son garde du corps. Finalement, la cohorte de célébrités est guidée à l'intérieur et les portes se referment dans leur dos, atténuant les cris des fans. Kaleo se surprend à soupirer d'aise : voilà une chose qu'il a bien du mal à supporter. Pourquoi se sentent-ils obliger de hurler de la sorte ? A part une extinction de voix, ils n'ont sctrictement rien à y gagner. Le brouhaha est tel qu'il est impossible d'entendre ce qu'ils peuvent bien dire. Alors que si tout le monde se respectait en établissant un temps de parole … Enfin, le plus important maintenant est de mener ces auditions à bien. Mais avant cela, les juges sont guidé dans une petite salle de réunion où les attendent rafraîchissements et snacks en tout genre. Alors que l'Oratoria se contente d'un verre de jus de fruit, d'autres se prennent un bon verre de champagne en échangeant des ragots croustillants sur telle ou telle personne du showbusiness que le blond ne connaît même pas. Ne voulant pas rejoindre leur conversation de langue de vipère, il échange plutôt quelques banalités polies avec les gardes du corps, qui observent la scène dans un mélange de lassitude et d'ironie. Visiblement, ce genre de comportement ne dérange pas que Kaleo, et cela le rassure. Au moins, il a la preuve que le souci ne vient pas de lui ou de ses habitudes insulaires.

Finalement, au bout d'une bonne vingtaine de minutes, les juges sont demandé en salle d'audition. Là, il n'y a encore personne mais leurs places sont installées au millimètre près. Kaleo s'installe donc sur le tabouret en face de son nom, gravé sur une petite plaque en métal. Il dispose également de plusieurs fiches à remplir concernant la prestation des candidats et d'une bouteille d'eau. De sa place, il a une vue idéale sur la scène et le voilà désormais impatient que les auditions commencent. Il en oublie même ses camarades juges qui continuent de chuchoter à voix basse, comme s'ils ne prenaient pas vraiment l'événement au sérieux. L'Oratoria espère seulement qu'ils cesseront leurs agissements lorsque tout commencera. La moindre des politesses, c'est d'écouter avec attention toutes les personnes qui se sont déplacé pour performer devant eux. Kaleo repense alors à Kanon. Se sent-elle mieux désormais ou l'angoisse lui tord-t-elle encore l'estomac ? Tout ce qu'il espère, c'est qu'elle n'ait pas fait demi-tour. Ou qu'elle va suivre ses conseils et s'amuser, car cela demeure le plus important. Certes, ce n'est pas toujours évident de performer devant des juges, mais dès que l'on oublie leur présence, tout devient plus simple. Il suffit alors de prendre du plaisir et, surtout, de se faire confiance.

Finalement, le premier concurrant arrive sur la scène et, heureusement, les autres juges se concentrent. Détendu, le sourire aux lèvres, Kaleo écoute ce que cette première audition a à offrir. Les passages s'enchaînent, plus ou moins rapidement selon les performances. Certaines sont extraordinaires – d'autres sont encore à travailler. Mais dans l'ensemble, le potentiel est là. Parfois, il manque seulement un peu de maturité, un peu de confiance en soi mais le blond n'en prend pas compte dans ses notes. Lui, ce qu'il évalue avant tout, c'est la plaisir que chacun prend à performer. Pour le reste, ce n'est qu'une question de travail, d'habitude – ce genre de chose qui vient avec le temps et à qui il faut laisser le temps de germer sans la précipiter. Certaines personnes brillent par leur créativité et leur originalité, certaines se contentent de rester classique, sûrement effrayées à l'idée de sortir de leur zone de confort. Et si cette idée d'audition n'avait pas tant emballé Kaleo que ça au début, il prend désormais un plaisir certain. Il noircit les fiches de notes, ne tarissant pas d'éloges pour tous les participants. A ses yeux, ils sont tous très bons et promis à un bel avenir. Mais à la fin, il va devoir faire un choix, malgré toute sa bonne volonté.

Kaleo gribouille rapidement la conclusion du précédent participant quand une nouvelle venue se présente sur la scène. Quand il lève les yeux, un sourire ravi vient illuminer ses lèvres. La voilà enfin, dans une jolie robe dotée d'ailes. Kanon semble hésitante, mais l'Oratoria a confiance en elle. Elle semble d'ailleurs le remarquer, son regard a l'air angoissé, mais il lui lance un sourire confiant et rassurant. Kanon se saisit alors du micro placé au milieu de la scène :


L'Oratoria écrit aussitôt son nom sur la fiche, prenant le temps de faire de belles boucles dans sa calligraphie. C'est elle qu'il attendait depuis le début, il compte bien lui donner toute l'attention qu'elle mérite. Le choix de la musique est intéressant, Kaleo l'apprécie beaucoup. Il lui arrive parfois de la jouer à la guitare à ses nièces, qui adorent la mélodie romantique et douce de cette jolie chanson d'amour. Au fur et à mesure que Kanon chante, elle se détend, allant même jusqu'à faire quelques petits pas de danse, occupant la scène comme le ferait deux personnes. Charmé, Kaleo ne détache pas ses yeux de ses mouvements gracieux, appréciant le grain de sa voix et la sensibilité dans son regard. Vraiment, la jeune fille a une voix sublime. Ou alors est-il tellement charmé par sa personnalité qu'il perd en subjectivité ? Difficile à dire, en tout cas il ne détourne pas les yeux une seule fois, ne prenant pas le temps d'écrire quoi que ce soit sur sa feuille. Lorsque la prestation se termine, il se perd dans sa contemplation et réalise soudain où il est. Tandis que Kanon quitte la scène, il se hâte donc d'écrire son compte rendu, tentant par tous les moyens de garder un avis neutre et subjectif, bien que l'exercice ne soit pas vraiment facile. Quelques concurrents passent encore après Kanon, mais Kaleo trouve soudain qu'ils ont bien moins de talent. Son esprit est encore subjugué par la prestation de la jeune fille. Heureusement, les auditions prennent fin et les autres juges commencent à délibérer, l'empêchant ainsi de s'envoler trop loin dans ses rêveries.

Les juges mettent alors leurs notes en commun, discutant des nombreuses prestations. Parfois, ils sont unanimes. D'autres, ils sont partagés. Il y a même des moments où seul Kaleo a été séduit. Et pour une star qui commence à peine à se faire connaître au delà des limites de son pays, son avis semble compter pour du beurre. Il ne se démonte pourtant pas, présentant des arguments concrets, prêt à défendre les participants avec hargne. Il arrive que son argumentaire fait mouche, mais également qu'il tombe à l'eau. Mais dans l'ensemble, cela se passe mieux que ce qu'il aurait cru. A la fin, un top 3 est établi et Kaleo semble plutôt convaincu par le classement. Tandis que les résultats sont communiqués aux organisateurs, l'Oratoria s'éclipse discrètement en réclamant une pause toilette. En réalité, il se dirige vers la salle d'attente où tous les concurrents sont réunis dans l'attente des résultats. Les yeux dorés du chanteur balaie la pièce et, rapidement, il repère Kanon assise dans un pouf. Elle semble complètement lessivée. Amusé, Kaleo tente d'attirer son attention :


Il guette les autres concurrents, s'assurant que seule la jeune fille aux cheveux blonds le remarque. C'est avec elle qu'il souhaite parler, parce qu'il se sent naturellement bien plus proche d'elle. Mais encore faut-il que Kanon le remarque ! Il n'a pas beaucoup de temps devant lui, mais il tient vraiment à communiquer son ressenti quant à sa prestation avant que les résultats ne tombent...

Pendant un court instant, Kaleo craint que Kanon ne l'entende pas. Elle semble d'ailleurs endormie et il regrette aussitôt de venir la perturber. Cela dit, les résultats ne tarderont pas à tomber, il faut donc mieux qu'elle soit réveillée si elle ne veut pas risquer de les rater. Après quelques instants, pendant lesquels le chanteur a sincèrement l'impression d'avoir parlé trop bas, la demoiselle se lève enfin, visiblement gênée, mais le rejoint tout de même à l'écart des autres. Un petit sourire illumine son visage et Kaleo a l'impression que son cœur rate un battement alors qu'elle replace doucement une mèche de cheveux derrière son oreille. Heureusement, il se reprend très vite et lui adresse un sourire franc, toujours sous le charme de la prestation qu'elle a offerte au jury quelques instants plus tôt. Si Kanon perd ses moyens en lui demandant s'il a aimé sa prestation, Kaleo ne peut que la trouver encore plus craquante et se surprit à rougir comme un adolescent réalisant soudain son crush. Et la demoiselle n'est pas mieux, cachant son visage dans ses mains, gênée par ses propres coquilles. Heureusement, les deux se reprennent vite et c'est avec un intérêt certain que Kaleo écoute ce que la demoiselle a à lui dire :


Et de nouveau, Kaleo se sent sincèrement gêné. Il est assez difficile pour lui d'imaginer que qui que ce soit puisse l'admirer. A son sens, il est une personne assez banale, qui a simplement eu beaucoup de chance. Cependant, réaliser qu'il soit vraiment apprécié par delà les îles d'Alola est une satisfaction certaine, qui le met sincèrement en joie. Honnêtement, il a toujours un peu douter quant au fait de percer à l'international. Il sait que son style de musique correspond aux goûts des habitants d'Alola parce que, forcément, ses premières chansons sont inspirées de tout ce que l'archipel représente pour lui, mais que cela touche même des gens à Kalos … C'est vraiment une récompense pour lui, l'accomplissement d'une vie. Il espère évidemment continuer ainsi, toucher plus de personnes et faire découvrir ses chansons au monde entier, mais ce qu'il a déjà lui convient parfaitement. Alors Kaleo sourit, sincèrement heureux d'entendre ces mots-là, touché que l'on puisse l'admirer pour son talent qu'il a toujours considéré comme « classique », en quelque sorte. Désormais, il commence à réaliser qu'il n'est peut-être pas si classique que ça, et qu'il a, finalement, un petit quelque chose de différent qui lui donne une identité propre. Et pour un artiste comme lui, c'est une véritable récompense.


Kaleo n'a pas le temps de terminer sa phrase qu'une voix interpelle Kanon, l'appelant auprès des autres candidats pour l'annonce des résultats. Ravalant sa frustration, l'Oratoria se promet néanmoins de l'intercepter plus tard afin de lui faire part de son ressenti. Il est important pour lui d'en discuter avec elle, parce que ce petit bout de femme doutant tellement d'elle-même leur a pourtant offert une magnifique prestation. Alors qu'il s'apprête à faire demi-tour afin de rejoindre le reste du jury, Kaleo sent qu'on l'attrape au niveau de sa chemise, l'incitant à se retourner. Aussitôt, il reconnaît les yeux bleus de Kanon, et des papillons s'envolent dans son estomac.


Et ni une ni deux, sans même lui laisser le temps de répondre, la voilà qui repart, se hâtant de rejoindre les autres. Tentant d'ignorer l'étrange sensation qui agite son palpitant, Kaleo retourne hâtivement auprès des autres juges qui ne semblent même pas avoir vraiment remarqué son absence. Ce qui l'arrange, puisqu'il a bien du mal à sympathiser avec eux. S'en suit alors une salve de remerciements, puis un discours assez hypocrite destiné à encourager les participants n'ayant pas été retenu. Aux yeux de Kaleo, tout ce blabla inutile n'arrivera pas à supprimer la déception dans le cœur des « perdants » mais il est obligé de se plier à la façon de faire de l'organisation. Néanmoins, il retrouve le sourire lorsque le nom de Kanon est annoncé et son premier réflexe est de la chercher dans la foule – il n'a aucun mal à la reconnaître d'ailleurs, et lui sert un petit sourire complice tandis qu'il applaudit en choeur. Une fois l'annonce terminée, c'est l'heure de la libération. Aussitôt, Kaleo se saisit de ses affaires assez de déguerpir au plus vite. Néanmoins, il est retenu par quelques responsables de l'événement curieux de connaître son avis sur les auditions du jour. Il est donc contraint d'échanger quelques formalités avec eux, comprenant que cela fait également parti de son travail. Mais par Arceus, qu'est-ce que c'est barbant !

Finalement, c'est au bout de vingt bonnes minutes qu'il est libéré de ses fonctions et c'est discret comme une ombre qu'il se faufile hors de la salle, bien décidé à semer ses gardes du corps. Il n'a vraiment plus besoin d'eux maintenant que l'événement est terminé, inutile de s'en embarrasser ! D'autant plus qu'il compte bien retrouver Kanon avant que, elle aussi, ne rentre chez elle. Il se précipite donc à l'extérieur et découvre avec surprise qu'il s'est mit à pleuvoir. N'ayant pas prévu de parapluie, il se contente de rabattre la capuche de sa veste sur sa tête, afin de ne pas trop mouiller ses cheveux. En tant qu'hybride de type eau, la pluie ne l'a jamais vraiment dérangé mais il préférerait éviter de finir trempé comme une souche et risquer de tomber malade – en général, il est assez solide comme gars mais il suffit d'une fois pour se retrouver clouer au lit plusieurs jours. Cependant, Kaleo ne prend pas la peine de s'en inquiéter, balayant plutôt les alentours du regard en espérant repérer Kanon. Et bingo ! Il la reconnaît tout de suite malgré son parapluie et c'est tout sourire qu'il la rejoint, s'annoncant d'un raclement de la gorge pour ne pas lui faire peur.


Et soudain, Kaleo se sent bien bête. Peut-être patiente-t-elle ici parce que quelqu'un est censé la rejoindre incessamment sous peu ? Son petit-ami, peut-être ?! A cette pensée, l'Oratoria sent son cœur se serrer mais, dans un même temps, il est également bien embarrassé. Il ne voudrait surtout pas risquer de mettre le souque dans son couple en se pointant ainsi devant elle. Certes, elle lui a proposé de lui rembourser la galette – ce que Kaleo compte évidemment refuser – mais elle ne sous-entendait peut-être pas maintenant et de la façon dont il l'espérait ? Désormais sincèrement embarrassé, Kaleo fait quelques pas en arrière, prêt à passer son chemin si jamais sa présence est de trop ...

S'il y a bien une chose pour laquelle Kaleo n'est pas doué, c'est l'amour. Il ne l'a jamais vraiment ressenti, d'ailleurs. Bien sûr, il a eu quelques amourettes au collège et au lycée, quelques relations un peu plus sérieuses dans sa vie de jeune adulte, mais rien qui ne sorte vraiment de l'ordinaire. Souvent, il plaisait à une fille, la fille lui plaisait, alors ils essayaient … et se séparaient quelques semaines – parfois quelques mois – plus tard. Soit parce qu'ils n'avaient finalement aucun atome crochu, soit parce qu'ils ne s'aimaient pas tant que ça. Parfois même, l'Oratoria se sentait obligé de prendre un numéro ou d'accepter de boire un verre, juste pour faire bonne figure. Cela dit, il a toujours été parfaitement honnête. S'il s'averait que le feeling ne passait pas … il préférait ne pas insister. Question de respect. Bien qu'il entame désormais sa vingt-sixième année, Kaleo ne plie pas sous la pression sociale qui attend de lui qu'il se marie et commence à former une famille. D'ailleurs, ses propres parents n'abordent jamais la question, avec lui. Ils sont déjà grand-parents grâce à leurs filles aînées, ils ne ressentent donc pas le besoin – actuellement, du moins – d'enquiquiner leur fils avec cette question. D'autant plus que, maintenant qu'il perce à l'international, ils se doutent bien qu'il a moins de temps à consacrer à sa vie privée. Tout ce qu'ils espèrent, c'est qu'il ne finisse pas sa vie seul ou mal accompagné, comme de nombreuses autres stars.

Ainsi donc, les sentiments que Kanon réveillent au fin fond de son cœur, Kaleo ne sait absolument pas les reconnaître, les comprendre. Tout ce qu'il sait, c'est qu'il veut passer plus du temps avec elle, apprendre à mieux la connaître. Il a certes été témoin de toute sa sensibilité lors de son passage sur scène, mais le chanteur veut également connaître ses préférences, ses attentes, ses choix. D'une façon ou d'une autre, il veut tout simplement faire parti de sa vie. Même en tant que simple ami, ça lui suffirait amplement – cela dit, puisqu'il voit difficilement plus loin que le bout son propre nez, c'est bien là la seule idée qu'il a en tête en ce moment. Ou du moins, la seule qu'il accepte de croire sur parole. Or donc, la simple idée qu'il puisse la déranger en se pointant ainsi devant elle l'angoisse. Kaleo a beau comprendre les choses de travers parfois, il était quasiment certain que Kanon sous-entendait qu'elle voulait passer un peu de temps avec lui juste après l'événement. Cela dit, si sa présence n'est sincèrement pas désiré, il tournera les talons et rejoindra l'hôtel – non sans un pincement au cœur, évidemment. Mais loin de lui l'idée de faire le forceur ou d'user de sa célébrité naissante pour obtenir d'elle ce qu'il désire. Si la demoiselle ne veut pas le voir, soit. Il n'aura plus qu'à noyer son chagrin sous les draps, roulé en boule, comme le font tous les hommes dignes de ce nom.

D'ailleurs, lorsque Kanon se retourne et sursaute, l'Oratoria recule d'un pas, les mains levées devant lui, signifiant ainsi qu'il ne lui veut aucun mal. Pourtant, elle le reconnaît immédiatement et un sourire ravi illumine son joli visage. Kaleo sent une douce chaleur se propager dans sa poitrine – elle le fait vraiment craquer, et cet idiot ne s'en rend même pas compte.


Et elle laisse échapper un petit rire, avant de se rendre compte de ce qu'elle a dit, et de se confondre en excuse en butant sur presque chaque mot. Kaleo ne peut s'empêcher de pouffer à son tour, attendri par sa maladresse naturelle et sa capacité à toujours se mettre seule dans l'embarra. La preuve, la voilà qui cache son visage dans sa main, les joues aussi rouges que des petites tomates. L'Oratoria se contente de la regarder faire, préférant la laisser gérer sa gêne, par peur de l'augmenter. Et puis, s'il ne relève pas ses petites bourdes, peut-être arrêtera-t-elle d'être embarrassée à chaque fois ? Car de toute évidence, elle ne dit jamais rien de mal. Et c'est plutôt mignon, comme attitude. Kaleo n'y est pas insensible, c'est chose sûre. En tout cas, elle se reprend bien vite, lui vantant les parfaits aux fraises d'un petit établissement aux pieds de la Tour Illumis … ainsi que le meilleur stand de galette. Les yeux du blond semblent soudain se remplir d'étoiles à la seule idée de déguster ces mets délicieux en si charmante compagnie. Cependant, comme le fait remarquer Kanon, une foule s'est réunie non loin des portes du bâtiment où se tenait le concours, sûrement dans l'attente des stars restées à l'intérieur. Ca ne va pas être de la tarte de traverser une telle foule, surtout si quelqu'un a le malheur de le reconnaître … Mais heureusement, Kanon semble avoir une solution à tout !

Ni une ni deux, elle lui confie son parapluie et plonge les mains dans son sac pour en tirer une paire de lunettes de soleil jaune, à l'effigie de Pikachu, qu'elle lui pose aussitôt sur le nez. Ainsi donc, elle essaie la technique du déguisement pour passer inaperçu ? Malin ! Aussi étonnant que cela puisse paraître, Kaleo n'y a jamais eu recourt et son manager s'en plaint bien souvent, puisqu'il a part de nombreuses fois du tirer l'Oratoria d'une foule grouillante de fans. Ce n'est pas que Kaleo soit imprudent, seulement … il n'a sincèrement pas l'habitude. A Alola, il n'a jamais créé la moindre agitation ! Les gens du continent sont vraiment plus extrêmes quand ils croisent une personnalité publique. Ca en serait presque effrayant. Il choisit donc de faire confiance à Kanon, la laissant lui enfiler un bonnet sur la tête et coiffer les cheveux qui en ressortent avec quelques pinces à l'effigie de Mélo et Toudoudou. Ce qui ne dérange absolument pas Kaleo, habitué à se faire coiffer par ses sœurs et ses nièces depuis des années. Quant à l'étoffe blanche qu'elle lui tend … l'Oratoria choisit de le nouer autour de son cou comme il le ferait avec un foulard de luxe. Si le style est discutable, ça amuse sincèrement Kaleo. Et si, par dessus le marché, cela lui permet de passer inaperçu dans la foule … c'est encore mieux !


Ravi, il tend son bras à Kanon, bien décidé à l'escorter dignement jusqu'au petit café aux pieds de la Tour Illumis. Et c'est ainsi qu'ils s'engagent sur la rue pavée, protégés de la pluie par le parapluie au-dessus de leur tête. Ils passent bien à côté de la foule, mais personne ne se retourne sur eux. Le déguisement a fonctionné ! Ravi, Kaleo presse un petit peu le pas, serrant davantage la anse du parapluie dans sa main pour ne pas que le petit vent qui s'est soudain soulevé ne lui fasse une vilaine farce. Mais c'est sans la moindre encombre qu'ils arrivent aux pieds de la Tour Illumis et, suivant les indications de Kanon, Kaleo se dirige vers leur destination finale : les parfaits. Refermant le paraluie sur le perron du café, il ouvre galamment la porte à Kanon et s'y engouffre à sa suite, surprit par la soudaine chaleur qui l'enveloppe. Par politesse, il se retrouve contraint de retirer ses lunettes de soleil et son bonnet mais personne ne semble leur porter la moindre attention, de toute façon. Les clients attablés discutent tranquillement autour de viennoiseries et boissons chaudes, c'est à peine si l'un d'eux s'est retourné à leur entrée. Et cela arrange bien l'Oratoria qui désigne une place libre de l'index, invitant Kanon à aller s'y asseoir alors qu'il prend la responsabilité de porter sa valise. C'est son devoir d'homme, après tout !

Après avoir glissé la valise sous la table de façon à ce qu'elle ne dérange personne et qu'elle reste à vue – sait-on jamais, les roum- euh les voleurs ont vite fait de passer par là – Kaleo s'assoit finalement devant Kanon, les cheveux toujours décoré des adorables petites épingles. D'ailleurs, lorsqu'une serveuse s'approche d'eux, elle le dévisage quelques instants, avant de retrouver son professionnalisme. Elle leur tend donc une carte chacun, avant de s'incliner poliment et de s'éloigner pour les laisser choisir. Dépliant doucement le papier plastifié, Kaleo s'adresse à Kanon avec beaucoup d'entrain :


Forcément, pour un originaire des îles. A Alola, les fioritures sont rares. Les natifs préfèrent la simplicité, la praticité. Rien à voir avec les murs en marbre ou les aquariums gigantesques que certains restaurants considèrent comme indispensables pour l'image de leur établissement ….

A Alola, tous les Centres Pokémon disposent d'un petit café servant pâtisseries et boissons chaudes vingt-quatre heure sur vingt-quatre. Un vrai petit bonheur pour le pompier qu'était Kaleo il y a quelques années, parce qu'il n'était jamais contre un bon café après un retour de mission éreintant. Si son métier était vraiment passionnant, il était tout aussi fatiguant et chargé en émotion. Les petits remontants étaient donc les bienvenues, et Kalo appréciait ramener quelques douceurs à ses collègues lorsque l'occasion se présentait. La joyeuse bande de pompiers se partageaient les malasadas et les cafés dans une bonne ambiance, que le chanteur regrette parfois. Bien sûr, vivre son rêve est un grand bonheur auquel il ne compte pas renoncer. Mais à la caserne, il se sentait vraiment utile, vraiment à sa place. Cela dit, rien ne l'empêche de revenir lorsque la fièvre de la scène lui aura passé. Son chef le lui a promit : il aura toujours sa place parmi eux. Certes, il aura sûrement besoin d'une petite remise en forme mais … est-ce si grave ? Enfin, ce n'est pas comme s'il comptait mettre un terme à sa carrière de chanteur tout de suite. Il est bien trop heureux dans sa situation actuelle pour vouloir la changer. Et puis, si l'envie de revoir ses anciens collègues lui prend, il n'aura qu'à faire un crochet à la caserne. Il lui suffira de ramener le café pour être accueilli comme le Messie.

Or donc, ces cafés un peu plus intimistes changent vraiment de ceux qu'il avait autrefois l'habitude de côtoyer. Cela dit, Kaleo n'est pas non plus du genre à tester tous les restaurants quand il atterrit dans une ville. Déjà, parce que son manager n'apprécie pas trop le laisser gambader seul où que ce soit, mais aussi parce qu'il déteste aller au restaurant tout seul. L'Oratoria trouve ça d'une tristesse infinie, et préfère encore manger sur le pouce plutôt que prendre une table seul. Alors pouvoir partager ce moment avec Kanon, c'est un plaisir sincère. D'autant plus que ce café est adorable, avec sa jolie décoration et les douces lumières. Bien qu'il y ait un peu de monde, le placement des tables rend l'endroit intimiste, agréable. Kaleo est d'ailleurs parfaitement à l'aise, repositionnant une barette dans ses cheveux, visiblement pas décidé à les enlever tout de suite. Ca lui fait un petit style, c'est plutôt amusant. Bon, la serveuse n'arrête pas de lui jeter des petits regards étonnés, mais ce n'est pas une raison pour les retirer ! Kalos n'est-elle pas la capitale de la monde et des frivolités ? Ca ne devrait étonner personne qu'un homme porte des barrettes Mélo et Toudoudou. A moins que la serveuse ne l'ait tout simplement reconnu … ?

Cependant, Kaleo ne s'en inquiète pas plus que ça et dévore plutôt la carte des yeux, salivant rien qu'en lisant le nom de certaines pâtisseries. Ah, s'il s'écoutait, il prendrait tout ! Mais son estomac ne risque pas d'être d'accord. Et puis, il faut savoir faire des choix et prendre le temps d'apprécier chaque chose. Kanon lui apprend alors que certains cafés sont même à thème, et que l'un a récemment ouvert aux couleurs d'Alola. L'Oratoria ne peut retenir une mine surprise, se demandant bien ce que ça peut donner. Évidemment, il doute que ce soit tout aussi bon que sur les îles mais … mais si ça se trouve, ce sont même des natifs qui ont ouvert ce café, ayant entrevu le potentiel de Kalos. Ici, il y en a à tous les coins de rue, c'est un véritable phénomène. Mais Kanon a bien raison : il vaut mieux visiter Alola elle-même et baigner dans sa véritable ambiance. Un café, même créé par des natifs, ne pourra jamais retranscrire pleinement l'atmosphère des îles. C'est un tout qui fait d'Alola ce qu'elle est réellement. La culture, les légendes, les paysages, les habitants … A bien des égards, c'est un véritable paradis sur Terre. Et Kaleo ne dit pas ça parce qu'il est raide dingue de sa région …. bien sûr que non (spoiler:si).


Et il lâche un petit rire, s'imaginant bien demander la carte entière aux cuisines. Les pâtissiers allaient y rester, c'est certain. Mais le plateau d'Illumis lui promet déjà de bonnes découvertes. Heureusement que Kanon le lui a recommandé, Kaleo ne l'avait même pas vu sur la carte. Quant à la boisson, il pense jeter son dévolu sur un café, histoire de se réchauffer un peu après avoir laissé la pluie imprégnée ses vêtements. Et puis, l'idée d'un petit Pokémon dessiné dans la mousse le fait sourire d'avance ! D'ailleurs revoilà déjà la serveuse, calepin en main, prête à prendre leur commande. Par politesse, Kaleo laisse Kanon s'exprimer en première. Une fois les commandes notées, la jeune femme tourne les talons pour emmener le petit billet aux cuisines. Si l'Oratoria se fit à ce qu'il a pu observer jusque là, le service a l'air vraiment rapide. Le couple installé deux tables plus loin ont passé commande à l'arrivée de Kanon et Kaleo et les voilà déjà en train de se faire servir. Ce qui n'est pas plus mal, parce que le chanteur a vraiment faim. Pourtant, il a bien déjeuné … cela dit, la matinée n'a pas été de tout repos. Mine de rien, resté concentré aussi longtemps, ça creuse ! Et la blonde doit être tout autant affamé après cette prestation et le stress qui l'a accompagné tout le long de ce concours. Kaleo a d'ailleurs bien hâte de voir la prochaine étape …


C'est une chose que son professeur de chant – et de chorale – lui répétait très souvent, lorsqu'il était enfant. Qu'il fallait chanter avec le cœur, et pas avec la tête. C'est ainsi que l'on transmet des émotions, que les messages touchent et fonctionnent. D'aussi loin qu'il s'en souvienne, Kaleo a toujours chanté pour le plaisir. Son espèce doit y être pour quelque chose, évidemment, mais c'est vraiment une chose qui lui fait du bien, qui l'amuse et l'apaise. Même au marché, alors qu'il était haut comme trois pommes, il poussait la chansonnette à la moindre occasion. C'est pourquoi il a saisi cette opportunité inattendue qui s'est présentée à lui : pouvoir vivre de sa passion, ça a toujours été un rêve pour lui, qu'il ne pensait cependant jamais pouvoir réaliser. Et regardez-le maintenant ! Il est même demandé à des concours pour faire parti du jury, alors qu'il commence tout juste à se faire un nom à l'international. Il enchaîne également les plateaux télé et les dates de concert se multiplient. Une vie à cent à l'heure, mais qui lui convient parfaitement. Et qui ne l'empêche pas de passer de bons moments loin des caméras, comme actuellement. Comme il est agréable de pouvoir s'échapper un instant de tout cela pour juste … profiter. Et faire de nouvelle rencontre. Pour un gars d'Alola, c'est la définition même du bonheur.

Et comme Kaleo s'y attendait, leurs commandes arrivent bien vite. La serveuse dépose d'abord le fraisier et la boisson de Kanon devant cette dernière, avant de lui présenter son plateau d'Illumis et son café. Après un remerciement sincère, l'Oratoria observe avec appétit les cinq petites pâtisseries élégamment placées sur l'assiette. Ça va être dur de choisir par laquelle commencer, parce qu'elles semblent toutes savoureuses. Quant au café … son arôme délicat lui titille les narines. Il se permet d'ailleurs de jeter un œil dans la tasse, laissant échapper un petit rire en avisant la forme de la mousse.