Une partie ? [PV : Corey]

Kalos ! Pour la première fois de sa courte existence, Neige avait quitté l’archipel d’Alola en vue de découvrir un nouveau continent. Des lieux inconnus, un tas d’étrangers, et plus incroyable encore, des dizaines de plats et autres desserts inconnus à découvrir ! L’esprit envoûté par cet idéal imaginaire, l’enfant n’avait pas hésité bien longtemps avant d’accepter lorsque son père lui avait proposé de l’accompagner. Hélas, après plusieurs jours de traversée, Neige avait déjà amplement regretté son choix. Pourquoi ne lui avait-on pas précisé que le voyage serait aussi long et ennuyeux ? Ils n’avaient fait qu’attendre, attendre et encore attendre sur le pont de cet énorme paquebot qu’un escadron de Nyx dirigeaient incognito.

Loin de s’intéresser aux affaires de ses compagnons de route, Neige avait néanmoins compris qu’ils prévoyaient de vendre leur cargaison à un quelconque marchand. En même temps, il aurait été étrange d’emmener un tel attroupement d’objets inutiles sur un bateau pour d’autres raisons ! Ils avaient de tout : des bijoux, d’étranges outils électroniques, un tas de médicaments, et même quelques peintures ! Une véritable salle des coffres, dont on lui avait interdit l’accès, avait été aménagée sous le pont. Bien sûr, Neige tenta de s’y faufiler dès le premier jour, ne serait-ce que par esprit de contradiction, mais ce n’est qu’au dernier jour de leur traversée qu’elle parvint à déjouer la surveillance du garde, juste avant que ses compagnons en déchargent le contenu.
Rien n’attira son attention. Tout ça pour ça ! Et en même temps, que cherchait-elle ? Même un tas de lingots d’or lui auraient paru insignifiants. Non, ces temps-ci, Neige espérait plutôt des choses incroyables ! Par exemple, y découvrir un de ces vilains Pokémon légendaires capturé lui aurait plu ! Ou mieux, un Pokémon sous sa forme véritable ! Elle avait épié une discussion entre son père et un des monsieurs en blouse blanche l’autre jour, dans leur quartier général, et aurait juré avoir entendu quelque chose là-dessus ! Mais jusqu’ici, rien n’était venu prouver cette hypothèse aux yeux de l’enfant.
Bref, peu lui importait, il n’y avait rien dans cette calle d’intéressant. Ou peut-être que si… Neige posa son regard sur une vieille malle en bois, un peu à l’écart des objets de grandes valeurs. Une manche noire en dépassait. Des vêtements ? Voilà, ça, ça pouvait être amusant !

Lorsque le premier Nyx arriva pour vider la calle, il fut aussi surpris de la voir que de la découvrir déguisée en Piclairon, un Pokémon que la petite connaissait bien. Après l’avoir fouillée rapidement pour s’assurer qu’elle n’avait rien embarqué – d’important –, il la laissa repartir, non sans rire de la voir battre des bras pour agiter les fausses ailes noires de son costume.
Tout le monde se préparait à partir, sur le pont. Et elle ? Devait-elle attendre ? encore ! Juste parce que soi-disant, son père et les autres devaient faire des trucs d’adultes en ville. Il lui avait promis de l’emmener le soir si elle restait sage et gardait le bateau avec les autres juniors de l’équipe. Ha ! Aucune chance ! Personne ne leva le petit doigt en la voyant bondir sur le ponton de la ville et s’élancer vers les immenses bâtisses de Port Tempère. Il faut dire que la moitié des Nyx se moquaient bien des agissements d’une gamine… et l’autre moitié la connaissait assez pour ne pas s’embêter à la convaincre.

Dès les premiers pas, Neige se sentit toute petite au milieu de cette immense cité, si immense qu’elle se découpait en deux parties reliées par un espèce de train. Rien à voir avec les petites cités d’Alola ! Relevant sa casquette, dont la visière reprenait les trois couleurs du bec d’un Piclairon, Neige observa la ville haute, l’air ébahie. Eh bien, cet endroit était bien plus intéressant que la calle moisie du bateau !
Sans surprise, elle voulut en premier lieu essayer ce fameux monorail. Pour cela, elle n’eut qu’à suivre la foule en cette matinée ensoleillée. Hélas, le constat fut décevant : en mettant de côté la vue magnifique qu’offrait le transport et qui l’émerveilla une petite minute, Neige réalisa bien vite qu’elle était lasse de voyager après ces derniers jours. Un nouveau transport, si innovant soit-il, l’ennuyait tout autant. Alors elle descendit, sans réaliser qu’elle se trouvait maintenant dans la partie haute de la ville.

Rappelons-le, en venant ici, Neige s’était enthousiasmée de plusieurs choses : rencontrer de nouvelles personnes, découvrir un nouveau paysage, et surtout… manger !
C’est ainsi qu’elle déambula dans la rue à la recherche d’un restaurant, café, ou autre stand aux odeurs alléchantes.
Elle tenta une approche dans un premier restaurant, un peu trop luxueux pour lui permettre de passer inaperçue. À peine eut-elle franchi la porte et salué le vigile que déjà, ce dernier la dévisageait d’un air mauvais. Inutile d’essayer le moindre mauvais coup ici !
Elle ressortit et s’approcha discrètement d’un fast-food donnant sur la rue. Mais là encore, à peine eut-elle ouvert la bouche que plusieurs personnes se retournèrent et la dévisagèrent avec insistance.
N’étant pas habituée à voyager, Neige était loin de réaliser que son accent des îles l’affichait déjà comme étrangère à la moindre syllabe. Cependant, elle comprit rapidement qu’il valait mieux qu’elle se taise si elle voulait rester discrète. Dommage, habituellement elle préférait embobiner les gens sans qu’ils le réalisent !
Bref, la troisième serait la bonne ! Cette fois-ci, Neige jeta son dévolu sur un bâtiment dont l’enseigne indiquait : "Klemmatorium". Pas très explicite comme nom… Mais de bonnes odeurs s’en échappaient, et donc, elle entra.

La bonne nouvelle, c’était qu’il y avait bien à manger à l’intérieur ! La mauvaise, c’est que l’ambiance était loin du restaurant classique. Plus chaleureuse, limite détente, certains clients jouant à des jeux qu’elle ne reconnaissait pas. Étonnée, Neige délaissa son plan quelques instants et se dirigea sans aucune gêne vers l’une des tables où des gens riaient en groupe. Ses petites mains posées sur la table pour se soulever, elle zieutait avec curiosité les pions qui s’y alignaient, l’air de chercher à comprendre les règles sans vouloir poser la question.

D’abord l’un des joueurs bougea la pièce ressemblant à une tour en vertical… puis l’autre joueur déplaça son canasson d’une façon insensée. Et voilà que l’autre balayait un pion avec la plus grande de ses pièces, clamant un "échec" aussi fièrement que s’il n’avait plus qu’une carte en main dans un autre jeu. Mais le pire, c’était qu’ils passaient des heures à réfléchir, comme s’ils jouaient leur vie à chaque coup ! Neige ouvrait de grands yeux emplis d’incompréhension, son cerveau bouillonnant d’hypothèses incongrues.

C’est alors qu’une voix s’éleva non loin d’elle pour lui proposer d’apprendre. La gamine réalisa qu’on s’adressait à elle en se cassant le cou pour regarder le nouveau venu, ce dernier ayant les yeux posés sur elle.
Sa tenue était bien particulière. Certes, elle était mal placée pour juger ainsi, mais c’était la première fois qu’elle voyait un pantalon mélangeant cuir et carreaux de la sorte ! Oh, et tout comme elle aujourd’hui, il avait une casquette ! Oui, bon… c’était pas une casquette, mais de son petit mètre, elle n’en voyait que la visière, la conclusion fut donc immédiate et sans appel. En plus, lui aussi avait quelque chose d’étrange dans son regard. La couleur ? Non, même si ce rose avait tout pour lui plaire, Neige semblait davantage curieuse quant au tatouage qu’arborait l’œil gauche du monsieur. C’était très différent des vagues qui paradaient calmement à travers ses propres pupilles au rythme des vagues, mais au moins aussi intrigant !
L’étranger dû prendre son silence pour une réponse, puisqu’il s’empressa de lui expliquer les règles du jeu. Après deux-trois phrases, Neige en eut la tête qui tournait. Des tours, des cavaliers, des fous… C’était lui le fou, d’abord ! Zut, dire qu’elle ne pouvait même pas crier ça, c’était frustrant.

Car oui, Neige avait choisi de rester muette jusqu’ici. Même lorsque l’adulte lui proposa une partie, elle persista à jouer la timide, hochant la tête de haut en bas sans grande conviction. Difficile de refuser après tant d’implication !
Et voilà comment une enfant se retrouva assise en tailleur sur une chaise face à l’homme aux lunettes, un échiquier prêt à l’emploi entre eux deux. Ça semblait être à son tour, et en toute franchise, la gamine n’avait pas retenu un quart des explications précédentes. D’une main hésitante, elle survola son armée de pions, les fausses plumes de son costume caressant la tête des pièces les plus hautes le temps qu’elle ne jette son dévolu sur l’une d’entre elles. Sans surprise, le premier à sortir de sa cachette fut l’un des canassons : c’était quand même plus cool à jouer que les enfants alignés devant, ou les deux grandes tiges devant les lettres F et C. Tiens, et pourquoi y’avait des numéros à droite ? On gagnait des points en avançant ? Ou fallait deviner les cases des ennemis ? Personne ne lui avait parlé de ça !
Le cavalier en main, Neige survolait à présent la partie vide du jeu, incertaine d’où elle devait déposer sa pièce. Déjà, personne n’avait interrompu son mouvement, donc elle devinait avoir le droit de le jouer… Mais la seule chose dont elle se rappelait les concernant, c’était qu’il y avait un rapport entre eux et la lettre L, lettre qui n’était pas inscrite sous son nez. A, B, C, D, E, F, G, H… cet alphabet incomplet la narguait, et durant un instant, elle envisagea presque d’aller déposer la pièce sur la table d’à côté. Heureusement, elle se ressaisit à temps en réalisant quelques regards rivés sur elle. Là ? Non, plus par là… Ou par-là ? Elle avait l’impression de jouer à chaud ou froid, les visages se tordant de grimaces chaque fois qu’elle s’éloignait un peu trop de son territoire. Après moulte réflexion, elle déposa – quasiment contrainte et forcée – son cavalier deux cases devant la grande tige de droite. Finalement, il avait bougé de deux cases en avant, et une vers le centre.

L’expérience aurait pu s’achever sur un succès flamboyant pour Neige. Hélas, après cette première réussite, elle sentit une bouffée de confiance l’envahir. Et comme si les règles n’avaient plus aucun secret pour elle, elle s’empara du second cavalier et effectua immédiatement un mouvement identique en claquant la pièce contre le plateau de jeu.

— Échec ! hurla-t-elle subitement, aussi sûre d’elle qu’à la commande d’un bon chocolat chaud.

Un large sourire illuminait son visage, tandis qu’elle dévoilait à quel point la pauvre n’avait rien compris aux règles. Entre son double coup en un seul tour et cette phrase lancée au hasard, il y avait de quoi s’inquiéter pour la suite de la partie…

Elle s’attendait à un « Ha ! », ou un « Oh ! », ou encore d’autres onomatopées d’étonnement devant son super coup, mais certainement pas à un rire aussi spontané. Sans compter que l’hilarité de l’adulte se propageait peu à peu à travers les clients qui l’observaient ! Neige commençait à se dire qu’il n’était peut-être pas aussi super que prévu, ce coup. Ses joues virèrent au rouge en un clin d’œil tandis que l’adulte lui expliquait sa double erreur.
Concernant le premier point, il est vrai qu’elle aurait dû y penser après avoir vu les autres jouer. C’est uniquement à cause de leur lenteur exécrable qu’elle l’avait manqué ! Par contre, pour ce qui était du second point…
Neige observa le plateau à nouveau, son regard virevoltant de ses chevaux à son roi, à la recherche d’un sens aux paroles de l’adulte. Oh, attendez ! Le même mouvement, mais à l’envers… Son cheval se retrouverait au même endroit que son roi, comme s’il voulait l’attaquer ! Les astres s’alignaient dans l’esprit de l’enfant, tandis qu’elle réalisait l’intérêt du fameux échec. Enfin… Il lui semblait l’avoir compris. Pas question de refaire une erreur aussi grossière tant qu’elle n’en serait pas sûre !

Bon, par contre, le monsieur semblait déjà las de jouer contre elle, puisqu’il se relevait sans jouer son tour. Ou alors il réfléchissait debout ? Insatisfaite dans tous les cas, Neige attrapa ses deux cavaliers, puis d’un seul geste, elle les déplaça pour mettre le roi adverse en double échec. Et voilà, gagné ! songea-t-elle en tirant la langue à un adversaire imaginaire.

L’adulte revenait, la boite d’un autre jeu entre les mains.

— Oh ! On dirait le jeu des Tiboudets !

Ah, bah du coup, elle connaissait. Et oui, elle adorait ! Surtout que cela faisait bien des mois qu’elle n’y avait pas joué : même si la version Alola du jeu était très prisée, les enfants se comptaient sur les doigts de la main chez les Nyx.
Elle commença à applaudir, toute contente… puis ramena d’un coup ses mains sur sa bouche, comme prise d’un hoquet, en réalisant qu’elle venait de lâcher une phrase entière. Est-ce que c’était grave ? Euh… Elle dû y réfléchir un instant, juste assez pour se rappeler qu’elle était de toute façon au cœur de l’attention depuis un bon moment déjà, entre cet adulte qui voulait absolument l’occuper et les autres clients qui lui souriaient au moindre regard. Son ventre gargouilla en réponse à ses craintes : ça risquait d’être compliqué de voler quoi que ce soit dans cette situation !

De toute façon, elle manquait de temps pour y réfléchir. Vu la façon dont il démarrait la partie, c’était à se demander si l’adulte n’était pas le plus enthousiaste des joueurs autour de la table ! Plus calme, la gamine prit les pions rouges – à défaut de rose – sans un mot en gardant un œil sur le dé qui débaroulait au milieu du plateau.

Eh bah ! Tout ça pour ça ! La petite pouffa dans sa manche plumée, sans exagération aucune avant de récupérer le dé. Oh, tiens ! C’était aussi le même genre de dé que dans la boite des Tiboudets, avec des numéros en points creusés dans le plastique.
Son étude matérielle fut interrompue par LA question. La fameuse, celle qu’il fallait éviter, ou pour laquelle mentir était conseillé ! Enfin, si tout ça, c’était des conseils de Nyx, aux yeux de Neige, c’était surtout une raison pour s’amuser avec autrui :

— Je suis la grande Piclairon ! clama-t-elle comme si ce nom était possible, Même que j’suis super forte aux dés, regarde !

Redécouvrant toute sa bonne humeur, la petite se redressa sur sa chaise pour se mettre à genoux et frotter le dé entre ses mains tout en soufflant dessus. Une fois son rituel de la chance accompli elle se baissa à hauteur de la table, la main portant le dé juste au-dessus et l’autre en-dessous pour se tenir en équilibre. Tout dans son lancer se marquait d’une étrange minutie, jusqu’à la façon dont elle lâcha le dé : ni trop fort, ni trop faible, juste assez pour le faire rouler de droite à gauche devant elle et pouvoir le suivre des yeux à quelques décimètres de son nez.

Et ce fut un 6.

— Tadaaaam ! Faut faire tout pareil pour bien lancer le dé, sinon ça marche pas !

Souhaitant prouver ses dires, elle reprit le dé aussitôt – puisque c’était à elle de jouer – et le relança sans autre formalité.

2.

Bon, c’était pas non plus aussi catastrophique que le lancer du monsieur, mais c’était pas terrible ! Elle ne risquait pas de rejoindre la première case avec un chiffre pareil.

— Les dés c’est comme les Tiboudets ! Faut être gentils avec eux, sinon ils vont bouder.

Après avoir étalé son incroyable savoir, elle donna une pichenette au dé pour le faire rouler jusqu’à son partenaire de jeu.

— Du coup c’est à toi. C’est comment que tu t’appelles, toi ?

Définitivement, la petite semblait avoir abandonné l’idée de rester muette.

Corey ! C’était marrant, elle ne connaissait personne à Alola portant ce nom. À priori, l’adulte avait donné son véritable nom contrairement à elle. Aurait-il cru à son bobard ? Rien ne laissant croire le contraire, Neige s’imagina qu’elle était devenue vachement douée pour mentir, depuis le temps.
La partie reprenait, et tandis que Corey prononçait une curieuse incantation magique du numéro 6, le dé roula à nouveau jusqu’à tomber sur le chiffre tant désiré. Après un très bref étonnement, Neige s’enjoua de cette réussite et applaudit vivement son rival.

— T’as vu, c’est super facile !

Et du coup il retenta, en vain. Tout le monde ne pouvait pas avoir autant de chance qu’elle !
En parlant de chance, il était temps de la mettre en application. Mais alors qu’elle ramassait le dé, l’autre la questionna sur sa faim. Curieuse, Neige joua la franchise en hochant la tête… Et voilà qu’il lui proposait de choisir n’importe quoi sur le menu ! Les yeux ronds, la petite fut incapable de cacher sa surprise. Elle avait l’habitude de quémander en apitoyant les vendeurs pour espérer obtenir quelque chose, mais ce n’était pas si souvent qu’on la nourrissait ainsi sans un mot de sa part ! D’autant qu’aujourd’hui, elle n’avait pas du tout prévu ça. Elle s’était imaginée profiter de cette journée pour impressionner les autres Nyx : elle aurait prouvé qu’elle se débrouillait aussi bien que les autres en revenant le ventre plein, et le chef l’aurait prise sur son bateau pour la prochaine mission, parce qu’elle était devenue une super Nyx !
Bref… un repas facile, c’était bien aussi !

— D’accord, mais faut finir la partie avant ! lança-t-elle malgré son ventre en désaccord. Sinon on va tout salir le jeu !

Et pouf, elle relança le dé exactement de la même façon que la première fois, pour le même résultat. Loin d’en être surprise, elle déplaça son pion sur la première case du plateau et reprit le dé dans ses mains, enclenchant une nouvelle fois son rituel de la victoire.

— Et je peux vraiment prendre tout, tout, tout, c’est vrai ? Même du gâteau au chocolat ? Chez mon papa, y’a toujours du gâteau au chocolat quand on a faim !

C’était faux. D’ailleurs, il n’y avait pas vraiment de "chez papa", mais Corey n’avait pas besoin de le savoir. C’était comme ça, quand on était enfant : pas besoin de lire la carte, on sait ce qu’on veut ! Et ce ne serait certainement pas le plat le plus santé du choix.
Nouveau lancer, nouveau 6. La petite semblait partie pour jouer toute seule. Elle n’avait pas remarqué que l’adulte l’observait, se sentant finalement en confiance. Par contre, sa curiosité attira son regard en direction de cet étrange chapeau que Corey venait d’enlever. Définitivement : c’était pas une casquette. Et en même temps, pas si loin !
Ce court instant de déconcentration brisa sa réussite : son dé fit un étrange mouvement de fin, ripant du 6 sur le chiffre voisin pour un résultat certes respectable, mais imparfait : un 5.

— Oups ! lâcha-t-elle en voyant le résultat, bien plus surprise qu’avec ses réussites miraculeuses. Bon bah, à toi !

Et d’une pichenette, le dé retourna du côté de l’adulte perdu dans ses pensées tandis qu’elle déplaçait sa pièce pour se retrouver à… attendre. Et attendre, c’était ennuyeux pour un enfant ! Ça aurait été l’occasion d’attraper quelque chose sur la table, au hasard, et de l’embarquer si le monsieur du restaurant n’avait pas été gentil avec elle. Tout pouvait y passer, par principe : la nourriture, les objets de valeurs, ou même une des pièces du jeu. Et à n’en pas douter, aujourd’hui, elle aurait eu une cible en tête très rapidement… Heureusement, Corey n’aurait pas à s’inquiéter de vols. Enfin, pas pour l’instant. Au lieu de cela, la voix de l’enfant s’éleva à nouveau, emprunte d’en enthousiasme naissant :

— Dis, dis, dis ! Je peux essayer ta casquette ?

Elle pointait du doigt l’objet d’une main agitée, impatiente et le regard plein d’espoir. À n’en pas douter, elle avait flashé dessus. Et pourtant, ce n’était pas un déguisement Pokémon ! Mais elle était si… bizarre, avec cette étoile sur le dessus et cette forme mi-chapeau mi-casquette ! Il fallait absolument qu’elle voit ce que ça donnerait sur sa tête !

Tout tout tout ? La joie creusa les pommettes d’un ravissement spontané, l’adulte ayant malgré-lui libéré une imagination aussi débordante que gourmande.

— De vrai ?! Alors, alors… Un énoooorme gâteau au chocolat, avec un deuxième chocolat qui coule dessus, tout chaud, et des jolies baies nanab tout le long en bas, en rond, comme si elles portaient le gâteau ! Ah, et aussi plein de chantilly, et des paillettes, et encore de la chantilly, plein plein de chantilly tout le tour ! Et au milieu, tout au milieu au-dessus, le dessin d’un super Pokémon super cool fait avec la crème à deux couleurs, celle qui, quand on appui, fait du blanc et du rose, et qui sent comme les Framby et comme la chantilly en même temps ! Et dedans, et dedans, des cookies différents tout plein pour que ça fasse comme quand on mange un gâteau surprise, et qu’au milieu y’a un autre gâteau, encore meilleur que le premier gâteau, et encore un autre, et un autre, et plein plein d’autre à chaque bouchée ! T’as déjà gouté les gâteaux surprise ? C’est super bon ! Et super drôle !

On pouvait dire que la petite avait retrouvé sa voix au détriment de sa timidité. À n’en pas douter, la petite avait déjà hâte de goûter ce dessert de rêve si l’humain arrivait à le réaliser ! Mais comme tous deux l’avaient décidé, ils devraient attendre la fin de la partie…

Le dé revint jusqu’à elle tandis qu’elle s’intéressait au chapeau de l’adulte. Elle n’avait pas vu le résultat, mais d’après la position du pion, c’était de pire en pire pour le pauvre adulte. Elle récupéra le dé pour jouer son tour, mais avant…. Une "gavroche" ! Ce nom était drôlement loin de casquette, pour un truc y ressemblant autant. Ils auraient dû appeler ça une gaquette, ou une casquoche, ça aurait été plus sensé ! Avec toute la précaution maladroite d’un enfant, elle l’attrapa par l’étoile – en douceur, mais par l’étoile –, pour la tirer vers elle et attraper la visière de sa seconde main. L’instant d’après, le bec de Piclairon cédait sa place à cette curiosité, au sommet d’une chevelure agile qui remuait de gauche à droite aux mouvements d’une enfant surexcitée.

— Ça me va ? Ça me va ? Hein, dis !

Un problème de taille se posait – au sens propre –. Le gavroche lui tombait sur les yeux et dévorait ses oreilles ainsi qu’une bonne part de sa chevelure. Mais habituée à avoir de gros déguisements sur la tête blindés d’accessoires décoratifs et souvent cousus au haut de sa tenue, la petite semblait à peine dérangée, se contentant de remonter légèrement la visière chaque fois qu’elle voulait regarder l’adulte dans les yeux. Tout ça n’allait pas aider sa maladresse : elle faillit perdre l’équilibre en voulant reprendre le dé, ratant la table par manque de vision et manquant de s’engouffrer dans le vide la séparant de sa chaise. Heureusement, elle releva la visière à temps pour corriger son erreur et se rattraper comme si de rien était. Et ainsi, la boucle reboucla : elle resouffla sur le dé en le frottant entre ses paumes, remit une main sur la table et une sous la table, rerapprocha son visage, relança le dé, et refit un six pour avancer son pion d’autant.
Pendant ce temps, l’adulte se risquait à une question plus personnelle. Loin de s’en formaliser, la petite releva la tête – et la gavroche –, l’observa dans les yeux d’un air joueur, et répondit en toute innocence :

— Ben oui, il sait, on est venus de très très loin sur le gros bateau, là-bas, avec des voiles ! Même qu’on a failli mourir d’ennui pendant des jours avant d’arriver !

Il y avait de quoi applaudir cette sublime description d’un bateau lambda tandis qu’elle pointait du doigt en direction de la mer sans savoir si le quai était dans cette direction.

— Mais il travail beaucoup mon papa, et faut pas l’embêter quand il travaille ! C’est important le travail.

Et pendant ce temps, la chance improbable se poursuivait avec un nouveau six. Sauf qu’un problème se posait : Neige ne pouvait plus avancer son cheval, bloqué par la lenteur de celui de Corey, deux cases plus loin. Résignée, elle sortit un autre cheval et ramassa le dé. Le cube pivota entre ses doigts quelques secondes sous les yeux perplexes de sa maitresse, celle-ci guettant la perfection parmi les points creusés. Soudain, sa bouche s’entrouvrit de satisfaction et elle laissa échapper un petit "Ah !". Le rituel pouvait reprendre !

2.

— Haha ! Mon dada va manger le tient ! clama-t-elle avec ravissement en renvoyant le dé.

Ah, la chance… Elle a bon dos, n’est-ce pas ?

Deux rangées de dents blanches répondirent au compliment de l’adulte. Neige en aurait peut-être pensé autrement en s’observant dans un miroir, mais pour le coup, elle lui faisait confiance. Et puis, c’était amusant, ce côté trop grand pour elle ! Deviendrait-elle ainsi un peu adulte ? Juste un peu, peut-être ! Tiens, il y a bien longtemps que l’éternelle Pichu n’avait pas pensé à cela…
Un voile sombre traversa ses yeux, juste avant que la gavroche ne les couvre à nouveau. Lorsqu’elle releva la tête, son innocence enfantine brillait de nouveau, l’idée sombre balayée aussi vite qu’elle n’apparut.

Le monsieur du café fut étrangement silencieux durant son nouveau tour. Neige l’observai en penchant la tête, intriguée, sans comprendre. Les pensées de l’adulte lui étaient lointaines, inaccessibles, le paraître de l’homme brouillant avec aisance le moindre soupçon. Et puis, il venait de faire un 6, Neige avait donc d’autres préoccupations ! Aurait-il découvert et reproduit le secret de ses lancés ? Mais alors… MAIS ALORS ! Il risquait de faire 2, lui aussi ! L’enfant ouvrit de grands yeux, retint sa respiration, absorbée par le dé comme un Papilusion par la lumière.
1.
Elle souffla, soulagée. Mais ce fut juste ! Peut-être était-il temps d’achever cette partie ? Elle pouvait le faire d’une seule traite… Il suffisait de…

L’adulte interrompit ses pensées. Boire ? Maintenant ? Instinctivement, Neige sentit sa langue tourner dans sa bouche, asséchée par tant de pression. Bien sûr qu’elle avait soif ! Elle n’avait rien avalé depuis son départ du bateau. Déjà, l’adulte se levait, et Neige s’empressait :

— Un jus de Framby ! (Elle l’avait presque hurlé, poussée par son enthousiasme, avant de marquer un blanc et de reprendre plus calmement.) Si te plait !

Et pendant ce temps, un nouveau 6 s’ajoute à son interminable série. Elle bouge le pion, regarde l’adulte, relance le dé, refait 6, rebouge le pion, regarde l’adulte, relance le dé… ça en devient lassant. Si lassant qu’elle a presque envie d’arrêter son petit manège de rituel et de jouer normalement ! Sa mâchoire s’entrouvre sans qu’elle n’y prête attention. C’est que c’était fatiguant, tout ça, à force ! Sans compter que le dé commençait à marquer sa paume d’une tumeur rouge à force d’y être frottée. Bien sûr, elle se garda d’en parler ou de laisser paraître le moindre signe à l’adulte.
En revanche, lorsqu’elle entendit la sonnette caractéristique d’un micro-onde et qu’elle vit ce dernier en sortir une magnifique part de gâteau au chocolat, la petite abandonna le dé sans la moindre vergogne. L’objet roula, se figea… Elle se retourna, lu le 3 et déplaça son pion à l’arrache avant de reprendre sa marche jusqu’à l’adulte. La gavroche lui bouchait la vue. Elle s’arrêta de justesse en frôlant le pantalon de l’homme, releva la tête, releva sa coiffe, révéla son sourire et s’exclama :

— C’est pour moi ? Hein, dis, dis ? C’est pour moi ? Il a l’air trop bon !

Tout compte fait, le jeu pouvait bien attendre quelques minutes, le temps d’engloutir ce superbe repas ! D’ailleurs, pour ne pas le salir, ils n’avaient qu’à manger sur une autre table… et tandis qu’elle justifiait dans sa tête un à un les arguments qui l’avaient poussé à repousser – bêtement – cette félicité, son ventre la gratifia d’un grondement lourd de sens.

Finalement, l’instant vint. Celui où l’assiette s’approchait de ses mains. Mais ce ne serait pas l’instant du ventre repus… plutôt celui d’une révélation. Leurs mains se frôlèrent. Deux doigts s’unirent, dos à dos, peau contre peau… un bref instant, le temps d’un éclair. Une décharge électrique, involontaire, mais bien réelle de la part de la Pichu qui, après avoir joué du seul talent qu’elle avait pendant de nombreuses minutes, s’était chargée les mains telle une bombe prête à détonner.
L’effet fut bref et soudain, semblable à ceux de ces chocs statiques dont l’hiver regorgeait, mais bien plus intense. Si le Statik des Pichu n’était supposément qu’un moyen de défense, il y a bien longtemps que Neige avait remarqué qu’en accumulant son énergie statique sur un ballon en plastique, celui-ci se collait partout. Elle n’avait pas manqué d’en détourner l’usage. Sauf que… Même si elle contrôlait ça bien mieux qu’un véritable éclair, eh bien… Elle restait une simple Pichu. Une Pichu capable d’amener un dé à tomber sur la bonne face, mais une Pichu quand même.

Plus surprise que blessée par le choc, la gamine retira ses mains sans réfléchir en sursautant, non sans pousser un petit cri de surprise. Deux cercles roses discrets se teintèrent sur ses joues durant son recul, marques des existences d’autrefois, avant de se refondre parmi le beige de sa peau en quelques secondes. Puis elle resta là, muette et stoïque devant son erreur, ses mains jointes ramenées contre son épaule, ne sachant si elle devrait courir ou s’épandre en excuses.


[HS : j’ai prit les devant en m’imaginant que tu finirais par me tendre l’assiette, n’hésite pas à me dire si ça te dérange et que tu veux que je modifie !
HS2 : Mon délire de triche défie probablement les lois de la physique, mais j’ai vu des trucs s’en rapprochant utilisant ce principe, donc bon, je trouvais ça drôle… XD]

[HS : Bien sûr qu’elle est à la hauteur ta réponse, elle est très bien :D ]

Les yeux de l’enfants se fermèrent d’instinct devant l’impressionnant réflexe du maître de café, aussi vif qu’un Ninjask. Elle eut tout le loisir de se demander si le coup lui était destiné. Elle en avait déjà mangé, des raclés ! Certains commerçants avaient le poing facile, en plus d’abhorrer les voleurs. L’apprentissage était rude pour ceux de la rue, les premières erreurs étant souvent celles dont la douleur restait en mémoire jusqu’aux derniers jours.
Ce n’est qu’en entendant la porcelaine se poser sur le comptoir qu’elle rouvrit les yeux, un par un, incertaine. L’homme s’accroupit. Immédiatement, elle eut un mouvement de recul. Pourtant, il semblait plus compréhensif qu’à l’accoutumé, n’exprimant ni méfiance, ni menace, seulement une inquiétude retranscrite dans ses dires.

Il allait bien. Rien d’étonnant, elle n’avait jamais réussi à blesser qui que ce soit ainsi. Des enfants, à la rigueur, et encore ! On lui avait raconté qu’une unique fois, elle avait réussi à sonner un de ses camarades ! Hélas, elle ne s’en souvenait pas, s’étant elle-même évanouie en même temps.
Bref, si elle n’osait acquiescer – ne serait-ce qu’hocher de la tête –, c’était autant par gêne qu’à l’idée que l’adulte fasse fausse route. Neige était perturbée. Perturbée de s’être trahie ainsi, perturbée de voir le gouffre entre sa famille et elle s’estomper. Pourtant, l’adulte ne risquait pas de la ramener à une lignée de Pikachu d’un autre continent, d’autant que l’enfant n’avait plus rien à voir avec eux… Quand bien même, c’était comme faire ressurgir de vieux souvenirs alors que tout allait si bien l’instant d’avant.

Tandis qu’elle sombrait mentalement, la petite suivait mollement l’adulte pour qui cette mésaventure semblait n’avoir jamais eu lieu. Il avait repris le cours de leur existence d’un "Allez viens", balayant le désagrément sans même le relever.

Neige se trouvait sur un tabouret ajusté à sa taille, devant une table où le fameux gâteau l’attendait de son fumet alléchant. Corey tourna les talons. Immédiatement, l’enfant porta son regard vers la porte d’entrée. La lumière du dehors brillait d’un éclat nouveau à ses yeux, et si la faim ne l’en avait empêché, sans doute s’y serait-elle ruée aussitôt. Pour le moment, le poing serré sur une petite cuillère, elle creusait ce repas si attendu qu’elle n’était plus sûre de désirer.
Lorsque Corey revint avec le jus, Neige mâchouillait la cuillère dans sa bouche sans la tenir avec un peu de chocolat sur les lèvres, l’air pensive et les yeux regardant le vide face à elle. Elle avait déposé la gavroche sur la chaise voisine pour ne pas la salir, laissant voir l’entièreté de sa longue chevelure d’or.

Oui, c’était bon. Délicieux même, mais elle n’arrivait pas à le dire. C’est à peine si elle l’entendit. Au lieu de cela, elle se laissa choir de sa chaise, reposant la cuillère, et contourna la table jusqu’à son serveur. Elle l’observa dans les yeux, une neutralité dérangeante sur le visage, semblant attendre quelque chose de lui. Quelque chose qui ne venait pas, et à quoi elle était pourtant habituée.

D’un coup, les bras de l’enfant s’écartèrent, et elle se jeta contre l’adulte pour l’enserrer de toutes ses forces, la tête posée sur son flanc. Un câlin si soudain que même elle n’en comprenait pas vraiment la raison. Elle avait juste senti, ou réalisé, que ce monsieur était gentil avec elle. Plus gentil que nombre d’adultes auparavant. Peut-être était-ce ce gâteau préparé avec bonté, peut-être était-ce sa discrétion vis-à-vis de la maladresse de l’enfant, ou peut-être simplement parce qu’il s’occupait d’elle. Chaque jour, elle volait, mentait, trichait… et les gens s’emportaient, chacun à leur façon. Depuis quand n’avait-elle plus croisé quelqu’un de simplement gentil avec elle ? Sans jeu de sa part, sans entourloupe. Juste une gentillesse naturelle.

L’adulte se pliait en quatre pour elle, enchaînant les promesses pour celle qui n’osait plus montrer son visage. Elle hocha la tête contre son ventre, à demi attentive. Un mélange de gêne et de mignonnerie emplissait la salle, le reste des clients n’osant intervenir auprès des deux protagonistes. Certains souriaient, d’autres chuchotaient en les pointant du doigt, et même ceux qui auraient bien commandé quelque chose comprenaient qu’il valait mieux laisser ces deux-là tranquilles pour le moment.
Neige sentit la main de l’adulte quitter son crâne. Sa poigne se raffermit, puis se radoucit en sentant la gavroche revenir à sa place – sa nouvelle place –. Les yeux embués de larmes naissantes, elle releva la tête juste assez pour laisser entrevoir son visage rosé par la peine :

— Vraiment ?... demanda-t-elle d’une voix étouffée. Mais… tu y tiens !

Puis sa tête retomba contre le buste de Corey.

Elle demeura ainsi un bon moment, plusieurs minutes, avant qu’enfin ses bras ne cèdent à la liberté. Elle recula, toute pataude, puis le regarda à nouveau. Ses larmes, bien différentes de ces autres pleurs qu’elle simulait si aisément, avaient séchées en silence. La vie reprenait son cours.

— Pardon, murmura-t-elle en pointant du doigt les vêtements de l’adulte.

A l’endroit où sa tête s’était enfoncée, une tâche, mélange de salive de larmes et de chocolat, ornait les vêtements de l’adulte. Un maigre sourire se força sur son visage. Un début de retour à la normale. Elle s’était vraiment trop laissée aller ! Et en même temps, elle n’arrivait pas à s’en vouloir. Ça lui avait fait du bien. Comme une bouffée d’air frais après un long tunnel. Corey était vraiment quelqu’un de gentil. Et pourtant…
Ses mots tranchèrent avec ses précédents balbutiements. Plus calmes, plus réfléchis :

— Il va falloir que je rentre, mon papa va s’inquiéter.

Disant cela, elle avait détourné le regard en direction de l’entrée, comme pour s’empêcher de changer d’avis en plongeant une nouvelle fois dans les yeux du gentil monsieur. Elle semblait toujours fuir, en quelque sorte. Pourtant, elle avait fini par apprécier cet endroit, par s’y sentir en sécurité et acceptée. Alors pourquoi partir ? Son père ne serait pas rentré avant le soir, elle ne ferait qu’attendre au fond de la cale sans rien faire. Une cale qu’elle verrait bien assez durant le trajet du retour !

Et le pire dans tout cela ? C’était qu’elle avait beau le dire, Neige restait comme une idiote, les deux pieds coulés dans le plancher. Au fond d’elle-même, elle n’avait pas envie de partir. Et c’était peut-être ça, au final, qui l’inquiétait tant : le fait qu’elle se sentait mieux ici en une petite heure que des années durant sur les mers d’Alola. Elle qui vivait seule, partout et nulle part, vagabondant en tant que Nyx sans vraiment participer à leurs plans et avec pour seule attache un père dénué de sentiments, elle craignait d’avoir découvert un autre monde plus chaleureux. Un monde dans lequel son quotidien de voleuse lui procurerait plus de remords que de satisfaction.