Assise dans l’herbe verdoyante de la route dix-huit, une jeune fille souriait. Devant elle se trouvait un adorable Evoli qui semblait occupé à poursuivre un papillon pour s’amuser. Le petit renard félin de couleur chocolat et aux yeux noisette semblait tout joyeux et bien vif. Sa dresseuse ne pouvait s’empêcher de le regarder jouer avec tendresse. Il était encore jeune, ce qui expliquait sa tendance à s’amuser dès qu’il en avait l’occasion. Cela ne l’empêchait pourtant pas d’être sérieux quand il le fallait, notamment pendant les combats, et sa dresseuse le trouvait même parfois trop mature pour son âge. Il pouvait donc très bien profiter de sa jeunesse quand il en avait envie.
Elle s’empara alors d’un brin d’herbe et commença à l’agiter, attirant l’attention de son pokemon qui s’arrêta net, distrait de sa proie pour se préoccuper de la nouvelle. Il bondit soudain sur le brin, l’arrachant des mains de sa dresseuse et se roula sur le dos pour jouer avec, après l’avoir saisi avec ses pattes. La jeune fille passa alors une main dans son poil doux et soyeux, souriant quand il se mit à ronronner de contentement. Elle finit néanmoins par se lever tandis que le chaton se redressait également, le regard interrogateur, de l’herbe plein le pelage à présent. Il éternua bientôt à cause du pollen des fleurs qui s’était déposé sur sa fourrure, ce qui fit rire sa dresseuse un instant.
- Allez, Joyau. Il est temps de rentrer. Maman va s’inquiéter si on rentre trop tard.
Le soleil commençait en effet à se coucher gentiment et il n’était pas sûr de se promener la nuit quand on n’avait qu’un Evoli pour se défendre contre les pokemon sauvage. En effet, la route dix-huit en abritait de nombreux particulièrement puissants et, même si Joyau était assez fort pour un pokemon aussi jeune grâce à un entraînement intensif, il valait mieux ne pas prendre de risques. L’adolescente aurait d’ailleurs dû éviter de se promener toute seule en dehors de la ville même le jour, mais elle avait toujours trop apprécié sa liberté pour cela. Etre accompagnée d’un adulte était beaucoup moins amusant que de sortir seule avec son fidèle compagnon. Au moins, elle ne s’entendait pas dire toutes les cinq minutes qu’elle ne devait pas s’éloigner, qu’elle devait faire attention, que le monde extérieur était dangereux...
De toute façon, ce n’était pas comme si elle était imprudente de nature. Pour son âge, Céleste était très responsable. Elle ne voulait pas se mettre inutilement en danger ou pire mettre Joyau en danger alors elle était aussi prudente qu’elle pouvait l’être. Par exemple, la jeune fille prenait soin de ne pas entrer sur le territoire des pokemon sauvages, autant que possible en tout cas. Elle connaissait suffisamment le coin pour cela, notamment grâce aux explorations de son père qu’elle avait très souvent accompagné quand elle était plus jeune. C’était sans doute parce qu’ils savaient tout cela que ses parents lui faisaient confiance et l’autorisaient à se promener en dehors de la ville toute seule, à condition qu’elle ne s’éloigne pas trop. Sa mère prenait soin de lui rappeler les consignes avant chaque sortie, elle ne pouvait donc pas les oublier.
Elle aimait bien aller parfois jusqu’à la Grotte Coda, mais ne dépassait jamais cet endroit qui était déjà suffisamment éloigné de la ville. Cependant, elle n’entrait jamais dans la grotte elle-même, ayant entendu beaucoup trop d’histoires effrayantes à son sujet, notamment au sujet du soi disant pokemon légendaire des lieux, Zygarde. Céleste n’était pas spécialement impressionnable ou superstitieuse, mais le réalisme de cette histoire que son père lui avait maintes fois racontée l’empêchait d’aller vérifier la présence du fameux gardien de l’écosystème... Sans compter que les autres pokemon « ordinaires » de la grotte étaient bien trop puissants pour le niveau de Joyau qui se ferait littéralement écraser.
Et sa dresseuse n’avait pas très envie de se faire poursuivre par des Migalos, sortes d’araignées géantes, des Fermite, des fourmis d’acier pas très commodes en général ou encore se faire ensevelir sous des cailloux lancés par un Gravalanch... Sans façon. Quand elle accompagnait son père à l’époque, c’était très différent, étant donné qu’il avait des pokemon suffisamment forts pour les défendre en cas de nécessité. D’ailleurs, la plupart du temps, ceux de la grotte les laissaient tranquilles, comme s’ils savaient que leurs adversaires étaient trop forts pour eux ou comme s’ils connaissaient le père de Céleste. Ce qui n’était pas si improbable vu le nombre de fois où il explorait la Grotte Coda pour ses recherches.
Son Evoli dans les bras pour qu’il puisse se reposer un peu après s’être tant défoulé, la jeune fille se mit tranquillement à rentrer chez elle. Cette fois, elle n’était pas allée jusqu’à la caverne, donc elle serait vite arrivée. Ce qui n’était pas une si mauvaise chose quand on connaissait sa mère. Cette dernière était très protectrice avec sa seule fille, même un peu trop au goût de Céleste. Elle était parfaitement capable de se débrouiller toute seule et elle aurait aimé que sa maman le comprenne. Dès qu’elle rentrait plus tard de d’habitude, ne serait-ce que de quelques minutes, elle avait droit à un sermon assez désagréable. En plus, il lui arrivait de croiser sur le chemin sa mère partie à sa recherche, inquiète de ne pas la voir entrer. Il était même arrivé qu’Aiko Flusselin trouve des prétextes pour la retenir à la maison et l’empêcher de s’aventurer en dehors de leur cité. Comme si elle avait peur que sa fille disparaisse sans prévenir.
Pourtant, du moment qu’on ne s’aventurait pas dans la Grotte Coda, la route qu’elle explorait n’était pas si dangereuse que ça si on faisait attention. Ce que faisait bien évidemment la jeune fille. Non, vraiment, elle ne comprenait pas l’inquiétude de sa mère, même après tout ce temps. Son père était beaucoup plus tranquille et clairement moins stressé. La liberté de sa fille et son amour pour ses sorties dans la nature le rendait plus fier qu’inquiet. Peut-être parce qu’il se disait qu’elle deviendrait scientifique comme lui quand elle serait plus grande... Le pauvre, s’il savait. Elle avait un tout autre projet pour son avenir. Et ce même si les recherches de son paternel la passionnaient autant que les combats pokemon. Mais ces derniers étaient quand même drôlement plus excitants, il fallait l’avouer.
Une fois arrivée dans sa ville, l’adolescente se dirigea tranquillement en direction de la demeure familiale. Ses pensées continuaient d’aller vers ses parents ainsi que vers son frère aîné. Seule sa mère se trouvait actuellement à Flusselles pour s’occuper de son élevage, de la maison et de sa fille. Même si à seize ans Céleste estimait être capable de se débrouiller toute seule. Mais Aiko Flusselin était une vraie mère poule, comme on en faisait plus, que voulez-vous. Comme elle ne voyait pas souvent son fils, elle reportait toute son affection, souvent débordante, sur sa fille, qui s’en serait bien passé, même si elle adorait sa mère. Elle était aussi très admirative de sa passion pour l’élevage pokemon et pour son talent de dresseuse. En effet, Aiko avait été une dresseuse d’exception dans sa jeunesse. Originaire de la région de Kanto, elle avait participé à la ligue locale avant de voyager dans d’autres régions pour se perfectionner.
C’était justement au cours d’un de ses périples qu’elle avait rencontré son futur mari, Archibald, dans la région de Kalos. Ce dernier était alors un jeune scientifique prometteur. Cela avait été le coup de foudre pour les deux adolescents qui ne s’étaient plus jamais quittés et ce malgré la désapprobation des parents d’Archibald. Quand on était l’héritier d’une riche et puissante famille locale, on ne pouvait pas se marier avec n’importe qui, du moins en théorie. Car l’héritier en question avait prouvé que c’était justement possible. Il aimait Aiko et personne ne pourrait l’empêcher. Céleste connaissait l’histoire de ses parents et elle devait avouer qu’elle en était fière, même si elle n’était pas très romantique comparé à sa mère.
Aujourd’hui, Aiko s’était reconvertie dans l’élevage, même si elle se battait encore parfois avec certains de ses pokemon quand c’était nécessaire, pour défendre Flusselles par exemple. Quant à Archibald, il était le scientifique le plus connu de la région Kalos après le Professeur Platane vu qu’il était plus discret que son confrère. Ses recherches le poussaient souvent à s’éloigner de la maison. C’était d’ailleurs lors d’une expédition dans les environs de Cromlac’h qu’il avait capturé Joyau pour sa fille, quelques années plus tôt. Enfin, le grand frère de Céleste, Light, était parti sur les routes comme sa mère bien avant lui. Il n’avait pas vraiment donné de raison particulière, si ce n’était qu’il se sentait stagner à Flusselles et qu’il sentait qu’il devait partir de la maison pour devenir un meilleur dresseur.
Cela faisait quelques mois maintenant qu’il était parti et sa famille avait peu de nouvelles, Light ayant toujours été très indépendant, solitaire et même mystérieux. Ses parents et sa sœur ne s’inquiétaient pas vraiment, même s’ils pensaient souvent à lui et qu’il leur manquait bien évidemment. Ils le savaient capable de se débrouiller comme personne et de toute manière il n’était pas seul, ses pokemon l’accompagnaient, en particulier son starter qui avait toujours été très digne de confiance. Céleste esquissa un sourire un peu triste en pensant à son frère. Elle avait toujours admiré Light. Il était son modèle, peut-être même plus que leurs parents. Le frère et la sœur s’étaient toujours bien entendus également et la maison semblait bien vide à la cadette depuis qu’il était parti. Elle se souvenait très bien du jour de son départ, de son sourire confiant et un peu taquin quand il l’avait décoiffé en lui demandant de ne pas s’en faire. De sa promesse qu’il reviendrait bientôt. Mais les mois passaient et il n’était toujours pas là...
Un cri se fit soudain entendre, suivi du bruit d’une explosion. Céleste sursauta, sortie bien malgré elle de ses pensées. Joyau ouvrit immédiatement les yeux, tous ses sens en éveil. Ses oreilles s’agitèrent et il sauta à terre en poussant un miaulement particulièrement intense pour attirer l’attention de sa dresseuse qui n’avait pas vraiment besoin de ça pour être en alerte. Ce qu’elle entendait était bien assez inquiétant pour qu’elle comprenne la gravité de la situation. Et ce même si les humains comprenaient souvent moins bien les choses que les pokemon. Se tournant dans la direction des bruits inquiétants, la jeune fille hésita, ne sachant pas quoi faire. Le plus sage serait de rentrer à la maison prévenir sa mère qui serait plus en mesure d’aider les habitants qu’elle. Même si Aiko était à la « retraite » elle restait une meilleure dresseuse que sa fille qui n’avait que Joyau pour se défendre et défendre les autres.
Mais les miaulements de plus pressants de son Evoli et son sixième sens prouvaient qu’elle n’en avait pas le temps. Sa maison était à l’autre bout de la ville et même en courant elle n’y serait pas de sitôt. Même si c’était dangereux vu qu’elle ne savait pas ce qui se passait, elle devait y aller et essayer d’aider en attendant que sa mère ou la championne de l’arène locale n’arrivent. Il ne faisait aucun doute que les habitants les préviendraient tôt ou tard. En dehors de la championne, tout le monde savait à Flusselles que les Flusselin étaient les meilleurs dresseurs de la ville. Après avoir échangé un regard déterminé avec son compagnon couleur chocolat, Céleste se mit à courir vers la colonne de fumée qui s’élevait dans le ciel. Sa décision était prise. Si elle voulait un jour être une des meilleures dresseuses de la région, si ce n’était la meilleure, elle ne devait pas se défiler, quitte à prendre des risques...