Dawn – « Oh... so here you are ! What a pleasant surprise ! » - feat Neira Hakudan

Finalement, vous revoilà sur la route. Quoi ? Est-ce que cela t’étonne tant que ça ? Vraiment ? Aurais-tu pris l’habitude de me voir évoluer au sein de la fête foraine ? Au sein des mortels qui n’ont guère d’autres choix que de me supporter moi, et mes lubies étranges et inquiétantes ? T’aurais-tu pris d’affection pour les figurants qui gravitent sur ma scène ? Indispensable au bon déroulement de l’histoire, mais au final, ils ne font que subir le dérouler des évènements. Ils n’en sont pas les acteurs. Tu le sais, un jour ici, le lendemain, je suis déjà reparti. Tout simplement. Tu le sais, je n’aime guère me fixer à un endroit trop longtemps. Tu le sais... si je ne leur impose pas de pause loin de ma personne, un jour viendra où ils me chasseront pour de bon. Un jour où leur énervement dépassera la crainte qu’ils doivent nourrir en secret depuis des mois, des années... des décennies. C’est toujours ainsi avec les mortels. Hm ? ‘Étonnamment gentil de ma part’ ? Ah ! Une fois encore, tu ne saisis pas tout. C’est désolant. Vraiment, le prisme à travers lequel tu vois le monde est tordu, empli d’un arc-en-ciel qui t’empêche de voir la réalité. Penses-tu que je les ménage par... ‘bonté d’âme’ ? Parce qu’au fond, je serai ‘conscient du mal que je provoque et de leur détresse’ ? Parce qu’au fond, je ne voudrais pas les ‘heurter plus que nécessaire’ ? Ah ! Laisse-moi rire. Visiblement, tu ne comprends rien à rien, pas même la plus basique des vérités. Combien de fois dois-je te le répéter ? Combien de fois jusqu’à ce que tu comprennes pour de bon ?

Je ne suis pas gentil

Je ne m’échappe pas de l’atmosphère de la fête foraine pour les ménager, ou dans un soucis d’auto-flagellation. Je suis conscient d’être mauvais. Je suis conscient du mal que je provoque... n’est-ce pas le but même de mon existence ? Penses-tu qu’au fond, bien caché derrière les apparences, je n’aspire qu’à vivre entouré de dizaines d’amis ? M’observes-tu dans l’unique but de voir se développer ce conte que tu te racontes pour te rassurer ? Parce que personne ne peut être réellement horrible, pas sans une bonne raison, pas sans un nœud de problèmes qu’il faut démêler. Ce que tu peux être... simpliste. Réfléchis juste un petit peu. S’ils me chassent, je perdrais mes prérogatives sur la maison hantée, et donc sur ma source première d’amusement depuis plus de vingt ans. Et plus je les ménage, plus longtemps je pourrai rester... au sein de cette troupe. A les côtoyer régulièrement, à m’en amuser tout autant. Il m’est juste plus simple de vivre ainsi... mais si tout venait à se stopper dès demain, je poursuivrai seulement ma route.
Ni plus, ni moins.

Pas d’états d’âme. Je n’en ai pas. Ce monde ne sert qu’à mon amusement. Ni plus, ni moins.
As-tu enfin compris ? Je l’espère, parce qu’avec tout cela, j’ai presque oublié pourquoi je me balade dans la forêt de Vestigion. Hm ? Tu n’avais pas remarqué ? Et pourtant, j’y suis bel et bien. Le soleil n’est guère couché, mais cela ne saurait tarder. Peut-être une heure ou deux. Tôt pour que je me lève, sans doute, mais c’est ça que je cherchais... Cette atmosphère. Cette ambiance. Cette sensation d’être au milieu de nulle part, entouré de rien, ni personne. Cette nuit, j’ai décidé de la passer dans la forêt. Souvent, je préfère les villes ou leurs alentours. C’est juste plus simple pour s’amuser quand une grande quantité de personne se rassemble. Ça ne veut pas dire que je n’apprécie pas l’ambiance que peut m’offrir la nature. J’y ai passé des siècles. Et des siècles et de siècles... pardonne-moi si je souhaite y retourner de temps en temps. Donc... je doute que tu aies quoique ce soit d’intéressant à te mettre sous la dent cette fois-ci. J’ai juste planifié de rejoindre le château qui se cache au cœur de la forêt. Celui que tout le monde a oublié. Pourquoi ? Parce que j’en ai envie, et vaguement par curiosité. Est-il encore empli de fantominus ? Ou ont-ils déserté les bois comme pratiquement toute vie ? Était-ce même dans le plan d’Arceus de vider de toute substance cet endroit et tous les autres ?
Il n’y a pas si longtemps, tu n’aurais pas pu te promener sans croiser de la vie. Des tonnes de vie. Des pokemon à foison. Partout. Maintenant qu’ils sont devenus hybrides, la majorité ont cédé à la vie facile des villes. Sont-ils à blâmer ? Je ne pense pas. Quelque part, j’ai fait pareil. Je trouve juste cet état de fait... franchement dommage. J’ai parfois un peu de mal à m’y habituer, mais je ne suis que la relique d’un passé révolu. Je garde en mémoire une série d’informations qui ne servent plus à rien dans ce monde. Peu importe. Des millénaires que je parcours cette terre, je ne compte pas changer. Il y a des jours, où je me demande ce que sont devenus les autres légendes. Je ne doute pas que certains ont eu tôt fait de s’adapter à cette nouvelle vie, mais je ne pense pas être le seul à regretter les conséquences de cette guerre.
Enfin ! Peu importe ! Ce n’est pas l’ombre d’une ombre, encore moins important d’un souffle de vent qui changera quoique ce soit ! Profitons de ne pouvoir être démasqué pour s’amuser avec ce nouveau jouet que je dois encore découvrir !

Hm, étrange... je suis déjà loin dans la forêt, mais je ne me souvenais pas de ce chemin. Enfin... chemin... disons plutôt qu’on a piétiné les feuilles et la végétation suffisamment pour créer un semblant de piste. Ça, et bien sur la petite dizaine d’arbres tranchés, déracinés et couchés sur le flan. Serait-ce... ? Vraiment ? Au milieu de nulle part ? Ils ne peuvent même pas laisser tranquille un endroit pareil ? Pire que des parasites. Oui, je me jette totalement sur des conclusions hâtives, mais je pense avoir le droit. J’ai un certain passif, et l’Histoire me donne toujours étrangement raison sur le comportement de ces êtres sans foi ni loi. Gheez... je souhaitais être tranquille, pas devoir déloger un tas de braconniers, ou je ne sais pas trop quoi encore d’une forêt plusieurs fois centenaire. Je ne suis pas garde-forestier moi... Où sont les foutus samaritains qu’Arceus a créé pour régler ce genre de problème ?

Je soupire longuement. Je pourrai juste passer mon chemin, mais l’idée de pouvoir me défouler sur ce que je pense être de simples humains est tentante... très tentante.

Trop tentante.

Alors, ce chemin de fortune, je l’empreinte. Plutôt deux fois qu’une. Je l’emprunte sans aucune hésitation. Sans peur, ni crainte, car ce ne sont pas de vulgaires idiots qui m’en empêcheront.
Il me faut un certain temps avant de pouvoir les entendre... d’abord de loin, de très loin. Des conversations à peine intéressantes. Des rires, des plaintes quant à la dureté du travail. Maintenant que j’y pense, ce ne sont peut-être même pas des braconniers, peut-être ont-ils des raisons ‘légales’ d’être ici. Mais à vrai dire, je m’en fiche. Des siècles que ce bois est intact... et je n’ai guère besoin de raisons pour me justifier.

Alors finalement, c’était là qu’ils se terraient ? A quelques mètres du portail d’entrée de l’ancien château. D’une part, je ne suis pas mécontent de l’avoir enfin retrouvé. D’autre part, les visages étonnés et autres regards circonspects qu’ils se lancent me dit qu’ils n’ont pas la conscience totalement tranquille. Ils ne sont que trois. Trois à débiter des troncs plusieurs fois centenaires. A peine un amuse-bouche, mais tant pis. Un premier se redresse et s’avance. Il n’essaie pas d’être menaçant, mais je suppose que sa stature imposante est censée faire de l’effet à n’importe qui de ma taille.

« Tu devrais partir, gamin, ici c’est un chantier, c’est dangereux ! »

« Oh, vraiment ? » Un sourire figé se fiche sur mon visage, alors que j’observe innocemment les alentours. « J’étais persuadé qu’il s’agissait d’une zone protégée... »

Amusons-nous. Amusons-nous un peu.

Gheez, j’ai l’impression d’être au beau milieu d’une scène d’un de ces films miteux du milieu de l’après-midi. D’un classique, un certain relent de corde usée jusqu’à la moelle. Des personnages sans intérêt, creux et tellement... tellement prévisibles. J’ai déjà joué de nombreuses scène, mais celle-ci ne fera pas parti de mon palmarès, j’en ai bien peur. Comment je le sais ? Comment je sais quoi ? Pour les films de l’après-midi ? Sérieusement ? Tu crois que je n’ai jamais eu le loisir de regarder ces horreurs télévisuelles ? Alors je ne fais littéralement rien de mes journées depuis des dizaines et des dizaines d’années ? Il est vrai que je dors habituellement, mais il m’arrive, même à moi, de ne pas trouver le sommeil. C’est une occupation comme une autre... Hm ? Ce n’est pas de cela que tu voulais parler ? Du synopsis ? Quoi ? Tu penses réellement qu’il y a quelque chose de plus profond chez ces idiots d’humains ? Ils ne savent même pas marcher en ligne droite sans avoir un besoin viscéral d’abimer tout ce qu’ils croisent. Permets-moi de douter que cette rencontre va changer mes idées déjà très arrêtées sur le genre humain. Est-ce cela que tu attends ? L’instant, la scène, le moment où je fondrai en larmes en reconnaissant que je me suis trompé pendant des dizaines et des centaines d’années ? Ah ! Ce que tu peux être naïf... c’en est presque insultant. Navré de te décevoir... mais cette histoire-ci ne sera pas différente de mes précédentes rencontres. Ce n’est pas le moment de l’épiphanie, plutôt celui où je me défoule cruellement sur un tas d’humains. Juste par plaisir, et rien d’autre.

Ils ne sont que des caricatures, et toi, un imbécile.

Je n’attends que sa réplique pour déverser la poix sale et bouillonnante de mon pouvoir. Un sommeil torturé ne les changera jamais, mais je m’amuserai durant quelques heures. Mais alors que j’attends sa réponse, mon intérêt se perd ailleurs. Soudainement, une sensation... bien connue. Trop bien connue. Oh ? Est-ce enfin l’arrivée de ma co-star ? Je tourne la tête direction les feuillages et, l’instant d’après, ceux-ci se soulève. Un vent rageur les emporte et les aiguise. Un vent rageur les soulève et les emporte, les souffle et emprisonne dans une tempête verte. D’un pas, je recule, pour ne pas être emporté. Hé, hé... je ne peux m’empêcher de me réjouir de cette scène d’un être qui se débat contre les brindilles et de ces deux collègues qui ne trouvent rien de mieux que d’avoir un air ébahi sur le visage. Il faut dire que cette attaque sent la surprise et la colère à plein nez... soudaine, mais malheureusement, plus impressionnante que franchement efficace. La bourrasque se calme et son hauteur descend à notre rencontre. Oui, ‘descend’, je n’ai pas de meilleur description à te donner quand cette apparition nous rejoint littéralement en écartant les frondaisons.

‘Lévitation’ ? J’en serai presque jaloux, ma chère. Dire que j’en suis réduit à me déplacer à pied désormais. ‘Pourquoi toi et non moi ?’ est la question qui ne quittera jamais mes lèvres. Ma première impression s’avère juste cependant. Elle transpire de cette force que les caractérise tous, nous, les ‘enfants d’Arceus’. Peut-être que l’un de ses enfants de chœur n’a pas quitté ses forêts finalement, et rempli toujours son devoir avec ferveur... Le fait est que le nombre de bestioles vertes qui sont en charge des sous-bois est affreusement élevé et que je n’ai jamais eu le temps de discourir avec chacun d’entre eux... Je me demande bien pourquoi. Ah ! oui. Parce que j’ai plus souvent été chassé qu’apprécié. Lequel ? Je finirai par le découvrir. Ou pas le deviner. En attendant, observons la scène qui se déroule, jouons un rôle qui colle si bien à ce corps d’enfant. Jouons les victimes avant de devenir bourreau.

J’adore, j’adore, j’adore cet instant où tout se dévoile !

Contrairement à ce qu’on aurait pu croire, l’humain n’a pas perdu de son... courage ? bêtise. Oui, bêtise. Certes, tout comme moi, mon ‘collègue’ –cousin ? Gheez, cette famille est compliquée- n’est guère imposant, mais... oh, il n’a juste aucune chance. A l’autorité de la forêt, il répond une bravade ignare. Un rire idiot car la tempête verte ne l’a qu’égratigné au final. ‘Chien de garde ? ’ Sérieusement ? Tu m’as seulement vu lancer une pokeball ? Même pas. Je m’apprête à faire cingler mon sarcasme quand ma ‘protectrice’ le coupe, le repousse, le menace. Gheez, quelle belle colère ! Quelle adorable colère ! M’offre-t-elle sérieusement sa protection ? Alors que je pourrai les faire danser dans le creux de ma paume jusqu’à l’épuisement ? Ne ressent-elle pas ? Ma noirceur, je suis un être mauvais, après tout. Et aucune légende ne semble prompte à l’oublier.

Entrons dans le personnage. Adoptons le rôle à la perfection. Ma neutralité ennuyée, précédemment figée se change en une tristesse abattue, une détresse... que je peine souvent à jouer. Je joins mes mains en une prière à la déesse de la forêt.

« A-aide-moi, je t’en prie ! Ils font du mal à la forêt ! Puis, ils m’ont menacé aussi ! » Oui, j’embelli la situation. J’attise le feu plutôt. « I-ils ont dit qu’ils me pendraient par les pieds à un arbre et qu’ils me laisseraient mourir de faim ! Ou que les bêtes sauvages viendraient me dévorer ! J’ai peur ! »

J’en fais un peu trop, non ? Oh, peu importe. A l’unissons, les deux du fond protestent, grandement refroidi par leur ami qui a valsé un peu plus loin.

« C’est faux ! »

Je regrette presque ne pas avoir le pouvoir d’aggraver leur propre révolte. Reste que nous sommes toujours deux contre trois. Deux ‘demi-portions’, dont un est un ‘gamin’ et l’autre un ‘chien de garde qui fait mumuse avec du vent et des feuilles’. Oh, ce n’est pas de moi. C’est exactement ce qu’ils se sont dit en s’emparant des outils qui trainaient sur leur ‘chantier’ improvisé. Le premier homme reprend du poil de la bête et rejoint ses deux amis.

« C’est tout ce que ce truc a en réserve ? Dégagez, freaks. Ou on va s’occuper sérieusement de vous. »

Je crois qu’ils essayent d’être vaguement menaçant ? Je leur adresse un geste discret, traçant de l’ongle du pouce la cicatrice qui me barre la gorge, les fixant dans les yeux.