Les temps changent et nous aussi [Pv : Kazu !]

Cela faisait dix ans maintenant que les pokemon avaient pris cette forme d’hybride qui leur était désormais propre. Dix années pendant lesquelles Kazuko s’était efforcé de s’adapter. Celle qui avait été autrefois Mew avait rapidement pris ce nom ou plutôt ce pseudonyme qui lui allait comme un gant. Elle n’avait pas ressenti le besoin d’un nom complet ne voulant pas oublier ses origines.

Devenir humaine ou presque ne l’avait pas dérangée. Du moins, pas tant que ça et probablement moins que la plupart des siens. Cette forme était certes moins puissante, mais elle n’avait jamais été très impressionnante. Au contraire de certains anciens pokemons. Elle n’avait jamais vraiment compté sur sa force et elle avait conservé les pouvoirs qui l’intéressaient le plus, ce qui était le principal. Tout comme cette chevelure rose qui rappelait sa couleur d’origine.

Elle aimait également les humains et était contente de pouvoir encore plus les découvrir au travers de cette nouvelle apparence. Elle en était presque fière pour tout dire. Fière d’approcher encore plus des humains. Même si oh grand jamais elle oubliait qui elle était vraiment. Car c’était aussi ça sa fierté.

Savoir qu’elle avait été créé par le Créateur en personne. Savoir qu’elle était une légende plus mystérieuse, puissante et rare que n’importe qui d’autre. Elle n’était pas arrogante, elle ne l’avait jamais été, mais ce serait mentir que de dire qu’elle n’y pensait jamais.

Ces jours, elle avait décidé de survoler la région d’Unys qui avait tant changé en seulement dix ans. Une organisation du nom de Chronos s’était emparé de cette région moderne et en avait fait un endroit néfaste pour les hybrides. Même si heureusement l’organisation était nouvelle et donc encore peu puissante.

La jeune fille d’apparence était néanmoins soucieuse. De jour en jour, Chronos prenait de l’ampleur et devenait plus puissante. La légendaire avait un mauvais pressentiment par rapport à tout ça. Cela n’allait pas s’arranger. Elle aurait aimé vouloir faire quelque chose, arrêter le feu avant qu’il ne s’étende trop, mais elle ne savait pas vraiment quoi faire.

Elle ne savait pas non plus si elle avait le droit d’intervenir. Elle ne voulait pas voir les siens souffrir, mais elle ne voulait pas non plus causer encore plus de désordre entre les deux espèces. Si seulement les différences entre pokemon et humains s’étaient vraiment effacés avec la décision d’Arceus...

Hélas, parfois, Kazuko avait l’impression que c’était pire qu’avant. Peut-être aurait-il mieux valu ne rien faire... Certes, les pokemon n’avaient jamais eu avant réellement leur libre arbitre, la parole et d’autres choses propres jusqu’il y a une décennie aux humains, mais étaient-ils plus heureux maintenant ? Ce n’était pas à elle d’en juger, elle ne se le permettait pas, mais parfois le doute s’insinuait dans son esprit.

Kazuko survolait donc en ce moment la ville de Volucité, capitale de la région. Même sans ailes, elle avait toujours été capable de voler ou plutôt de léviter et cela n’avait pas changé avec sa transformation. C’était étrange de voir une humaine flotter dans les airs et même elle ne s’y était pas encore complètement habituée.

Mais cela avait aussi quelques avantages. Elle pouvait se déplacer assez facilement et aisément même si les grandes distances la fatiguaient plus qu’autrefois. Pour franchir les obstacles comme les océans ou les montagnes, il n’y avait rien de mieux. Et elle pouvait toujours se téléporter, ce qui était parfois encore plus pratique. Non, vraiment, elle était contente de ses facultés.

En ce moment même, elle observait la grande cité et ses alentours sans savoir vraiment ce qu’elle cherchait. Après tout, depuis toujours, elle aimait bien observer sans raison apparente. Très curieuse de nature, la Mew aimait remarquer des choses qui pouvaient paraître insignifiantes au premier abord.

Soudain, ses yeux se plissèrent. Elle avait repéré quelque chose qui pour le coup n’était pas insignifiant. C’était même important. Les subordonnés de Chronos se repéraient aisément. Tout comme un humain avec des ailes. Un hybride donc. Et ces ailes blanches lui étaient familières... Trop familières et ce malgré les dix ans écoulés. Reshiram.

Un frisson la parcourut. Elle savait que son ami légendaire était capable de se défendre seul face à quelques humains, mais elle avait un mauvais pressentiment. Le pokemon qu’elle était avait toujours été sensible aux autres, à son environnement et à tout ce qui l’entourait. Aussi n’hésita-t-elle pas à se déplacer vers le Pont Sagiciel qui dominait l’océan.

Quand elle arriva les humains étaient tous à terre et visiblement en mauvais état. Pour ne pas dire calcinés et sous forme de cadavres Retenant une grimace, la légendaire rose préféra atterrir loin d’eux pour ensuite s’approcher de son ami.

Elle était douée de compassion et aurait préféré que le dragon blanc de la Réalité ne les tue pas, mais il n’avait fait que de se défendre. Et la façon dont ils s’en étaient pris à lui était inacceptable. Ils n’avaient eu que ce qu’ils méritaient même si cela ne lui ressemblait pas vraiment de penser ainsi.

Kazuko se concentra donc sur le jeune homme en face d’elle. Elle ne l’avait pas revu depuis leur transformation commune et elle devait avouer qu’elle était curieuse de sa nouvelle apparence. Ce jeune homme aux cheveux blancs, aux yeux bleus, était ma foi plutôt joli garçon. Même avec ces immenses ailes familières. Elle n’eut cependant pas le loisir de pousser plus loin son observation. L’ancienne gerboise tressaillit en voyant le sang dégouliner d’une des magnifiques ailes immaculées. Il était blessé. Fronçant les sourcils, elle s’approcha encore plus et l’appela d’une voix à la fois douce et ferme.

- Reshiram ?

Elle espérait qu’il la reconnaîtrait même sans ses attributs, mais c’était plus que probable. Il n’y avait qu’elle pour avoir des cheveux de cette couleur-là, pour avoir ce doux et soucieux regard, cette douceur dans la voix ainsi que cette attitude maternelle.

- Tu es blessé... Laisse-moi regarder.

Pas le temps de discuter, pas le temps de se retrouver comme ils auraient dû le faire, la priorité était à la blessure sanglante de son ami. Car Kazuko ne supportait pas la souffrance des autres. Encore plus insupportables que la sienne. Un sourire nerveux aux lèvres, elle s’efforçait de contrôler son inquiétude. Car elle n’aimait pas le sang, elle ne l’avait jamais aimé et parce qu’elle n’avait aucune attaque de soin ce qui n’arrangeait pas les choses.

Certes, il y avait le centre pokemon de Volucité, mais il faudrait voler ou marcher jusqu’à là-bas ce qui n’était pas simple. Et malgré sa capacité vol, il était certainement lourd... Mais elle était prête à franchir des montagnes pour le sauver, elle ne renoncerait pas à l’aider, ça non. Car elle était Mew, toujours compatissante et pleine d’empathie.

Kazuko ne pouvait s’empêcher d’être inquiète. Cela faisait parti de son caractère, de sa façon d’être. Depuis toujours, elle se souciait énormément des autres. Des légendaires d’abord car elle les connaissait depuis la nuit des temps. C’était à ses yeux parfaitement normal car ils étaient ce qui se rapprochait le plus pour elle d’une famille.

Mais ils n’étaient pas les seuls dont elle se souciait. Chaque être vivant, humain comme hybrde, sur cette terre avait ce droit, ce privilège. Elle n’était pas l’origine des humains et des pokemon pour rien. A l’exception des premiers légendaires qui avaient pour père Arceus. Tout comme elle.

Reshiram la reconnut d’après le nom qu’il prononça. Un nom qu’elle avait abandonné depuis bien longtemps. Peut-être tout comme son ami. Mais ils ne connaissaient pas leurs nouveaux noms alors il était normal de s’appeler comme ils l’avaient toujours faits. La jeune femme était partagée entre la joie de le revoir enfin après tout ce temps et l’inquiétude qu’elle ressentait pour cette blessure.

Elle ne supportait pas de voir la souffrance des autres. Cela lui était insupportable. Et elle regrettait fortement de ne pas avoir une attaque de soin pour pouvoir le soulager un peu... Son regard se tourna un instant vers les cadavres et ses yeux se plissèrent dangereusement. Elle n’était pas souvent en colère, elle ne détestait jamais personne, mais, à cet instant, les sbires de Chronos auraient peut-être passé un mauvais moment s’ils avaient été vivants...

Car s’il y avait bien quelque chose que la pokemon originelle ne supportait pas, c’était bien qu’on s’en prenne à ceux qu’elle aimait. CEela ne dura pas, cependant, et la rose se tourna à nouveau vers son ami, les sourcils froncés. Il faisait comme si de rien n’était. Ce n’est rien ?! Son aile saignait comme pas possible, il se vidait de son sang et ce n’était rien ?! La Mew réussit à garder son calme, mais cela faisait longtemps qu’elle ne s’était pas sentie agacée.

- Je vais bien. Après tout, ce n’est pas moi qui ai une aile percée par une balle. Comment peux-tu dire que ce n’est rien, Reshiram ? Pour le légendaire de la Réalité, je trouve que tu la fuis beaucoup...

Kazuko soupira avant de s’approcher et de poser une main sur sa joue. Ses yeux bleus contenaient aussi de joie, que d’inquiétude et de tristesse. Le dragon blanc de la Réalité avait bien changé. Mais il avait conservé cette couleur comme elle et elle pouvait quand même le reconnaître. Après tout, il faisait parti des légendaires qu’elle avait le plus cotôyé, autrefois.

- Oui, partons. Il faut nous rendre au centre pokemon pour te soigner. Et moi aussi j’en ai assez de cet endroit.

Elle ne le proposa pas de l’aider pour respecter sa fierté, mais elle ne put s’empêcher de soupirer en le voyant s’entêter alors qu’il était visiblement incapable de se déplacer seul vu son état. Mew n’avait fait que quelque pas, mais elle revint vers lui pour lui proposer de l’aider. Il s’appuya aussitôt sur elle et elle s’efforça de rester debout malgré le poids qui pesait sur ses frêles épaules. On ne pouvait pas dire qu’elle avait déjà été grande... Mais il avait besoin d’elle et cela lui donnait presque des ailes. Son inquiétude augmentait en voyant dans quel état son fidèle ami était. Il ne fallait pas traîner pour aller au centre pokemon. L’hybride psy tourna la tête vers l’ancien dragon pour l’écouter. Un sourire doux, presque tendre, se forma sur ses lèvres.

- Je suis aussi contente de te revoir, Reshiram. Je n’ai pas non plus eu l’occasion de voir beaucoup d’entre nous, mais je suis sûre que nos frères et nos sœurs vont bien... Et pour ton état soi-disant pitoyable, ce n’est pas ta faute. Ne t’inquiète pas pour ça.

Elle le soutint comme elle le pouvait vu sa corpulence et tâcha de léviter. Elle pouvait transporter quelqu’un grâce à la capacité spéciale Vol qui lui donnait plus de force, mais vu l’état de ce quelqu’un, ce n’était pas facile pour autant.

Elle fit donc apparaître sa queue rose qui se mit à flotter derrière elle. Cela lui permettait de garder plus d’équilibre et de faire balancier pour compenser sa petite taille. Oui, je sais, c’est assez comique. Mais elle était bien contente de l’avoir conservée car elle était bien utile.

La lévitation était fastidieuse avec le poids de Reshiram et son aile encombrante, mais Kazuko savait s’y faire. Elle lévitait depuis tellement longtemps maintenant. Et depuis qu’elle était hybride transporter des gens était beaucoup plus facile. Après tout, elle était tellement petite sous sa forme originelle... Même si on ne pouvait pas vraiment dire qu’elle était grande maintenant pour autant.

Son regard se posa sur Volucité au loin alors qu’elle sentait le doux contact de la peau de son ami sur la sienne. Une lueur déterminée s’alluma dans ses prunelles bleutées. Elle amènerait l’ancien dragon blanc jusqu’au centre pokemon pour qu’il se fasse soigner comme il le méritait. Même si elle devait s’épuiser elle-même.

Utiliser psyko pour le transporter aurait peut-être été plus facile, mais elle se serait probablement fatiguée tout autant alors autant essayer de cette façon. Si elle galérait trop, elle pourrait toujours changer de tactique après tout...

Kazuko était contente de revoir son vieil ami. Elle avait toujours considéré les autres légendaires comme ses frères et ses sœurs. La Mew s’était toujours sentie très proche d’eux et elle avait décidé une fois il y a bien longtemps de toujours les protéger... Elle ne payait pas de mine que ce soit autrefois ou aujourd’hui niveau apparence physique. Elle était clairement moins impressionnante que d’autres légendaires. Petite et rose, il y avait mieux pour montrer sa puissance.

Pourtant, il ne fallait pas se fier aux apparences car elle savait très bien se défendre et protéger ce qui lui était cher... Quand elle le voulait, son aura pouvait être aussi intimidante que celle des autres. Elle n’était pas le pokemon des origines pour rien, après tout. Kazuko était gentille, elle l’avait toujours été. Douée d’empathie, de compassion et d’amour pour ce monde et ses habitants.

Mais cela ne voulait pas dire qu’elle ne pouvait pas être en colère et attaquer... Bien au contraire. Tout ça pour dire que si Chronos continuait à s’en prendre aux siens, l’organisation allait voir de quel bois la Mew chauffait. Et cela ferait clairement mal toute dégoûtée de violence qu’elle était...

C’est pour cela que la rosée fronça légèrement les sourcils quand Reshiram reprit la parole. La protéger ? C’était plutôt lui qui avait besoin de protection en ce moment vu son état. Elle soupira avec une finesse qui n’était pas donné à tout le monde dans un tel son et lui asséna une petite claque sur le sommet de la tête. Comme pour punir un enfant. Clairement agacée avec ses sourcils froncés et sa main libre sur la hanche, elle montrait qu’il valait mieux ne pas l’énerver davantage aujourd’hui. Messieurs dames, vous êtes prévenu.

- Je n ‘ai pas besoin d’être protégée. Aurais-tu oublié que derrière cette apparence fragile, je sais parfaitement me défendre, Reshiram ? Je n’ai pas affronté Mewtwo autant de fois pour rien. Alors tu serais gentille de ne pas me considérer comme une gamine fragile. Je risque de m’énerver et tu sais qu’il vaut mieux pas me sortir de mes gonds.

Malgré sa sévérité apparente, Kazuko souriait. Elle ne pouvait vraiment en vouloir au dragon blanc. Et penser à son clone la rendait bien trop songeuse pour que sa fausse colère soit vraiment effrayante. Qu’était-il advenu de son double ? Elle espérait qu’il ne commettait pas trop de violence où qu’il soit. Peut-être faudrait-il qu’elle parte à sa recherche pour s’en assurer. Et éventuellement lui rappeler que la violence n’était pas la solution. Mais, en attendant, elle avait autre chose en tête.

- La réalité est parfois bonne à être oubliée, mais que pendant un temps. Je ne suis probablement pas bien placée pour te faire des reproches à ce sujet, monsieur la Réalité.

Sourire malicieux et étoiles dans les yeux, Kazuko avait complètement son agacement. Elle ne voulait pas se disputer pour des prunes avec son ami. Ils avaient bien mieux à faire. Et puis, même si elle aimait se débrouiller seule, il fallait bien avouer qu’être protégée était tout aussi agréable. Cela montrait qu’elle comptait pour quelqu’un et quel meilleur cadeau, Reshiram pouvait-il lui faire ? Quand il lui demanda ce qu’elle devenait, son regard se refit songeur. Cette mélancolie présente dans son regard depuis le jour où elle avait abandonné cet enfant revenait sans cesse par moments sans qu’elle en soit vraiment consciente.

- Ce serait trop long de tout te raconter, tu t’en doutes. On m’appelle Kazuko maintenant. Juste Kazuko. Enfant de la paix et de l’harmonie. C’est joli, n’est-ce pas ? Même si je ne suis pas sûre d’être à la hauteur de la signification du nom que je me suis choisie. Je suis devenue écrivain. J’écris des romans et j’aime ça. Je ne regrette pas ma vie d’avant, même si j’y pense souvent. Je me suis plutôt bien adaptée... Même si être immortelle est parfois un lourd fardeau... Ainsi que les responsabilités qui nous incombent. Je ne suis plus aussi blanche qu’autrefois, Reshiram...

Kazuko n’évoqua pas Oswald. Elle n’en avait pas la force. Elle n’avait pas la force de penser à cet enfant qu’elle avait aimé et qu’elle avait pourtant abandonné. Pour une soi-disant bonne cause... Ah, il y avait sans doute une autre solution, mais elle ne l’avait pas cherché. Que devenait-il maintenant ? Allait-il détester les pokemon par la faute de son bourreau, mais surtout par la sienne ? La Mew espérait bien que non, sans se douter hélas, que ce serait bien pire...

Elle changea vite de sujet, ne souhaitant pas s’attarder sur ses fautes qui ne pourraient jamais s’effacer. Un sourire forcé aux lèvres, la jeune femme bougea un peu son bras qui soutenait le dragon humain pour éviter une crampe et le regarda avec une tendresse qu’elle réservait à peu de personnes sur cette planète. Même si elle aurait dû aimer tout le monde de la même manière, elle avait ses préférés, c’était inévitable. Car elle était humaine désormais. Enfin, presque.

- Et toi ? Que deviens-tu ? Cette apparence est vraiment trop mignonne. J’ai presque envie de te décoiffer, plaisanta-t-elle en riant avec une légèreté qui était exceptionnelle vu sa douleur quelques instants plus tôt.

Elle était comme ça. Elle n’oubliait jamais rien, mais son cœur trouvait toujours une raison d’être heureux. Une manière de se protéger comme une autre, peut-être. A moins que ce n’était que pour fuir la dure réalité, justement...

Kazuko voyait pourtant les regards posés sur eux. Des regards suspicieux, nerveux voir même agacés. La légendaire s’efforçait de faire comme si elle ne les voyait pas, non pas pour les éviter, mais pour ne pas créer plus de tension entre les humains et eux. Cela ne lui plaisait pas. Les choses changeaient beaucoup trop à son goût. Cette région était devenue dangereuse pour les siens. Une région qu’elle avait souvent appréciée, pourtant. Enfin, vous allez me dire que le monde entier avait une place dans son cœur, mais cela ne changeait rien à l’attachement qu’elle portait à chaque endroit sur cette Terre.

Sentant une pression sur son corps fin, la Mew tourna son regard azur vers son ami. Elle inclina légèrement la tête sur le côté, comme elle le faisait si souvent autrefois, on ne changeait pas ses bonnes vieilles habitudes. L’aile immaculée de Reshiram l’entoura bientôt et elle sourit doucement. Etre protégée avait du bond, c’était sûr. Même si elle n’aimait pas pour autant oublier qu’elle savait se défendre comme n’importe quel garçon.

- Allons, tu sais bien que je sais me défendre. On ne va pas débattre sur le sujet indéfiniment, dit-elle en souriant. Mais je te promets d’être prudente. C’est déjà ça, non ? Je n’abandonnerai pas cette région, Reshiram. J’en suis incapable... Mais je n’ai pas l’intention de laisser qui que ce soit me faire du mal pour autant.

Son regard se voilà l’espace d’un instant. Les responsabilités incombées aux légendaires étaient dures à porter. Oh, maintenant qu’elle avait cette apparence, elle aurait pu faire comme si elle n’avait plus rien à protéger, à préserver et mener sa vie de routine sans se préoccuper des autres. Mais c’était bien trop facile. Et elle se le refusait. C’était dur, mais elle devait le faire. Pour ce monde, pour les mortels et les immortels qu’elle aimait et pour elle-même.

Kazuko se posa alors sur le sol et ils entrèrent dans le centre pokemon. Son ami fut tout de suite pris en charge et la Mew put enfin se détendre un peu. Il allait être soigné et elle serait rassurée. Tout irait bien. Du moins, elle voulait le croire. Appuyée contre la fenêtre en face de lui qui se trouvait assis, elle l’observa tranquillement alors qu’il lui posait une question qu’elle aurait aimé éviter. Mais on ne peut pas fuir la Réalité, surtout quand elle est en face de vous.

- Je suis venu observer cette région. Comme toi, j’ai remarqué les changements et je n’aime pas ça. Je crains que Chronos ne devienne un vrai danger dans les années à venir... Je n’ai pas envie de la laisser grandir sans surveillance. Ne t’inquiète pas pour moi, tu sais bien que je ne suis pas du genre à prendre des risques inutilement ni à foncer dans le tas. Je dois le faire. Je sens que c’est à moi de le faire, Reshiram. J’ai toujours écouté mon instinct et je continuerai toujours...

Elle esquissa un sourire triste avant de fermer les yeux et de se tourner vers la fenêtre pour observer Volucité. Ce qui se passait en ce moment ne lui disait vraiment rien qui vaille. Mais revoir le dragon de la Réalité lui avait permis de se rappeler qu’elle n’était pas seule. Et cela réchauffait sans nul doute son cœur.

Kazuko faisait parfois semblant d’être sévère, mais elle l’était rarement pour de vrai. Elle s’amusait plus à faire semblant qu’autre chose. Elle aimait se prendre pour la maman des uns et des autres, mais elle était bien trop douce pour sévir réellement. Même si elle pouvait faire peur parfois, notamment quand vous vous mettiez en danger inutilement et qu’elle avait peur pour vous. La Mew se mettait rarement en colère pour de vrai donc, mais cela pouvait parfois lui arriver, comme à tout le monde. Et quand cela arrivait, il valait mieux éviter de rester dans les parages, les légendaires vous le diront. Et s’il y avait bien quelque chose qui  la mettait en colère, c’était les injustices. Et cette nouvelle organisation en était visiblement une championne. S’en prendre aux hybrides et puis quoi encore ?! Bon, d’accord, la plupart savaient se défendre vu leurs pouvoirs, mais ce n’était pas une raison.

Elle avait beau ne pas avoir vu le début du combat opposant les agents humains à son ami, il ne fallait pas être devin pour comprendre qu’il n’y avait aucune raison qu’ils l’attaquent. Et même si elle aurait préféré que Reshiram ne les crame pas, il n’avait fait que se défendre au fond. Soupirant, la jeune femme d’apparence espérait que Chronos n’irait pas trop loin dans ses méfaits. Elle allait les surveiller de près en tout cas. Tout ça ne lui disait rien qui vaille. Et s’il fallait qu’elle s’énerve une bonne fois pour toute pour les dissuader de continuer et bien elle le ferait, même si cela ne lui plairait pas, pacifique comme elle était. En tant qu’ancêtre et donc mère de tous les pokemon, à l’exception des premiers légendaires créés par Père, et des humains, elle se devait de les protéger. Et elle faisait de son mieux pour ne pas échouer même si c’était parfois plus difficile que prévu. Malgré son immortalité, malgré ses immenses pouvoirs, elle n’était pas infaillible, hélas. Reportant son attention sur Reshiram qui se faisait soigner près d’elle, elle sourit doucement. Cela faisait toujours du bien de revoir sa « famille », ses frères et ses sœurs. Elle avait souvent volé aux côtés du dragon blanc autrefois avant que leur vie ne bascule sans prévenir. Mettant une mèche rose derrière son oreille avec douceur, elle répondit doucement.

- Comme tu veux. Les deux me conviennent puisque qu’ils font tous les deux parti de moi maintenant. Si tu préfères m’appeler comme autrefois, cela ne me dérange pas. Et merci, je suis contente aussi de l’avoir choisi. Après tout, je suis encore souvent gamine dans ma tête et j’aime la paix, sourit-elle en coin, avec malice. Tu me fais rougir... Merci, Reshiram.

Sa dernière phrase était sincère. Que ferait-elle sans ses proches ? Personne n’était à l’abri de la solitude et encore moins les légendaires qui sans les uns et les autres seraient bien seuls un jour ou l’autre vu que leurs proches mortels perdraient la vie un jour. Et il était déjà trop tard pour certains amis du passé, hélas. C’était pour cela que Kazuko se sentait parfois reconnaissante envers Arceus. Si elle avait été la seule immortelle, elle ne l’aurait sans doute pas supporté bien longtemps. Elle ferma les yeux, se demandant comme bien souvent à quoi pensait le légendaire ultime quand il les avait créés, ses frères, sœurs et elle. Et à quoi il avait pensé en transformant les pokemon en humains. Elle ne pouvait que deviner car même les légendaires n’étaient pas devins. Parfois Kazuko ne comprenait pas pourquoi les hybrides, voir certains humains, prenaient les légendaires pour des dieux. Il n’y avait qu’un seul Dieu, après tout. Et vu qu’elle n’était pas une déesse, elle pouvait se permettre de faire des erreurs comme venait de le dire si bien son ami le dragon immaculé. Le cœur plus léger, elle lui adressa un petit sourire reconnaissant. Elle l’écouta parler de sa vie à son tour, amusée de le voir se gratter la joue. Ces comportements humains étaient toujours aussi marrants à voir chez certains hybrides. Elle ne s’en lassait pas. Au moins, grâce à Père, elle ne s’ennuyait pas souvent. Un peu de changement n’avait jamais fait de mal à personne.

- En effet, tu n’as pas changé sur ce point là, plaisanta-t-elle. Tu n’as jamais aimé t’établir quelque part. Personnellement, je me suis installée au Bourg Palette dans la région de Kanto, même si je voyage aussi beaucoup. J’ai conservé téléport et ma capacité de lévitation comme tu as pu le voir, c’est pratique pour bouge. Shin... J’aime bien, je vais t’appeler comme ça si cela ne te dérange pas. C’est plus court que Reshiram, s’esclaffa-t-elle.

Rougissant un peu devant les gestes tendres que lui témoigna le nouveau nommé Shin, elle l’observa avec plus d’attention maintenant qu’il était guéri. Il avait bien changé, finalement, physiquement parlant. Et elle ne savait pas quelle apparence elle préférait. Les deux lui convenait sans nul doute. Sauf que se retrouver avec un humain en face était quelque peu déstabilisant. Quand ils étaient tous les deux hybrides, il n’y avait pas de gêne, mais maintenant que leur apparence était humaine, leurs sentiments l’étaient aussi quelque peu et c’était perturbant. Néanmoins, Kazuko avait toujours considéré les autres légendaires comme sa famille et cela ne changerait pas à priori. Elle sourit donc timidement avant d’effleurer à son tour ses cheveux blancs avec douceur.

- Ne t’inquiète pas. Je n’ai pas l’intention de me faire avoir. J’aime trop vivre pour cela. Mais je n’ai pas envie de me cacher non plus. Je veux ma liberté et pouvoir prendre des décisions comme je l’entends. Nous ne pouvons pas laisser Chronos nous faire peur. Ce serait la meilleure des victoires pour eux, tu ne crois pas ?

La Mew fronça les sourcils en entendant du bruit. Ah, non, pas question ! Les centres pokemon étaient censés depuis toujours être un havre de paix pour les pokemon. Que Chronos ait changé même ça était inconcevable. Et la légendaire n’était pas prête de laisser passer ça, son ami devait se reposer, que diable ! Ils l’avaient cherché et bien ils allaient la trouver, même si en théorie, ils ne devaient pas connaître son existence. Enfin bon. Elle n’était pas prête de laisser passer une tentative de maltraitance d’hybride au sein même d’un centre pokemon. Déjà que les regards méfiants des membres du personnel ne lui avaient pas plu du tout...

- Et bien, qu’ils apprécient ou non, j’en ai rien à faire. Ils n’avaient qu’à pas t’attaquer, c’était de la légitime défense. Même si j’aurais préféré que tu ne les tues pas, on n’attaque pas les gens à coup d’armes à feu sans prévenir !

Énervée depuis la première fois depuis longtemps, elle se rendit à l’accueil sous le regard sans doute surpris de son ami et avisa un groupe d’agents de Chronos en train de parler à la récéptionniste du centre. Chargeant dans l’air une pression psychique suffisamment forte pour impressionner, mais pas suffisante pour blesser, elle dit d’une voix menaçante dès que les gens se tournèrent vers elle avec surprise.

- Il me semble que les centres pokemon sont censés accueillir les pokemon depuis toujours et leur permettre de se reposer. Je vous conseille vivement de partir, messieurs. Mon ami a besoin de repos et je ne permettrai à quiconque de le déranger. A moins que vous vous croyez suffisamment forts pour me battre, bien entendu. Mais je vous déconseille d’essayer et d’ailleurs tiens je vais vous en empêcher directement. Cela nous évitera de perdre du temps, vous ne croyez pas ?

Ses yeux se mirent à briller de bleu et les armes que les types tenaient s’envolèrent pour venir se poser près d’elle. Une attaque psyko grandement menée. Malgré son dégoût pour ces engins de sang et de mort, elle posa une main sur eux avec nonchalance sous les regards stupéfaits des gardes de Chronos.

- Je vais les garder avec moi et je vous les rendrai... plus tard. Ou peut-être pas, finalement, je vais peut-être les balancer quelque part ou vous ne pourrez pas les récupérer. Histoire d’éviter que vous blessiez à nouveau des innocents. Ah et je vous déconseille d’appeler vos hybrides prisonniers à la rescousse. Je m’en voudrais de les blesser. Et vous mademoiselle vous seriez gentille de jouer votre rôle de gardienne de la paix des hybrides, ce serait gentil. Maintenant, excusez-moi, mais je dois vous laisser, mon ami doit s’inquiéter.

Tout sourire, elle leur fit un signe de main, mais ses yeux d’acier et la pression psychique dans l’air dissuadait toute rébellion. Peut-être même que certains auraient un mal de crâne en sortant d’ici. Les pouvoirs de Mew n’étaient pas à prendre à la légère, après tout. Prenant dans ses bras avec une grimace de dégoût les fusils, elle rejoignit Shin et posa le tout au sol avant de se frotter les mains.

- Voilà une bonne chose de faite, on en était où ?

Kazuko était fière d’elle pour le coup. Et oui, ce n’était pas parce qu’elle ressemblait autrefois à de la guimauve sur pattes avec sa bouille rose et innocente qu’elle ne savait pas se défendre ! Et aujourd’hui, même si elle ressemblait moins à une guimauve ambulante, elle savait toujours aussi bien se défendre et défendre les autres. Ceux qui la sous-estimaient, aujourd’hui comme hier et ils étaient nombreux, finissaient souvent par le regretter. Ce n’était pas parce qu’elle était une des plus petites – et non pas la plus petite, hein – qu’elle était forcément la plus faible... Elle ne payait pas de mine à côté de ses géants de frères et sœurs, mais il ne fallait pas se fier aux apparences. Hélas pour eux, ces sbires venaient comme bien d’autres d’en payer les conséquences. Et tout ça sans aucune violence ou presque, quel bonheur ! Se battre n’avait jamais rien apporté à personne, mais parfois c’était hélas nécessaire. Et cela le serait toujours avec de tels imbéciles. Oui, elle ne mâchait pas ses mots, mais elle détestait l’intolérence et la violence par dessus tout. En général, elle évitait toujours d’éviter la deuxième, mais parfois comme aujourd’hui elle n’avait pas le choix. Quand on la cherchait, on la trouvait ! Vous la trouvez toujours aussi adorable et innocente ? Non ? Fort bien. Cela fera au moins quelques personnes qui auront compris la leçon. Petit, certes, mignonne, oui, mais innofensive ? Haha, la bonne blague. Ahem. Enfin, ce n’est pas tout ça.

Levant les yeux vers Reshiram, elle le regarda en souriant comme si de rien n’était. Presque toute joyeuse, même. Il avait décidé de continuer à l’appeler Kazuko visiblement. Et il la connaissait bien, forcément. Oui, Bourg Palette lui convenait parfaitement. C’était un endroit paisible et tranquille. Elle s’y sentait bien. Même si elle passait aussi beaucoup de temps à Safrania dans son agence d’édition et ailleurs. Voyager était presque une seconde nature pour certains légendaires comme elle. Malgré le changement, cela n’avait pas complètement disparu. Elle aimait voir le monde dans son ensemble et rester à Bourg-Palette indéfiniment ne lui conviendrait pas du tout. Même si Kaname son éditeur n’appréciait pas qu’elle reste loin de son village ou de Safrania. Enfin. Si elle devait l’écouter à chaque fois, elle ne vivrait plus, elle était assez grande pour se débrouiller toute seule, après tout ! C’était même un euphémisme quand on connaissait son vrai âge. Ah non, je vous vois venir. C’est déjà malpoli de demander son nombre d’années à une mortelle, alors une légendaire, vous n’y pensez pas ! Je vous jure, les jeunes de nos jours. Bref. Le dragon désormais humain semblait la regarder avec un grand étonnement.

Roh, lui aussi aurait-il oublié qui elle était vraiment ? Elle aurait presque envie de bouder là. Que diable, arrêtez de la sous-estimer ! Mais d’un autre côté, c’était assez amusant de voir Reshiram faire cette tête là. Malgré sa forte envie de gonfler les joues de manière boudeuse, elle ne put s’empêcher de pouffer légèrement à ses paroles. Elle était aussi étonnée de voir le changement de personnalité, mais ne le montrait pas. Reshiram avait enfin appris à se dérider un peu, youpi ! Kazuko se rappelait très bien de toutes les fois où pokemon elle avait essayé de s’amuser avec lui. Peine perdue. Il avait toujours été très sérieux et elle n’avait jamais pu jouer avec le dragon blanc. Même si cela ne l’avait pas empêcheé de s’amuser près de lui... à ses dépends. Elle était très malicieuse autrefois, encore pire qu’aujourd’hui. Le pauvre quand même. Elle lui en avait fait voir des vertes et des pas mûres. Comme à d’autres, d’ailleurs. Mais personne ne résistait à son adorable bouille rose. Bien pratique, hihi.

- Je vois que tu as appris à t’amuser de temps en temps ! Cela fait plaisir. On va pouvoir rattraper le temps perdu. J’en oublierais presque que j’ai été sous-estimée...

Elle lui adressa un clin d’œil malicieux. Elle avait bien l’intention d’utiliser cela à son avantage. Mais sa bonne humeur s’envola quelques instants et elle hocha la tête d’un air sombre. Chronos. Une nouvelle épine dans son pied. Comme si les anciennes organisations n’avaient pas suffi... Comme elle qui avait créé Mewtwo il y a bien longtemps. Les hommes étaient vraiment des créatures étranges. Elle le comprenait d’autant plus qu’elle leur était en partie semblable à présent. Même si elle ne comprendrait jamais certaines choses propres à l’espèce humaine comme la cruauté. Comment pouvait-on prendre du plaisir à faire souffrir les autres ? Non, décidément, elle ne comprendrait jamais.

- Oui, je crains que tu n’aies raison. Mais nous ne pouvons que regarder leur évolution. Il faudra peut-être qu’on intervienne un jour, mais pour l’instant... Je crois qu’il vaut mieux voir comment cela évolue sans trop intervenir. Même si comme tu as pu le voir, je n’arrive pas toujours à me retenir.

Elle lui adressa un sourire triste avant d’acquiescer à nouveau. Oui, il valait mieux partir avant que cela ne se reproduise. Les gens qui étaient dans ce centre n’avaient probablement rien demandé. Et puis, elle avait envie de bouger. Rester longtemps sur place, ce n’était vraiment pas son truc. Son regard se posa alors sur les armes et elle eut un petit rire nerveux.

- Bonne question. Tu crois que je peux les jeter à la mer ? Je n’ai pas envie qu’elles retombent dans de mauvaises mains... Mais je ne veux pas non plus les garder. Ce ne sont que des menaces de mort inutiles.

Ah, encore une fois, elle avait réagi avant de réfléchir. Elle avait beau être devenue plus réfléchie et mature en devenant en partie humaine, certaines choses ne changeaient jamais semblait-il. J’ai dit plus réfléchie et mature, pas complètement, hein. Ce n’est donc pas une erreur. Si Mew devenait complètement mature, ce serait moins drôle, nous sommes d’accord. D’ailleurs...

- Dis, dis, Shin. Tu m’achètes une glace ? Tu me dois bien ça. Je meurs de faim. Toute cette action m’a ouvert l’appétit.

Le regard espiègle, le sourire aux lèvres, Kazuko restait toujours elle-même. C’était comme ça que ses proches l’aimaient, après tout.

Kazuko ne broncha pas quand Shin posa sa main sur sa joue. Au contraire, elle se laissa aller, s’appuyant contre sa paume et fermant les yeux. Elle avait remarqué le changement chez son ami de toujours et la nostalgie l’envahissait. Même sans le voir, même sous cette forme humaine, elle le reconnaissait facilement. Après tout, cela faisait si longtemps qu’ils se connaissaient. Le temps avait bien passé depuis leur première rencontre. Mais leur lien ne s’était pas effrité pour autant. Il était resté fort, solide et leur amitié toujours présente en était bien la preuve. Kazuko en était fière, d’ailleurs, de conserver autant de liens du passé avec ses frères et ses sœurs légendaires. Au moins une chose que Arceus n’avait pas pu changer...

- Non, au fond tu es toujours le même. Heureusement, d’ailleurs, tu ne serais plus toi si ce n’était pas le cas... Le changement est une bonne chose seulement s’il n’est pas trop envahissant. Alors merci de rester toi-même, Reshiram.

Elle rouvrit les yeux et lui adressa un joli sourire alors qu’il venait de reprendre son autre forme, si on pouvait parler ainsi. Même s’il changeait un peu, il restait son bon vieux copain dragon de la Réalité. Celui qu’elle trouvait parfois trop coincé, celui à qui elle tentait souvent d’arracher un sourire ou une réaction. Elle se rappelait même d’une fois où elle lui avait tiré les joues pour le faire réagir. Il l’avait envoyé valdinguer dans les airs, en veillant quand même à ne pas lui faire mal, elle ne risquait pas de tomber avec sa lévitation. Et elle avait beaucoup ri de se retrouver ainsi projetée dans les airs. Peut-être même qu’elle en avait redemandé, elle ne se souvenait pas, mais cela ne l’étonnerait pas tant que ça se connaissant. Un sourire en coin apparut, amusé par les souvenirs si lointains. Merci, père, de ne nous avoir laissé notre mémoire. Son regard se posa alors sur les armes dont ils devaient se débarrasser. Une lueur obscure bien rare apparut au fond de ses yeux. Ces choses ne devraient pas exister, mais c’était peut-être trop facile de penser ainsi. Elles tuaient certes, mais une attaque pokemon aussi pouvait tuer. Ce n’était pas l’arme ou l’attaque la responsable, mais plutôt celui ou celle qui en faisait usage. Les humains et les pokemon devaient apprendre à vivre en paix pour que tout cela s’arrête. La souffrance, la destruction, la guerre, la mort, les pleurs... La légendaire rose n’en pouvait plus de tout ça. Si seulement ils pouvaient être remplacés par les rires, les sourires, les feux d’artifices, la paix, les sucreries et la vie... Mais l’homme - et même l’hybride désormais - semblaient bien décidés à ne pas s’arrêter. Comprendrait-on un jour ? Kazuko l’espérait. Il le fallait. Avant qu’il ne soit trop tard. Ses pensées se tournèrent un instant vers Oswald. Une nouvelle fois. Si seulement elle pouvait lui offrir un monde meilleur. Pour lui et pour tous ceux qu’elle aimait. Même si elle ne le voyait plus, si elle pouvait le rendre heureux ce serait pour le mieux. Mais que voulait-faire au juste ? Le rendre heureux ou soulager sa conscience encore meurtrie ? Un sourire amer se dessina sur ses lèvres devant son égoïsme. Elle écouta quand même les mots du légendaire de la réalité et resta silencieuse quelques instants de plus, méditant dessus.

- Tu as probablement raison. Mais je veux croire qu’un jour la paix sera possible... J’en ai besoin. Je veux vivre en harmonie avec les humains. Nous n’avons aucune raison de nous déchirer comme nous le faisons... Même si le mal existe, il ne devrait pas être plus grand que le bien... J’ai l’impression que l’équilibre a été rompu je ne sais quand et cela m’inquiète. J’espère donc que les choses se régleront d’elles même. Et si je dois forcer le destin pour que ce monde retrouve un semblant d’harmonie je le ferais sans hésiter.

Kazuko esquissa un sourire triste. Elle dépassait peut-être les limites en disant cette dernière phrase, mais elle le pensait vraiment. Si elle pouvait faire en sorte que ceux qu’elle aimait puissent vivre dans un monde meilleur alors elle n’hésiterait pas. C’était peut-être prétentieux de sa part de penser qu’elle pouvait régler les choses. Mais il fallait bien que quelqu’un le fasse. Si les légendaires restaient dans leur coin alors à quoi leur servaient leurs pouvoirs et leur immortalité ? Si elle pouvait voir les changements du monde au fil du temps, cela devait forcément être pour une raison. Du moins, elle voulait le croire. Elle devait le croire pour ne pas devenir folle. La Réalité était peut-être trop dure à affronter pour celle qui représentait en quelque sorte l’harmonie et la paix. Se laissant entraîner par l’autre hybride, elle le suivit dans les rues, ne détachant pas sa main dans la sienne. La chaleur que dégageait Shin était agréable, surtout dans les circonstances actuelles. Kazuko ne jeta pas un regard en arrière quand ils se débarrassèrent des armes. Une bonne chose de faite. Un frisson la parcourut quand elle songea à la souffrance et à la mort que ces engins pouvaient provoquer. Moins il y en aurait sur Terre et mieux ce serait. Hélas, tout le monde était loin de penser comme elle... Une fois arrivés au marchand, Kazuko étudia la carte avec beaucoup d’attention, le regard gourmand et le sourire aux lèvres. Laissons de côté les choses sérieuses quelques minutes, voulez-vous. La rose ne tarda pas à commander une glace chocolat comme elle les aimait. Elle eut un petit rire quand elle se rendit compte de quel parfum son ami avait choisi. Vraiment, cela montrait bien que la différence inévitable. Chocolat et vanille, deux opposés qui pourtant pouvaient aussi bien se mêler. Comme beaucoup d’autres choses, d’ailleurs. Léchant sa glace avec gourmandise, elle se tourna cependant vers son ami et l’écouta malgré une concentration totale sur son pêché mignon. Elle releva cependant les yeux un instant pour lui répondre entre deux léchées.

- C’est sûr que c’est pratique. Même si être pokemon ne m’a jamais empêché d’être gourmande tu sais. Enfin, je dois avouer que cette forme a de nombreux avantages. Même si elle a aussi des inconvénients... Comme celle qu’on avait avant, d’ailleurs. Je ne saurais dire laquelle je préfère. Mais maintenant qu’on en est là, nous ne pouvons que nous y faire et avancer... Regretter le passé alors qu’on ne peut y retourner serait une perte de temps selon moi. On a beaucoup trop de choses à faire pour ça, tu ne crois pas ?

Son regard se fit malicieux et elle se remit à savourer sa glace sans perdre un instant de plus. La vie était une chose précieuse et même si elle ne pouvait mourir, elle ne voulait pas la gaspiller. Les valeurs les plus simples étaient parfois les plus importantes. Le regard de la rose se posa avec un air attendri sur l’enfant qui s’était approché. Elle s’était toujours sentie très maternelle. Avec les adultes aussi, d’ailleurs. A défaut de pouvoir avoir des enfants, elle considérait parfois certains comme les siens. C’était un moyen de tenir bon, de ne pas se laisser ronger par la souffrance, sans doute. Le regard de Kazuko s’assombrit en entendant l’enfant remercier son ami. Elle était contente que ses parents soient sains et saufs et elle comprenait pourquoi l’enfant voulait remercier leur sauveur, mais l’entendre parler de la mort aussi facilement... Cela faisait mal, assurément. Un sourire amusé apparut sur ses lèvres quand même et elle donna un coup de coude espiègle à son ami après que le gamin soit reparti.

-  Espèce de vantard. Arrête de prendre la pose comme ça.

Elle lui adressa un clin d’œil avant de se mettre à léviter sous le regard incrédule de quelques passants dont le marchand de glace. Comme si elle allait se faire discrète juste pour faire plaisir à Chronos ! Si elle voulait jouer, être libre, personne ne l’empêcherait et certainement pas quelques humains qui se pensaient supérieurs aux hybrides. La Mew était consciente des risques, mais comme elle l’avait prouvé dans le centre pokemon, elle pouvait très bien se défendre. Alors ne la cherchez pas trop, vous êtes prévenu. S’amusant à taquiner son ami en touchant ses cheveux et ses épaules tout en étant dans les airs, se remettant hors de portée à chaque fois, elle lui adressa un grand sourire immature. Ce jeu-là, elle l’avait déjà autrefois, quand ils  n’était qu’un grand dragon et une petite boule de poils rose. Autrement dit, Shin le connaissait bien et cela promettait d’être amusant. Allons, qui a dit que les légendaires étaient tous toujours matures ?

Kazuko pouvait voir que son ami dragon avait bien changé malgré tout ce qu’ils avaient pu dire. Et cela lui faisait plaisir au fond. Il pouvait enfin prendre les choses à la légère, s’amuser un peu au lieu de toujours rester autant de marbre. C’est vrai ! Vous n’imaginez pas la galère qu’elle avait eu parfois pour le dérider ou juste lui arracher un sourire ! Alors oui elle se sentait presque comme une maman qui voit son fils s’amuser pour la première fois... Oui, c’est cliché et idiot, mais que voulez-vous. Cela lui faisait plaisir, c’est tout. Et c’est pour ça qu’elle le poussait à s’amuser encore plus, qu’elle l’embêtait gentiment pour le pousser à se dépasser. C’était peut-être sournois de sa part, si Mew peut être sournois ce que je doute, mais au moins cela marchait. La preuve, il n’avait pas tardé à avaler sa glace et à mettre ses mains sur ses hanches d’un air faussement menaçant. Kazuko se retint de rire tellement cette attitude était à des années lumières de l’ancien Reshiram. Et non, elle n’oubliait pas à qui elle avait affaire, bien au contraire, mais...

- Allons, tu oublies que tu es bien moins impressionnant dans cette apparence, mon petit Reshiram, le taquina-t-elle avec malice.

Ah, oui, par contre... Elle avait failli oublier qu’il avait des ailes. Qui pouvaient visibleemnt encore servir malgré leurs blessures. C’était pas du jeu, roh ! Quoi ? Cest exgéré car c’est elle qui ne jouait pas le jeu en lévitant ? Mais non, vous n’êtes pas drôles, il faut bien qu’un des deux ne respectent pas les règles, voyons. Si les deux les respectent ou ne les respectent pas, ça devient tout de suite moins drôle... Ah, Kazuko n’oublie pas que tu es censée être plus responsable maintenant... Les règles sont faites pour être respectées... C’est pas drôle, mais c’est comme ça. En tout cas, le dragon ne perdit pas de temps pour la rattraper. Il l’entoura de ses ailes pour l’immobiliser et la Mew hybride poussa un petit soupir, un sourire aux lèvres et une lueur amusée dans le regard. Bon, d’accord, elle avait perdu. C’était le jeu, après tout, n’est-ce pas ?

Mais par contre, elle fit de grands yeux quand il lui mordit l’épaule. Euh... C’était normal ça ? Non, mais je veux dire... Pourquoi il la mordait au juste ? Heureusement qu’il n’avait pas mordu assez fort pour lui faire mal. Enfin, ça picotait quand même un peu, il ne fallait pas mentir là-dessus. En tout cas, on pouvait dire qu’il se lâchait beaucoup plus qu’avant, était-ce un bien ou un mal, ça elle ne le savait pas complètement. Son doigt s’approcha dangereusement du front du dragon blanc et lui asséna une pichenette.

- On ne mange pas les gens, Shin, tu le sais, ça ?

Malgré les picotements, Kazuko ne pouvait s’empêcher d’être amusée. Cela faisait du bien de le voir s’amuser comme un gamin comme ça. Cela changeait agréablement de l’ancien dragon coincé. Etre le représentant de la Réalité ne devait pas être simple tous les jours. La jeune femme se laissa entraîner plus loin, se blottissant dans les ailes si blanches et douces. Elle leva les yeux au ciel devant le tirage de langue avant d’éclater de rire, se sentant plus légère que jamais. Se penchant en avant, elle déposa un bref baiser sur sa joue, le regard espiègle avant d’acquiescer d’un air songeur.

- Oui... Le monde évolue constamment. Les hommes et nous autres aussi... Je ne sais pas si c’est un bien ou un mal. Je pense plutôt que c’est inévitable que les choses bougent. Le temps n’est pas quelque chose de figé, après tout. Et si on ne changeait pas, ce serait plutôt ennuyant, je trouve. Et si on changeait, mais que le monde n’évoluait pas, on finirait par ne plus pouvoir y vivre. Cet univers est bien fait comme il est et il nous faut l’accepter malgré tout ce que ça peut engendrer.

Elle sourit de manière un peu mélancolique avant de tourner la tête vers son ami, le regard à nouveau brillant. Comme toujours, elle ne restait jamais bien sérieuse, mais c’était pour ça qu’on l’aimait tant, n’est-ce pas ?

- Faudra que tu viennes me voir un jour au Bourg-Palette ! Je ne veux pas qu’on se perde de nouveau de vue, ce ne serait pas du tout amusant. Qu’en penses-tu ? Tu crois qu’on va pouvoir se revoir souvent ? J’aimerais beaucoup, en tout cas.

Elle lui donna une nouvelle pichenette avant de se laisser aller sur le dos, flottant dans les airs, comme si c’était parfaitement normal. Et d’ailleurs, pourquoi pas, hein ? Après tout, elle était un esprit libre et indomptable, comme tous les légendaires d’ailleurs. Ils existaient depuis toujours alors ils pouvaient bien faire ce qu’ils voulaient. Du moins, du moment que cela ne nuisait à personne. C’était comme ça que Kazuko voyait les choses et elle espérait qu’aucun de ses frères et sœurs n’entravaient cette règle muette. Car l’équilibre devait être préservé pour que ce monde aille bien. Et si les légendaires le rompaient alors que les mortels causaient déjà tant de problèmes... Où irait le monde ?