A l'abordage ! ▬ ft. plein de monde

Octobre ne le vit pas en premier, évidemment. Scruter l'horizon, ce n'était pas son boulot, et puis il trouvait ça un poil ennuyant à la longue. Il préférait s'activer dans les voiles, border ou choquer les bons bouts au bon moment pour aider aux manœuvres. Mais, une fois n'était pas coutume, il se trouvait sur le pont lorsque l'information avait commencé à descendre le grand mat depuis la vigie, passant sur toutes les lèvres des gabiers s'activant dans les gréements, puis criée de poste en poste pour enfin finir dans l'oreille du capitaine. L'excitation avait gagné chacun des membres de l’équipage, les plus vieux jouant les blasés tandis que la bleusaille se penchait à bâbord pour tenter de discerner la potentielle cible.
Et oui, même si la vigie l'avait vue en premier, le navire était maintenant discernable, un point gris tremblotant juste au-dessus des vagues. Un bâtiment plutôt imposant, pas le genre de proie à attaquer à la légère. Un coup de longue vue avait permis d'identifier le type du navire, un ferry de plaisance s'aventurant un peu loin des itinéraires habituels, et quelques échanges par radio avec le QG avaient permis de confirmer l'absence quasi-totale de défenses, et la possibilité de brouiller leur moyens de communications. Les risques étaient donc raisonnables, ou du moins peu exceptionnels, et les possibles bénéfices de l'affaire alléchant : un bateau de plaisance, cela présageait de nombreux civils, avec sur eux tous leurs objets de valeurs ou, plus simplement, leur argent. Bref, un lieu magnifique pour prélever l’impôt de la Team Nyx.

L'ordre final, celui que chacun attendait avec appréhension ou excitation finit naturellement par tomber : changement de cap, barre à bâbord, préparez l'abordage.

Immédiatement, Octobre était reparti dans les cordages, prêtant main forte aux autres marins pour faire prendre les voiles et gagner les quelques nœuds nécessaire à la manœuvre. Chaque pirate avait un rôle assigné, qu'il ne pouvait quitter sous peine de pénaliser tous le monde : c'était ça qu'Octobre adorait dans ce boulot. La piraterie était un art collectif, un grand tout ou chacun pouvait trouver sa place, le symbole absolu de la liberté choisie. Et agir de concert avec tous ses camarades avait quelque chose d'étrangement motivant. Oui, cette unité inspirait, donnait confiance. Il ne lui serait jamais venu à l'esprit de douter d'un de ses camarades à cet instant, ou de se retourner l'esprit sur sa condition comme il avait de plus en plus l'habitude de le faire ses derniers temps. Agir avait aussi le merveilleux avantage de l'empêcher de trop penser.

La machinerie bien huilée du bateau s'était mise en marche, et en quelques minutes, la proue avait pointé vers son but, puis le vent avait pris le relais, se jetant contre les voiles et provoquant une accélération fulgurante. Perché sur une hune du grand mat, Octobre avait siffloté quelques notes, reprises plus bas par d'autres forbans eux-aussi postés dans la nature. Une manière de se donner du courage, de célébrer le triomphe à venir et la cohésion de l'équipage. La musique avait toujours su galvanisée les foules, son rôle devait être partie prenante dans la bataille qu'ils s’apprêtaient à menée.
A ce sujet, Octobre n'était pas vraiment inquiet. Cela faisait longtemps qu'il n'avait plus participé à ce genre de mission, qui était pourtant une des les plus courantes à effectuer dans le milieu. Mais ses derniers mois avaient plutôt été occupé par de longues expéditions de reconnaissance dans les eaux du Nouveau Monde, enfin de toutes les terres qui s'étaient dévoilées à leurs regards il y avait peu. Il était content d'être rentré à la maison et de s'adonner à une activité plus... « normale ». Ou du moins, habituelle. Les pillages sur d'autres bateaux étaient nombreux à l'époque de Bellamy, et c'était fait plus rare depuis que le commandement était revenu à Jack et Mary-Read. Ou bien n'était-ce qu'une impression : l'extraterrestre avait l'habitude de perdre la notion du temps et de se paumer complètement dans les années et les jours. En tout cas, il trépignait d'impatience comme si c'était sa première fois.

Lorsque le navire pirate arriva à la distance adéquate, il fallut replier les voiles pour ralentir et venir s'accoler au bateau de plaisance. C'était un grand cube tous blanc, qui n'avait de navire que le nom, et deux étages pour permettre aux vacanciers de déambuler en regardant le paysage.
Même si l'équipage frémissait d'envie, il leur fallut prendre leur mal en patience, le temps que les premiers cris de panique se fassent entendre, et que ce cher Jack, avec l'aide d'un microphone, informe leurs nombreuses victimes que le mieux pour tous le monde serait sans doute qu'ils coopèrent sans résistance. Puis le signal fut lancé, et, enfin, les forbans purent mettre pied sur le pont ennemi. Les règles étaient simple : délester tous ce beau monde de leurs biens en utilisant tous les moyens possible et inimaginable, et se barrer fissa avant que les gardes-côtes ne rappliquent. L'opération ne devait pas durée plus de trente minutes. Octobre, suivit par quelques autres compères, choisit de partir fouiller les cabines en bousculant les vacanciers apeurés. Il était sur de pouvoir récupérer quelques belles trouvailles cachées dans leurs bagages.
Arrivant en courant dans ce qu'il supposait être les quartiers des plaisanciers, il ouvrit à la volée la première porte qui lui tomba sous la main, et peut-être un morceau de son esprit, à ce moment précis, espérait sans doute que la pièce soit vide.