Sherry J. - "Even within my fantasies, I'm still a slave"

Fiche signalétique : MTM. N°7, rapport médical.

Ce document reprend le dernier rapport médical du sujet MTM. N°7 avant son transfert à la garde du sbire Kent Amber.

- Code nominatif : MTM. N°7, ou ‘Motisma numéro 7’. Souvent abrégé en ‘Seven’ pour plus de facilité. Le sujet répond néanmoins parfaitement à son code nominatif.

-Race : Motisma, chromatique

- Sexe : masculin

- Age : Dix-huit ans

-Taille : Un mètre soixante-sept. Période de croissance terminée.

-Poids : Soixante-cinq kilogrammes. Difficulté à gagner de la masse corporelle constatée depuis l’enfance.

-Couleur des cheveux : Non-teint : rouge, teinte légèrement différente des autres MTM.

-Couleur des yeux : Vert

-Couleur de la carnation : Blanc, difficulté à s’exposer longuement au soleil. Grande préférence du sujet pour les endroits à l’ombre.

-Vision : 8/10 à l’œil droit, 9/10 à l’œil gauche. Aucune intervention nécessaire pour l’instant.

-Audition : Bonne

-Capacité reproductrice : intacte et fonctionnelle, candidat potentiel pour la reproduction.

-Aspect général : Le sujet possède un corps reflétant sa race. Il n’est ni très grand, ni très bâti. Ses condition d’élevage ont fait de lui un sujet légèrement en sous poids, avec des difficultés à en gagner, que ce soit par l’alimentation ou l’activité physique. Il est recommandé, en cas de nécessité, de le maitriser par le biais de la force physique, comme il s’agit de son point faible. Aucune autre infirmité physique signalée.
Le sujet présente quelques marques cicatrisées à plusieurs endroits du corps. Celle-ci sont répertoriées (schéma et photographie à l’appui) dans l’annexe n°1. Cette annexe reprend la localisation, forme, et raison des marques présentes sur le corps du sujet.

-Particularité : Le sujet est de type ‘électrik’, et présente une résistance accrue, voire totale aux chocs électriques.


Fiche signalétique : MTM. N°7, rapport médical, mise à jour

Ce document est une mise à jour du rapport médical précédant. Il a été réalisé exactement un an après que le sujet ait été remis au sbire Kent Amber.
Les informations générales (race, sexe, etc) ne présentent aucune modification. La vision, l’audition ou les capacités reproductrices du sujet n’ont pas été modifiées.

-Remarque : Le sujet s’est présenté avec ses deux avant-bras couvert de bandages et refuse désormais catégoriquement d’être touché par un membre de l’équipe médicale. Ce n’est qu’après ordre direct de son maitre que nous avons pu faire les constatations suivantes. Les avant-bras du sujet sont couverts de coupures qui n’ont pas le même niveau de cicatrisation. Celles-ci coïncident avec le témoignage du sbire Kent Amber quant à leur provenance. Ce dernier maitrise parfaitement cette situation et semble maintenir le sujet sous contrôle par le biais de l’administration régulière de plaies. Des plaques rouges ont été documentées sur son cou et proviennent certainement de l’utilisation régulière d’un ras-de-cou métallique.

Quelques recommandations lui ont été faites pour maintenir la qualité physique de son esclave.
D’autres coupures ont été constatées à plusieurs endroits du corps. (Photographies en annexe N°2)

-Autre remarque à adresser au dossier : Le sujet s’est présenté en ne portant pas la tenue fournie par la division ressource. Il portait des vêtements simples, un jean’s, un t-shirt sombre, mais néanmoins de bonne qualité. Après enquête et interrogation du sbire Kent Amber, ce dernier confirme fournir régulièrement de l’habillement au sujet. Ces pièces de vêtements proviennent de sa garde-robe et lui permettent, selon lui, de palier à diverses situations que ses missions lui exigent. Il a pris en charge entièrement l’habillement de son esclave.

Il a été recommandé au sbire Kent Amber de ne pas dépasser un certain plafond de frais si celui-ci souhaite se faire rembourser en partie ou en totalité.

Fiche signalétique : MTM. N°7, fiche comportementale.

Cette section du dossier a été constituée au fil des années et reprend les principaux traits et comportement du sujet MTM. N°7, ainsi que ses résultats aux divers tests psychologiques (Rapports complets en annexe n°3). Il est recommandé de consulter cette section avant toute utilisation du sujet par un nouveau maître, temporaire ou définitif.

MTM. N°7 est un esclave né dans une des nurseries expérimentales de Chronos, située à Janusia, Unys. L’objectif de l’expérimentation est de créer une division d’hybrides fidèles et extrêmement loyaux aux objectifs de Chronos. L’environnement d’élevage, ainsi que les conditions d’élevage ont été étudiées pour garantir le meilleur résultat. Cependant, étant une nurserie expérimentale, et l’élevage prenant beaucoup de temps et étant plus complexe qu’avant la grande transformation, des disparités ont pu être constatée que ce soit sur le sujet MTM N°7 ou les autres sujets de la portée.

Lors des premières années, comme prévu, le sujet a développé une extrême loyauté envers les intérêts de Chronos, partageant même jusqu’au dégoût et la haine de certains de ses éleveurs envers les hybrides, qu’ils soient pokemon ou légendaires. A de nombreuses reprises, le sujet a exprimé de son propre chef son profond désir de remettre le monde « sous contrôle des humains, car ceux-ci sont les seuls à pouvoir maîtriser le danger que sont les hybrides sauvages ». Les résultats des divers tests de loyautés effectué le long de sa formation initiale vont dans ce sens. Non seulement, durant ces tests, il n’a pas essayé une seule fois de s’échapper, mais a même empêché les autres de son groupe de le faire.

Il apparaît également que son dégoût des hybrides ne s’arrête pas aux autres, mais s’applique également à lui-même. Le sujet n’a que peu d’intérêt pour sa propre sécurité lors des missions, et n’hésitera pas à répondre au moindre ordre de son maître, peu importe lequel. Il en ressort une certaine fierté, et un grand contentement lorsque félicité par un maître humain. Mais de ce fait, il semble difficile de le faire fonctionner en équipe composée de plusieurs hybrides. A chaque tentative, le sujet n’a pas hésité à prendre certaines libertés et à désobéir à son chef de troupe hybride. Il apparaît également que le sujet est prompt à l’automutilation en cas « d’échec ». Une surveillance accrue de l’équipe médicale ou de son maître est donc conseillée.
De ce point de vue, MTM N°7 est un élément de qualité et presque de confiance.

Cependant, une grande prudence est de mise. Notamment concernant les points suivants :

- Le sujet a développé au fil des années, et au fil des maîtres, un grand besoin d’attention. Que cette attention soit ‘positive’ ou ‘négative’. Il semble apprécier tout autant être réprimandé que félicité mais déteste cependant être ignoré. Cette attention peut être verbale, mais surtout physique. De ce fait, le sujet n’a pas l’apparence d’un esclave ‘docile’ standard et n’hésitera pas à répondre, ou à dépasser les bornes pour tester les limites, ce qui a déjà causé quelques problèmes par le passé.  La seule punition qui convient de lui infliger est l’isolement totale sur une certaine période. Ce n’est que lorsque ses tendances d’automutilation refont surface qu’il convient de le faire sortir.

- Lorsque son besoin d’attention n’est pas satisfait, la frustration du sujet peut le rendre violent. Il n’a jamais été constaté la moindre violence envers un humain ou un maître, mais plutôt envers d’autres hybrides. La prudence est donc de mise si le maître possède déjà un ou plusieurs autres esclaves. Cela est d’autant plus vrai que MTM. N°7 a montré des signes de profonde jalousie envers les autres membres de son ‘équipe’ par le passé.

- Bien que cela soit un atout en missions, le sujet possède un certain ‘talent’ pour la tromperie et le mensonge, résultat direct de sa formation fondamentale. Il n’a jamais été constaté que le sujet ait déjà menti ou trompé l’un de ses maîtres. Il a déjà documenté qu’il ait trompé un ou plusieurs membres hybrides de son équipe par le passé.

Depuis que le sujet a été remis au sbire Kent Amber, MTM. N°7 n’a plus causé le moindre incident majeur. Tout semble être sous contrôle.

MTM. N°7, story so far.

Il n’est pas normal pour nous autres, ‘esclaves’, de mettre la main sur ces rapports nous concernant. Enfin, oui et non. Je me souviens avoir tenu le mien, celui de tant d’autres, entre mes mains des dizaines et des dizaines de fois, pour mes maîtres, pour un sbire de passage, mais je n’avais jamais été capable de le lire. Au mieux, je suis une table glorifiée. Mon maître m’a fait une faveur en m’apprenant à lire, il m’a ouvert la porte à d’autres horizons pour que la curiosité de l’extérieur ne me tente plus. Mes anciens éleveurs le désapprouveraient certainement, mais je ne suis plus sous leurs ordres. Je ne serai plus jamais sous leurs ordres. Seuls ceux de mon Maître Kent comptent désormais, jusqu’à ce que je sois définitivement mis au rebus. Quoiqu’il en soit, je reste... curieux.

Curieux de savoir ce que les Humains qui m’ont permis ma venue au monde pensent de moi. Dans les grandes lignes, je le sais pourtant parfaitement. Je suis un objet. Je suis un outil. À la moindre fêlure irréparable, j’irai rejoindre l’au-delà. Pour peu qu’il existe, et j’en doute fortement. Est-ce que se demande ce qu’il va advenir de l’après-vie d’un stylo à encre ? D’une chaise ? D’une télévision ? Jamais. En quoi serai-je différent ?  

Au final, est-ce important pour moi de lire ces pages ? Je ne sais pas. Devrai-je le lire ? Définitivement, non. Mais je ne peux m’empêcher de sourire à la simple idée d’être découvert avec ces feuilles en main, lues une par une par un être qui ne devrait même pas en être capable. Le risque, ce simple risque d’être découvert vaut cet ennui.

Alors je l’ouvre, et parcours lentement les fiches et rapports concernant l’existence de MTM. N°7, mon existence.

Tout là-dedans doit être vrai, puisqu’il s’agit des documents écrits par des Humains, pour des Humains. Je suppose que c’est pour ça que je ne comprends pas tout. Au fil des pages, des photographies, des rapports, des souvenirs, des scènes me reviennent. Je me souviens de chacun de ces moments, enfin, à partir d’un certain âge. Je me souviens de mon élevage, de mes anciens maîtres, de mes missions, de ces rencontres avec ces Humains en blanc, de l’hôpital, de la cage. De sa trahison. Tout est si... court ? Plus de dix-huit années, résumée en quelques tirets éparses. Je ne vaux pas plus que ça, malgré mes années de servitude. Je ne vaudrai jamais plus que ça.

Amusant.

Je me sens pourtant d’humeur à compléter ce qui a été mis de côté. Par ennui ? Je suis dans l’attente. Je n’ai rien à faire, et rien que je désire. Une idée germe. Oh, je parie que mon Maître l’appréciera grandement. Et par apprécier, je veux dire qu’il va détester.

J’attrape quelques feuilles, un stylo-bic. J’écris mal, mes lettres sont toujours aussi mal formées, la prise de cet objet ne me semble pas naturelle. Celle de mes chaines, oui. Celles de la nourriture jetée à même le sol, oui. Celle de la gorge de mes ennemis, oui. Mais celle d’un stylo, je ne m’y habituerai jamais. Cet objet a plus de valeur que je n’en aurai jamais, j’en suis conscient. Un blasphème, c’est un blasphème pour moi de même laisser une trace de mon passage quelque part, alors sur un rapport officiel...

Ça Lui apprendra à me laisser seul dans cette pièce en plein après-midi. J’aurai préféré le suivre. Je préfère toujours le suivre, mais il y a des endroits dans sa vie où même un esclave sans visage n’a pas le droit d’aller. Pourtant, avec ces yeux verts, j’en ai vu des choses. ‘Révoltante’ ? ‘Répugnante’ ? ‘Immorale’ ?

J’appelle ça ma réalité. Pourquoi voudrai-je en changer ?

Je sépare quelques documents du reste du paquet, le résumé de mon existence, bien classé, bien rangé, point par point, date par date, âge par âge. Je ne suis même pas certain moi-même de mon jour de naissance.

Est-ce important ? A peine une date de fabrication. Ça aurait plus utile de me faire naître avec des instructions de recyclage.

• Mère : MTM. N° 0, ou ‘Null’. Race : motisma. Date de capture : 07 juin XXXX. Région : Sinnoh. Appartenance : Exploitation exclusive par la nurserie. / Père : OHM. N°3. Race : Ohmassacre. Date de capture : 19 septembre XXXX. Région : Unys. Appartenance : Centre de prêt.

Oh ? Première nouvelle, il semblerait que j’ai bel et bien des ‘parents’. Géniteurs ? Je ne sais pas, je ne les ai jamais vu. Les esclaves ne sont appelés par leur code que lors des visites médicales. Les humains préfèrent nous donner des noms ou surnoms qui changent à chaque fois. Je pourrai très bien être déjà parti en mission avec l’un ou l’autre, je n’en saurai rien. Pour peu qu’ils soient encore en vie ? Ou appartiennent encore à Chronos ? Les déserteurs sont tellement nombreux. Tout ce que je sais, c’est qu’eux ont vu le jour à l’extérieur de Chronos... Ce qui est logique. Le programme d’élevage n’est ni la priorité, ni exactement ‘aisé’ à mettre en place ? J’imagine. Quel dommage. Je les ai entendus, mes éleveurs, discuter à ce sujet. Combien de fois se sont-ils plaints de ne pouvoir entièrement utiliser les données d’avant la ‘Grande Transformation’ ? ‘Avant’, tout était plus simple. Deux pokemon laissés au bon soin d’un élevage, une compatibilité connue à l’avance, un résultat attendu connu à l’avance. Nous étions si simples à élever. Quelques jours, un œuf pondu, quelques semaines, un nouveau pokemon pour l’équipe. Faible, mais entièrement fonctionnel. Utilisable en combat immédiatement.
Mais maintenant ? C’est comme repartir de zéro. Les hybrides ‘ressemblent’ aux humains. Ils parlent, expriment des opinions, choisissent. Ils ont l’illusion d’avoir pris l’ascendant. Ah ! Des bêtes sauvages, sans plus. Tout est devenu inutilement compliqué. La gestation est plus longue, elle n’est plus sous forme d’œuf. La transmission de capacité par reproduction n’est plus garantie. Plus rien n’est garanti comme avant. Les encens n’ont plus d’utilité.

Le résultat ? Le retour des ‘essais/erreurs’. Nous autres nés sous le code ‘MTM’ sommes des essais. En production pour la rareté, pour l’utilité.

• Naissance de MTM N°7 en date du 10 décembre XXXX. Heure : 02h17. Sexe : masculin. Race : motisma. Lieu de naissance : p254, Janusia. Aucun défaut de conception constaté, sujet chromatique. Remis à l’équipe d’élevage 17 minutes après naissance. Intégré au groupe d’élevage 02.

Je me demande parfois combien sont nés après moi. Le suis le numéro ‘sept’ de la fratrie. J’ai longtemps été appelé ‘Seven’ à cause ça, que ce soit par les éleveurs, certains maîtres temporaires, ou même mes frères et sœurs. Je le sais, nous n’avons pas tous le même géniteur. Le code existe pour mettre en évidence notre lien avec notre génitrice, ainsi que notre race. Je suis le septième né, cela ne signifie pas que chaque grossesse a été menée à terme, ou que mes ainés aient tous survécu. Je peux l’affirmer, je n’ai pas la moindre idée combien de mes ‘frères’ ou ‘sœurs’ font encore partis de Chronos. De ce que je sais, je suis cependant le seul à arborer ces couleurs. Le seul chromatique ? Aux yeux de mes éleveurs, cela m’a toujours rendu... un peu spécial ? Je ne sais pas si je dois mon ‘succès’ actuel à ma naissance, car tout ce que ces cheveux rouge vifs m’ont apporté, c’est surtout une jolie cible. Je suis né ‘différent’, et chez les bêtes sauvages, la différence est chassée, persécutée.

Cruel ? De ne pouvoir que dormir que d’un œil lorsque je vivais entouré d’autres hybrides ? Normalité. Dans la nurserie, seuls les forts s’imposent et survivent. Tout tourne autour de la survie. Les premières années, mis à part pour les nourrissons, nous étions largement livrés à nous même. Dans cette grande, immense pièce sans fenêtre. Le jour se levait lorsque les éleveurs allumaient la lumière, le jour se couchait lorsqu’ils l’éteignaient. Toute la journée était articulée, sous l’impulsion des éleveurs. Pour les plus jeunes, ils étaient l’égal de dieux. C’est eux qui offraient la nourriture, eux qui enseignaient la parole, qui enseignaient la soumission aux Hommes, à eux qu’il fallait obéir. Ce sont eux qui amenaient de nouveau arrivant, emportaient les plus faibles ou les malades.

Nous n’avions pas d’éleveur attiré, tous avaient le même pouvoir sur nous. Tous, pour éviter que l’on s’attache, se masquaient le visage. C’est surtout leurs gestes et odeurs qui trahissaient leur différence.

De temps en temps, un humain non-masqué passait pour nous observer, pour nous jauger. L’air rude, plus élevé dans la hiérarchie, il emportait les plus âgés pour l’étape suivante.
Je n’oublierais jamais l’instant où mon tour est arrivé. Cette immense... fierté ? Délivrance ?

• Transfert au groupe d’entrainement numéro 3 : espionnage et infiltration. Début de la formation de MTM. N°7 au renseignement. Age : 6 ans.

A la fin de mon élevage élémentaire, j’ai été transféré ailleurs. Ce qu’on appellerait un... baraquement ? Pour la première fois, un lit m’a été assigné. Une chambre, commune, également. Les règles ont changé. Le quotidien a changé. Tout a changé. Cette simple phrase ne retranscrit pas exactement à quel point mon univers a explosé. J’ai pu voir le ciel, le soleil, sortir... être ailleurs... il existait un ‘ailleurs’ ! Ce n’était pas que des rumeurs idiotes. Une fois encore, les humains, nos maîtres, nous permettaient de ressentir tout ça. Parce qu’ils nous reconnaissaient comme étant ‘forts’, ou plutôt ‘potentiellement utile’.

Pour ne pas perdre le privilège accordé, je devais me montrer ‘utile’. Alors, c’est ce que j’ai fait. J’ai appris tout ce qu’on a bien voulu m’apprendre. Ma stature... petite et délicate... ne faisait pas de moi un esclave de choix pour le combat pur. Je ne suis ni grand, ni particulièrement puissant, mais mes capacités inhérentes à ma race sont... amusante ? Ma race s’est développée en marge des sociétés humaines, avide de technologie. Et dans ce monde qui se repose énormément sur les technologies, mon utilité était flagrante. Alors, dans un premier temps, c’est ce qu’on m’a ordonné de développer : des capacités électrik, mais surtout, la capacité de pouvoir manipuler, ou détraquer les machines à volonté. Malheureusement, je n’ai jamais réussi à en posséder ‘physiquement’ une. Il semblerait que cet ‘échec’ soit dû à la ‘Grande Transformation’. Ça ne m’a jamais empêché de changer le programme d’une machine à laver, d’activer une tondeuse à distance, de ‘booster’ un ventilateur ou de détraquer un réfrigérateur, au point de couvrir le sol de glaçon.

J’avoue, c’est amusant, très amusant. Particulièrement de s’en servir aux dépends des autres.
En plus du développement de mes capacités, mon temps, à l’époque, était aussi en partie dévolu à la préparation aux missions, puis aux mission en elle-même. Ma section était en charge de la collecte d’information, de l’infiltration, de la manipulation. Les humains nous ont appris à se cacher, à se déguiser, à attaquer en traitre, à mentir.

Les autres hybrides qui partageaient ma chambre n’étaient pas les plus simple à gérer, mais toute insubordination était sévèrement punie. Le bon comportement, récompensé.
J’ai toujours adoré ce moment. Lorsque je parvenais à répondre aux attentes de mon maître, j’avais le droit à une ration supplémentaire, une couverture. Après, il ne me restait plus qu’à me défendre la nuit, pour pouvoir garder ces privilèges.

Les hybrides sont des animaux, même bien dressés, sans maître humain pour les canaliser, ils n’hésitent pas à se sauter à la gorge. Même ceux soi-disant particulièrement soumis, même ceux que je pouvais facilement repousser d’un Coup d’Jus, pouvaient une nuit se réveiller enragés.

Les hybrides sont dangereux.

• Placé sous la garde de ‘Lord Blaze’ (pseudonyme). Age : 12ans. ‘Incompatibilités graves’ constatée par ‘Lord Blaze’. Mention ‘à surveiller’ ajoutée au dossier

Ah, oui, je me souviens de mon premier maître. Être confié au soin de son premier maître, c’est un moment important pour nous autre, esclaves. Nous ne sommes plus des ‘jetables’, nous devenons enfin utiles pour Chronos. Qu’est-ce que cela change ? Tout. Tout change. Tu es localisé à un seul endroit, avec une seule personne. Tu es intégré à la mission globale de ton maître, au lieu d’être ballotté à gauche et à droite. Au lieu d’obéir à chaque humain que tu rencontres, tu te référence uniquement aux ordres de ton maître. Le maître est l’élément le plus important de la vie d’un esclave. Le grade du maître dans la hiérarchie de Chronos reflète directement le degré de respect que les autres esclaves auront pour toi. Un maître fixe, et bien classé, et tu ne seras plus la cible de toutes ces bêtes sans collier. C’est comme une protection, sans avoir besoin de montrer ses griffes. Dans la chaîne alimentaire des esclaves, le niveau le plus bas est ‘jetable’. Il correspond aux nouvellement capturés qu’il faut ‘redresser’, ou à ceux qui sortent à peine de la nurserie et qui ont encore tout à apprendre. Ensuite, il y a les ‘tournant’, qui sont partagés entre deux ou plusieurs maîtres, toujours les mêmes, en fonction des missions et des circonstances. Quand tu réussis à démontrer ta valeur, tu deviens un ‘fixé’, lié à un seul maitre.

De ‘jetable’, je suis devenu ‘fixé’, lorsque j’ai été remis au soin de Lord Blaze. Pas son véritable nom, mais celui que nous devions utiliser pour s’adresser à lui. Lord Blaze est un humain qui possède de nombreux esclaves. Enormément. Tous ne sont pas dévolu au combat, car sa mission est toute autre. Lord Blaze appartient à la section ‘renseignement’ et ‘promotion’. Il est un humain très riche et très respecté dans sa communauté. Il organise des réceptions, des bals, des diners, rencontre des dizaines et des dizaines de personnes partout dans le monde. Il lève des fonds pour la cause et aide à sa manière. Sous sa garde, j’ai appris à ‘me tenir’. Lord Blaze ne tolère qu’une maîtrise entière et totale de soi. Ma mission principale était simple : le servir et écouter. Pas le protéger, car d’autres ‘fixés’ s’en chargeaient. Il se servait de nous pour parader en soirée, pour démontrer à ses proches amis à quel point sa vie était simple depuis que Chronos lui assignait des nouveau ‘enfants’ à garder.

J’ai essayé. J’ai vraiment essayé de lui plaire. Par tous les moyens. Mais taser un autre serveur pour avoir renversé une partie des verres dans les cuisines n’était pas ce qu’il attendait. Renverser et maîtriser un de ses invités quand il a affirmé que sa manière de vivre était ‘complètement folle et que ses pokemon devraient avoir le droit d’être libre’ n’était pas ce qu’il attendait.

Plus que ces incidents, Lord Blaze détestait plus que tout être regardé, être trop proche, ou touché par ses esclaves. Je n’ai jamais reçu le moindre regard, ni le moindre geste, ni la moindre félicitation de sa part. Il n’y a que lors des corrections qu’il posait enfin les yeux sur moi, qu’il me parlait –ou plutôt me hurlait dessus.

Si les autres ‘fixés’ craignaient son courroux, je me suis mis à le rechercher, quitte à flirter avec la désobéissance. Ces pages de rapports ne sont-elles pas la plus belle preuve ? De l’attention reste de l’attention, et c’est tout ce qui m’importe.

Sauf que j’ai fini par tout casser, comme souvent. Lord Blaze a fini par me rendre, à cause des trop nombreux incidents.

De ‘fixé’, je suis devenu un ‘tournant’. Non sans moquerie de la part des autres esclaves, mais je me fiche de l’avis de ces animaux.

Pendant plusieurs années, je suis passé de main en main. A chaque fois, mes ‘excès’ m’ont coûté mon statut, ma place, mais pas une seule fois, je n’ai trahi les idéaux de Chronos. C’est peut-être à cause de cela que je suis encore en vie, et non relégué au rebus.

• Placé sous la garde de XXXX XXXXXX (nom retiré du rapport) – âge : 17ans. Placé à l’isolement pour faute grave. Implication de MTM N°7 dans la fuite de l’esclave principal de son maître. Cas examiné attentivement, possibilité de terminaison.

Ah, je me souviens de lui, comment pourrai-je l’oublier, après tout ? Je n’oublie pas le moindre détail qui concerne les humains auxquels je suis confié. Son nom a été retiré... ? Je pense savoir pourquoi. Je ne l’ai jamais su, il a toujours insisté pour que je l’appelle ‘le collectionneur’. Un peu étrange, mais je suis une bestiole capable de détraquer tout type d’appareil électrique, alors je ne suis pas vraiment en état de juger un humain.

Maître Collectionneur est connu pour prendre sous son aile les esclaves à problèmes. Cela peut être des hybrides nouvellement capturés, ou d’autres qui, comme moi, ont du mal à rester dans le rang. Je lui ai toujours été reconnaissant de m’avoir sorti de ma condition de ‘tournant’. En même temps que moi, il avait un autre esclave sous sa garde, un dragmara qu’il avait nommé ‘Ice Cavern’, ou ‘Ice’. Nouvellement capturé, Ice était un élément particulièrement rebelle. Je ne compte plus les fois où j’ai dû le maitriser, le restreindre, l’attacher. Je ne compte plus les fois où j’ai dû placer mes mains autour de ses tempes pour le choquer, histoire qu’il la ferme un peu.
Parce qu’il n’arrêtait jamais de parler, dès que nous étions seuls. Toujours, toujours, et nous faisions ‘chambre commune’. Il me parlait sans arrêt « de l’extérieur », de comment les hybrides sont libres, de sa vie qui l’attendait en dehors des murs de « cette prison ». Une torture, mais j’ai été entrainé à ignorer ces fables grotesques. Les hybrides, égaux des humains ? Des hybrides travaillant avec leur dresseur ? Au même niveau ? Des légendaires marchant en plein jour, sans jamais prendre parti ? En quoi ces histoires sont censées être ‘une utopie à laquelle nous devrions tous avoir droit’ ? Ice était encore très corrompu par l’extérieur, et ne parvenait pas à s’adapter à sa nouvelle condition. C’en était... presque risible. Grotesque même. Et pourtant, Ice était l’esclave principale du ‘Collectionneur’. Il... l’adorait. Littéralement. Il pouvait passer des heures et des heures à s’occuper de lui, à coiffer ses cheveux blonds cendrés, à s’extasier sur les reflets arc-en-ciel qu’il découvrait à chaque coup de peine. Il adorait l’emmener partout, quitte à être embarrassé par son comportement déplorable et les dires qu’il racontait à n’importe qui. Ice en avait pleinement conscience, et malgré sa place des plus enviable, ne parfait que du jour où il s’échapperait, encore et encore, et encore.

Ma place dans tout ça ? En dehors de ma rareté qui ravissait le ‘Collectionneur’, ma mission était de tenir compagnie à Ice lorsqu’il partait travailler. Un animal de compagnie, pour un autre animal de compagnie. Frustrant. Je n’ai pas été élevé pour cela. Extrêmement frustrant. Plaqué ce masque, faire semblant d’apprécier ses dires, faire semblant d’écouter, faire semblant d’être à ses petits soins... j’ai haï chaque seconde que j’ai passé en tête à tête avec ce demeuré. De son côté, il semblait plutôt... mordre à l’hameçon ? Ice savait parfaitement d’où je venais, l’histoire de la nurserie, de mes maitre précédent, une partie de l’information, je lui ai donnée, l’autre, notre maître lui a raconté. Il s’est fait un devoir de me « sauver de ce lavage de cerveau », m’a promis de me « montrer ce qu’est la liberté ».

Un rire, un sourire, un « ça n’arrivera jamais » fataliste lancé au hasard. Un « tu as raison », un « je n’ai jamais vu cet endroit », un rire léger, une pseudo-attention. Pas une fois je n’ai songé à former un plan pour m’échapper. Pour aller où ? Je suis né dans ces murs. Je suis un pur produit de l’élevage de Chronos. Ma ‘maison’, ma ‘famille’, c’est les humains. Je n’ai jamais compris pourquoi Ice continuait de me parler, après la dizaine de fois où je l’ai choqué pour l’empêcher de s’échapper. A chaque fois qu’il se réveillait, j’étais à ses côtés, jamais par envie, mais cela ne l’empêchait pas de souffler un « ne t’inquiète pas, je sais que tu as des ordres, je ne t’en veux pas ».

A chaque fois, j’ai signalé ce comportement déviant au ‘Collectionneur’. Mais il s’en fichait, totalement obsédé par un dégénéré rebelle. Ses seuls cordons de sécurité, c’était moi, et la chrono-ball qui les liait.

Le temps a passé, plus souvent que je ne le souhaitais, mon temps était dévolu à m’occuper de ce Dragmara. Ses repas, ses soins, sa lessive, l’écouter, être en sa compagnie. Même lorsque le ‘Collectionneur’ s’occupait de lui, je le surprenais à chercher à me retrouver, à passer du temps avec moi. Il n’arrêtait pas... de me suivre, même de me toucher. Notre maître a fini par le remarquer, et sa réaction... hm, disons qu’elle ne cadrait pas avec les règles de Chronos. Mais les ordres du maître sont les ordres. Notre maître était... content ? Il me répétait qu’Ice était si ‘content’ depuis quelques temps, que ma présence ‘lui faisait un bien fou’. Il a tout fait pour encourager ça, quitte à ne pas inscrire les signalements que je lui faisais.

Le ‘collectionneur’ m’a ordonné de tout faire, absolument tout ce que son cher Dragmara me demandait. Répondre à tous ses désirs, toutes ses envies, passer chaque seconde en sa compagnie, dans l’espoir qu’un jour il « oublie le monde extérieur ».

Un soir, dans la chambre que nous partagions, Ice m’a rejoint dans mon lit, déclaré qu’il « m’aimait », demandé ce que je pensais de lui, si nous avions un avenir. Je lui ai souri, et répondu conformément aux ordres.

« Moi aussi ».

La suite n’est pas mentionnée dans ce rapport, ni dans aucun autre. Le ‘collectionneur’ était ‘ravi’ de notre... relation ? Alors j’ai continué, pour répondre aux attentes de mon maître. Il adorait nous observer, et a même fini par placer des caméras partout chez lui. Un peu comme une ‘télé-réalité’ bien réelle. Oui, le ‘collectionneur’ avait de drôle de goût pour un membre de Chronos... c’est sans doute pour cela qu’il a été enlevé des fichiers.
Ce jeu a duré pendant des mois et des mois, ‘en secret’. Tout... tout était à l’encontre de tout ce qu’on m’avait enseigné. J’ai dû feindre l’affection, la tendresse, le plaisir, le désir, ... jusqu’à oublier. Oublier complètement que je faisais semblant.

Je me suis surpris à chercher la compagnie d’Ice, à attendre son retour, à chercher son attention, son contact... ce que je n’avais jamais ressenti envers un hybride. Horrible sensation. Horrible sentiment.

C’était mal.

Je cherchais son contact tout en étant dégoûté de lui. C’est l’attention des humains que j’ai toujours cherchée, pas celui d’un animal.

Comment cela s’est terminé ? J’ai finalement accepté de faire partie de son plan, celui qui devait nous ‘libérer’. A moitié par envie de rester avec lui, à moitié pour répondre aux ordres du maître... Au dernier moment, je suis revenu à la raison, mais c’était trop tard. Je lui avais déjà remis sa chrono-ball, promis que je le l’attaquerai plus s’il cherchait à s’enfuir. Les deux seuls cordons de sécurité.

Il s’est enfui, je suis resté. Un dernier sursaut de conscience. Je n’ai pas ma place à l’extérieur, et j’ai failli à ma mission.

Le collectionneur m’a jeté immédiatement, écrit son rapport et mis toute la faute sur mes épaules, clamant que je suis ‘déviant’, ‘brisé’, que mon esprit a été ‘corrompu par les idées de l’extérieur’. Il avait des tonnes de preuves de ma ‘relation’ avec Ice, oubliant sciemment de mentionner les ordres directs qu’il m’avait donné. J’ai tout regardé, dégouté par l’image de moi-même que je voyais sur l’écran. Des heures, des journées, des mois de ‘relation’ sale, idiote. Sans valeur, aucune pour mon maître, puisque deux mâles ne donnent même pas de descendance qui aurait pu servir les intérêts de Chronos.

Mon maître m’a jeté, et finalement, j’ai été renvoyé dans l’unité de redressement. Tout réapprendre de zéro, me déshabituer au contact, me réhabituer à haïr les hybrides. Il ne m’a pas fallu longtemps pour apprendre à le haïr.

L’isolement. L’isolement pour briser. Cette pièce, sans fenêtre, sans lumière, sans son, dans présence. Froid, faim, solitude... solitude, solitude.

J’ai déçu les humains, mes maîtres, et ma punition a été terrible. Ah... ! J’ai failli. J’ai failli à tout ce en quoi je crois, détourné par un hybride dégénéré qui a empoisonné mon esprit et même mon corps.

• Placé sous la garde de Kent Amber. Age : 18ans

Aucun son, aucun contact, aucune lumière, aucune chaleur, à peine de quoi survivre, suffisamment pour vivre, tout en souhaitant ardemment cesser d’exister. Les premiers jours, je les ai passé à hurler, encore et encore. A hurler à quel point je me savais en tort, sale, un mauvais esclave. J’ai essayé de chercher une sortie, de défoncer la porte lourde que je ne voyais même pas. Froide et implacable, j’ai juste réussi à me déboîter l’épaule.

Si j’ai terminé dans cette pièce, c’est à cause de moi. C’est ma faute, ma faute, mon comportement, ma faute. Les humains avaient raison, ils ont toujours raison. Les hybrides ne sont que des bêtes irrationnelles prompt à l’erreur et dangereux. J’en suis un parfait exemple. Parfaitement élevé, avec de grandes attentions, des règles simples. Pourtant, j’ai dévié, comme les autres hybrides qui ont été formé avec moi, comme tous ces cas qu’on entend. Je me pensais au-dessus de tout ça, je me pensais ‘spécial’. Et pourtant, moi aussi, j’ai fini par fauté, rattrapé par ma nature ignoble.

J’ai cherché à en finir, plus d’une fois, dans cette pièce noire. Je n’ai jamais réussi. Au mieux, j’ai brisé mes paumes, arraché ma peau, arrêté de m’alimenter... mais les humains... ne m’avaient pas ordonné de mourir alors... je suis resté en vie.

Des jours, des semaines, des mois. Enfermé avec mes pensées, à repasser en boucle le film de mon existence.

Jusqu’à ce jour –ou cette nuit ? La porte s’est ouverte. La lumière, aveuglante. Le bruit, assourdissant, flou, incompréhensible. Je n’ai pas compris immédiatement... mais un humain, un humain avait décidé de faire de moi son esclave. Il a parlé de ‘destinée’, sorti un cutter, tranché mes veines. Sa main... sa main était si chaude, son regard si... fixé, presque intimident, sur moi.

A l’instant où mon sang a giclé, rempli une nouvelle chrono-ball, j’ai juré de le servir fidèlement. Juré de répondre à ses attentes.

Dorénavant, il serait mon seul et unique maître.

J’ai abandonné ‘Seven’, ‘MTM N°7’ et je suis devenu ‘Sherry Joker’, esclave dévoué d’un simple sbire : Kent Amber.

Plus que Chronos, je sers Kent Amber.

Il me contrôle, me canalise, réprime ma nature si laide. Ses yeux... je les veux fixés sur moi, sans arrêt. Que je sois tout ce dont il a besoin, qu’il n’ait besoin que de moi.

Longue vie à Chronos, Longue vie à Kent Amber, mon maître