Réception glaciale ► ft. Inaho & Sherry

Hoenn, Lavandia. 18H52

Déjà la tombée de la nuit.
En dépit du fait que la capitale se vidait de ses habitants en une lente et régulière hémorragie, certaines zones restaient propices au divertissement et l’évasion, en particulier grâce à ce splendide et lumineux casino qui était l’incontournable de Lavandia. C’était vraiment une charmante ville. Si Kent n’était en mission, il aurait bien fait un peu de tourisme. S’adonner à des jeux d’argents était plutôt tentant aussi, même si les mineurs n’étaient théoriquement pas admis en ces lieux de perdition.

Hoenn était bien plus détachée de la technologie que la région d’Unys, et cela n’était pas aussi contraignant que ça. La capitale n’en restait pas moins bien desservie par les transports, et on retrouvait cette atmosphère citadine des grandes villes, sauf qu’elle était en prime mêlée à une belle harmonisation avec la nature. Un véritable havre de paix pour les hybrides… mais les choses étaient bien évidemment plus compliquées pour les humains. Faire du tourisme sans s’attirer quelques désagréments n’était pas tellement envisageable quand on était de cette espèce.

Pourtant, Kent se trouvait en ce moment à Lavandia, et ce malgré le risque élevé de se fourrer dans un guêpier. Le fait est qu’il avait sa meilleure arme avec lui, et ne se sentait ainsi en danger pour rien au monde. Pas même en plein territoire “ennemi”. En outre, il suffisait de rester discret, et faire profil bas avait toujours été chose aisée pour le lycéen... bien que cela aurait pu être un peu plus difficile en compagnie “directe” de son précieux Sherry. Le voilà donc, qui arpentait les avenues bordées de belles maisons de cette grande ville, plus décontracté que jamais au milieu de quelques autres promeneurs nocturnes. Des Pokémons de type Ténèbres, qui sait. Ce n’était pas toujours facile de les distinguer des humains.

Mais l’inverse était tout aussi valable.

« Enquêtez en zone L04-B1 et obtenez le plus de renseignements possibles. » Énoncées de façon plutôt sommaire, voilà quelles étaient les instructions. Une mission de repérage, dont l’objectif se résumait donc simplement à recueillir des informations, aussi bien sur Avalon que sur les autres Pokémons - les plus dangereux. Dans son essence, ça n’avait rien de compliqué. Néanmoins, il fallait bien admettre que l’idée de faire un peu plus de grabuge que ça revêtait un certain attrait aux yeux du lycéen… et un certain culot, surtout quand on savait que la Team Avalon s’était établie en cette même ville. Là reposait d’ailleurs toute la difficulté : La présence notée de ce groupuscule d’hybrides. Tout comme Chronos à Janusia, leur QG était bel et bien là, presque pour conseiller vivement aux humains de se faire petits sous peine d’en subir les conséquences. Ceci dit, Kent trouvait tout de même dommage de ne faire rien d’autre qu’observer après avoir parcouru tant de chemin.

Le voyage jusqu’à la région d’Hoenn avait été long. Unys avait toujours été coupée du reste du Monde, alors une escale dans une région voisine - Kanto - avant d’arriver à destination s’était tout naturellement imposée. De plus, des personnes originaires d’Unys risquaient de n'être pas très bien accueillies. Une chance que tout se soit déroulé sans accroc. Quelques autres sbires de Chronos avaient également été envoyés dans la région, pour enquêter dans des zones différentes. Cependant, les allées s’étaient faites à temps distincts et depuis des aéroports différents, afin de ne pas éveiller de soupçons. Pour les mêmes raisons, ce n’étaient pas des groupes qui avaient été envoyés, mais juste une poignée d’Hommes. Aussi, la Team Chronos s’était au préalable occupée de repérer les zones les moins contrôlées, sans oublier qu’Hoenn avait le désavantage de ne pas disposer d’une technologie de pointe, ce qui les rendait un peu plus vulnérables au niveau des intrusions sur le territoire.

Dans la mesure où toutes ces précautions avaient été prises, les choses s’étaient plutôt bien déroulées jusque-là. Toutefois, Kent se devait de ne pas perdre son objectif de vue. Ce dernier se sentait déjà honoré de prendre part à cette mission, alors comme toujours, l’échec n’était pas permis. Ce n’était pas une opération de capture d’hybrides qui avait été lancée, mais une simple mission de repérage. Ainsi, aucun combat n’était supposé être engagé, mais avant de partir, Kent avait prévenu Sherry de rester sur le qui-vive juste au cas où. Pour le moment, il était donc ‘seul’ - bien qu’étant toujours relié à son Pokémon-esclave via la Chronos-Ball - et ses supérieurs avaient estimé qu’il attirerait beaucoup moins l’attention de cette manière.

Hoenn était un véritable nid à Pokémons… et parmi eux, se trouvaient des membres d’Avalon, dont l’idéologie était en opposition directe à celle de Chronos. Leurs actions étaient très soutenues de leurs semblables, et même par des humains qui prônaient l’égalité Homme-Hybride. Pour que Chronos puisse imposer sa vision des choses au monde entier, il fallait réduire à néant cet espoir qu’incarnait Avalon. Pour le moment, aucune confrontation directe n’avait été à déplorer, mais il valait mieux être le plus renseigné possible afin de se préparer à une éventuelle attaque… et conserver un coup d’avance sur ceux qu’on voyait ici souvent comme des bienfaiteurs.

En apprendre davantage sur leurs effectifs, les types. Leurs moyens de procéder et de réagir. “Capturer” des visages et des lieux-clés. Voilà ce qui était au programme.

Au cours de ces derniers jours, Kent avait eu le loisir d’en apprendre un peu plus sur le mode de vie à Hoenn. Ils ne vivaient pas différemment des humains, mais étaient peut-être plus cohésifs que ces derniers. Des hybrides, il y en avait à chaque coin de rue, et contrairement à ceux vivant à Unys, ils n’avaient pas grand-chose à craindre en ayant recours à leurs pouvoirs publiquement. Toujours est-il que voir tous ces hybrides en liberté faisait osciller le sbire de Chronos entre l’excitation et l’avidité. Oh, il savait se tenir à carreau, s’étant seulement contenté de les observer avec beaucoup d’intérêt, mais avait maintes fois réprimé son envie de s’amuser davantage avec eux… Interagir plus qu’avec de simples mots.

Pourtant, c’était avec les mots qu’il fallait mener à bien la mission de ce soir.

La zone à laquelle le lycéen avait été assigné s’étendait sur plusieurs quartiers, là où Chronos avait déjà repéré plusieurs endroits suspectés d’affiliation à Avalon. Principalement des boutiques et des lieux de restauration. S’il avait été envoyé ici, c’était pour vérifier ces informations… Ou du moins, se donner les moyens pour.

Le Métamorph’Oz. Une enseigne originale qui décrocha un petit sourire au sbire de Chronos, tant par le jeu de mots que par la présence du Pokémon dans le nom. Etait-ce pour cette raison que ses supérieurs considéraient cette boutique de vêtements comme suspecte ? Si les chances pour que les personnes y travaillant soient des hybrides étaient quasi à 100%, Kent ne voyait pas vraiment ce qu’Avalon venait faire là-dedans. Les détails ne lui avaient pas été transmis, mais ses supérieurs disposaient vraisemblablement d’informations sur les gérants qui permettaient d’avoir des soupçons à leur égard.

Il avait leurs noms. Clara Heim, et son assistant fraîchement arrivé Inaho Murakami, apparemment bien connus dans la capitale de ce qu’il avait pu entendre de la bouche d’autres vendeurs. Cela dit, il n’en savait pas plus que ça. Un petit sbire comme lui n’avait de toute façon pas besoin de savoir. Il se contentait de suivre les ordres.

Bien équipé pour le repérage, il portait une caméra CCD tête d’épingle, dont la petite taille - ne dépassant pas l’ordre de quelques cm - lui permettait aisément de la faire passer pour un des boutons de sa veste. Un grand classique pour l’espionnage. Ce petit appareil allait capturer leurs visages et les lieux sous toutes ses coutures, avec les yeux de Kent qui étaient eux-mêmes de véritables objectifs. Sans plus attendre, il finit par entrer à l’intérieur de la boutique, sa mallette noire à la main.

L’habituel tintement du carillon retentit, annonçant sa venue. Son intrusion.
En plus de découvrir le décor plutôt agréable de la boutique - certes petite mais plutôt bien fournie -, le brun à la casquette remarqua vite qu’il était le seul client… comme prévu. C’était là l’intérêt de venir à une heure proche de la fermeture. Pour le repérage il n’était pas nécessaire d’être seul dans l’enceinte du bâtiment, mais vivement conseillé. De cette façon, il pourrait converser tranquillement avec... ce jeune homme aux cheveux immaculés, qui visiblement, était la seule personne présente pour l’accueillir. Si ses informations étaient fiables, il devait s’agir d’Inaho Murakami. Voyons donc ce qu’il avait à lui dire.

« – Bonsoir. » le salua-t-il poliment avec un geste de la main. « Excusez-moi, je sais qu’il est tard, mais je vous promets que je ne serais pas trop long. »

Aucune raison d’être nerveux. Est-ce que Kent l’avait déjà été une fois ? Pas à sa connaissance. Du reste, les choses n’étaient pas supposées s’envenimer - du moins pas au point de faire usage de sa Chronos-Ball, précieusement gardée dans la poche intérieure de sa veste - car rien d’apparent n’indiquait qu’il était humain, et encore moins qu’il était affilié à Chronos. Cependant, certains hybrides avaient du flair - ce qu’on appelait plus de l’intuition chez les humains - et savaient repérer les taupes sous couverture comme lui. Pour le moment il valait mieux être le plus conciliant possible de manière à gagner un tant soit peu la confiance de ce vendeur. Ce qu’il était, ce qu’il avait ‘à offrir’… Heh. Kent aurait le loisir de le découvrir plus tard.

« – Je m’appelle Evan Herzen, étudiant en Sciences Economiques. Je viens tout droit de Safrania, à Kanto. Si je suis ici c’est pour vous poser quelques questions. » Il posa sa lourde mallette sur le sol et en sortit des documents - factices  bien sûr - qu’il présenta sur le comptoir. « Je mène une étude sur “les différentes stratégies pour développer le business dans une petite structure” dans les régions étrangères. À l’heure actuelle, j’ai déjà fait le tour de certaines boutiques du quartier, mais tous les vendeurs n’étaient pas forcément enclins à m’aider pour ce projet… Et puis, ils m'ont parlé de la vôtre. »

Il parlait avec spontanéité, comme s’il avait préparé ses répliques depuis des jours (ce qui n’était pas le cas), et avec une certaine aménité qui n’était pas complètement hypocrite. Pour l’instant, Kent n’avait aucun ressentiment à son égard, qu’il soit hybride ou non. Il jouait son rôle de l’élève studieux - ou plutôt d'étudiant en détresse - tout en gardant l’esprit serein. S’il hésitait ou en faisait trop il risquait d’éveiller les soupçons. Les documents qu’il avait présentés attestaient de son affiliation à sa prétendue fac d’Economie de Safrania. Qui sait, peut-être que ce jeune homme serait moins réticent en sachant qu’il à affaire à un étudiant d’une Université renommée ?

« – C’est un véritable travail d’orfèvre, au fait. Vous travaillez seul ? »

Comme s’il ne le savait pas.

Loin de lui l’idée de leur passer de la pommade, il trouvait vraiment les vêtements exposés très finement travaillés.  Et c’est en montrant son intérêt pour les produits en vente qu’il rappelait qu’il restait avant tout un acheteur potentiel. Il afficha un sourire faussement navré.

« – Je ne crois pas disposer de suffisamment d’éléments pour préparer ce devoir et j’avoue avoir cruellement manqué d’organisation. » Ce qui n’était pas tout à fait faux. « Mais la date butoir approche et le temps commence à me faire défaut. Vous pensez pouvoir répondre à ce questionnaire… me laisser prendre quelques photos de la boutique, ainsi que de votre atelier ? Je peux aussi me contenter d’une simple visite des lieux. »

Bien évidemment, cette histoire de photos n’était qu’une excuse.
Le client était roi, non ?

L’important lorsque l’on était sous couverture était de ne pas se laisser désabuser par son nouveau rôle. Feindre d’être un étudiant à la recherche de matière pour alimenter son soi-disant projet ne posait aucune difficulté particulière, même si “l’acteur” n’était ici pas spécialement expérimenté en économie. Pour le moment, Kent se sentait confiant : ce jeune homme aux cheveux immaculés semblait avoir mordu à l’hameçon. Ou bien son réveil soudain empêchait ses sens d’être bien développés. Du moins, pas suffisamment pour parvenir à flairer le parfum d’espion de son client. Sans doute ce dernier le devait-il aussi à son jeune âge.

Tant qu’il était calme, le brun paraissait être une personne tout-à-fait ordinaire. Sans troubles psychiques. Sans appétence pour les effusions de sang. Il avait tout d’un étudiant comme un autre. Cela dit, il ne fallait jamais crier victoire trop vite. Se relâcher maintenant pourrait bien être une erreur fatale, sans compter que ce vendeur à l’iris doré n’avait à ses yeux rien d’un sot. Kent le sentait à son parler, et à sa gestuelle épurée. C’était un être intéressant à observer, comme tous ceux de son espèce. Il avait vraiment un beau visage, aux traits fins et agréables. Sans imperfections. Sa peau était lisse, nette, blanche, c’était le genre de surface que Kent adorait taillader, marquer de belles lignes rouges. Mais il se devait de réprimer cette envie.

La première information qu’il obtint de sa part était l’absence de “Mme Heim” de la boutique, apparemment de sortie pour quelque temps. Le lycéen à la casquette ne sut pas trop quoi penser, sur le moment. Est-ce que cela arrangeait ses affaires ? Après mûre réflexion, il jugea qu’il valait effectivement mieux s’entretenir seul avec ledit apprenti-couturier. Celui-ci était peut-être plus enclin à “laisser filer” des informations s’il n’était pas en présence de sa patronne. En cas de complications, il était aussi en infériorité numérique, puisque « lui » était toujours là, avec Kent. Cette situation ne pouvait que jouer en leur faveur.

« – Je vous remercie. » fit-il d’un ton tranquille. « Il y a des chances pour que je me laisse tenter, oui. » ajouta-t-il en regardant les vêtements exposés en vitrine.

Le vendeur aux cheveux blancs l’avait cependant informé de ne potentiellement pas être capable de répondre à toutes ses questions. Au fond, cela lui était bien égal, mais le faux étudiant prit tout de même la peine de réagir avec un hochement de tête compréhensif. Sa couverture semblait tenir la route, et l’autorisation de prendre des photos de la boutique lui avait été accordée : C’était tout ce qui comptait vraiment. De même, il n’y avait pas grand-chose à tirer du questionnaire que ses supérieurs lui avaient préparé pour cette mission, et que le vendeur était consciencieusement en train de remplir. Ces questions ne servaient qu’à détourner l’attention de ce dernier et à rendre le lycéen moins suspect.

Maintenant que les bases étaient posées, il fallait essayer d’établir un potentiel lien entre Avalon et cet endroit. Et seul ce jeune homme aux cheveux immaculés lui permettait de vérifier si les suspicions à leur égard étaient fondées. D’une façon ou d’une autre, il fallait que ce dénommé “Inaho” parle, car Kent restait sceptique quant à la présence d’indices sur les photos qu’il allait prendre et celles que sa caméra espion enregistrait depuis qu’il était entré dans le Métamorph’Oz. Pour l’instant, cette première démarche ne lui avait servi qu’à prendre ses repères et se donner un moyen de fouiller l’endroit avec les yeux, à défaut de pouvoir le faire directement. Cependant, le brun à la casquette n’avait pas l’intention de ne s’en tenir qu’à ça. Il voulait que cette mission soit une totale réussite, rendre le meilleur service possible à Chronos. Il avait toujours aimé le travail bien fait après tout.

Une fois affairé à sa nouvelle tâche, le vendeur du Métamorph’Oz fut arrêté par une question :
« – Qu'entendez-vous par "type de vente" ? Nos stratégies ?  Nous fonctionnons sur des commandes sur place ou en ligne, mais nous produisons aussi une petite collection de prêt-à porter… C'est ça que je dois renseigner ? »

Sans hésiter, Kent aquiesca. Le lycéen ne craignait pas de dire une bêtise dans la mesure où il maîtrisait un peu le sujet, mais serait sans doute en plus grande difficulté si on en venait à lui poser des questions plus poussées.

« – C’est bien ça. Certaines entreprises tentent d’innover les concepts de vente et achat, tout en essayant de conserver une bonne ergonomie. À Unys, beaucoup d’enseignes optent pour une stratégie qui repose nettement sur le commerce en ligne. » Il regarda l’apprenti-couturier droit dans les yeux dès qu’il prononça le nom de sa véritable région natale. Histoire de percevoir ne serait-ce qu’une toute petite réaction révélatrice de sa part. Puis il ajouta avec un sourire et un visage plus éclairci : « Enfin, c’est ce qu’on apprend en cours, en tout cas. »

Ah, il aimait jouer avec le feu, on ne pouvait le nier. Peut-être n’aurait-il pas dû faire mention de cette région, dont la prononciation du nom seule suffisait à faire dresser les poils de la majorité des hybrides. En effet, il savait qu’en comparaison à Unys, Hoenn était un vrai jardin d’éden pour les Pokémons, qui fuyaient cette première comme la peste. Montrer qu’il connaissait les procédés de la région était un moyen simple de faire sauter sa couverture “d’étudiant originaire de Kanto”. Mais celle-ci le protégeait, et il fallait bien qu’il commence à prendre les devants à un moment ou un autre... Tout en jouant en douceur.

Bien sûr, une petite réaction d’animosité ne prouverait rien, sinon que ce jeune homme était bel et bien peu réjoui d’être en compagnie d’une personne potentiellement humaine. Néanmoins, cet aimable vendeur pouvait commencer à se poser des questions sur la nature de son client « Evan » maintenant que celui-ci avait indirectement soulevé la question. Le lycéen avait peut-être pris des risques, mais une fois encore, rien ne prouvait qu’il était affilié à Chronos. Tout comme rien ne montrait que les gérants de cette boutique étaient bien d’Avalon, car avoir les humains en horreur n’était pas forcément un critère commun à tous les membres de leur Team. C’était ce qui justifiait sa présence ici ce soir, mais la version mensongère dont il avait fait part au vendeur semblait étonner ce dernier.
Tant mieux, il n’aimait pas avoir à faire à des gens qui ne voyaient pas plus loin que leur bout de leur nez. Cet Inaho semblait avoir l’esprit vif, c’était une bonne chose. Pas pour sa mission, mais cela la pimentera au moins un peu.

« – Je suis effectivement ici pour clôturer mon projet à la dernière minute. Même si faire un peu de tourisme ne m’aurait pas déplu. Etant donné que les stratégies de vente des petites structures diffèrent d’une région à l’autre, entreprendre ce genre de déplacements pour les étudier directement peut être pertinent. » Kent resta délibérément évasif sur le long voyage qu’il avait fait avant d’arriver dans la région, et se lança même un autre sujet. « Mais le but est toujours le même : faire d’un visiteur un acheteur, n’est-ce-pas ? Quand on est sur place, tout se joue dans la disposition des articles. Ce que vous semblez bien maîtriser. »

Sur ces paroles, le brun sortit son portable de la poche de son pantalon - celui qu’il utilisait pour son “travail” en tant que sbire de Chronos -, et commença à prendre quelques photos de l’endroit, évitant le jeune homme, qui ne souhaitait peut-être pas y figurer. Pas de problème, la caméra tête d’épingle était justement là pour ça, et Kent avait déjà bien retenu son visage. Il plaçait surtout les articles mis en vente dans son objectif, sans vraiment chercher à inclure tout ce qu’il y avait autour, puisque tout était déjà enregistré. Il n’avait pas activé le flash, mais le bruit particulier qu’émettait l’appareil photo à chaque prise retentissait dans la pièce, alors qu’il commentait :

« – Le moment pourrait être bien choisi pour compléter un peu ma garde-robe j’imagine. Je pense que je vais faire appel à vos services pour ça. »

En résumé, “Montrez-moi ce que vous valez en tant que commerçant et faites-moi part de vos recommandations”.
Pendant qu’il parlait, ses yeux dissimulés sous la visière de sa casquette traînaient également un peu partout, à la recherche du moindre petit indice. Un mémo, un code, une lettre... En supposant que l’endroit soit bel et bien lié à Avalon, il était susceptible d’abriter un passage secret, ou un moyen de communication qui permettait de prendre contact avec les autres membres le plus rapidement possible. Cela pourrait pausiblement se déduire à partir des images que le brun transmettrait à ses supérieurs. Chronos avait également quelques endroits à Unys qui servaient de seconds repères, des cafés et des bars abritant des accès cachés qui menaient au QG, ou à d’autres endroits plus sûrs en cas d’attaque. Mais la pièce du fond était sûrement plus propice à ce genre de choses.

« – L’arrière-boutique… C’est votre atelier n’est-ce pas ? Cela m’intéresserait de voir l’environnement dans lequel vous travaillez. Vous me le permettez ? »

Que ce cher vendeur aux pupilles dorées commence à s’interroger sur son cas ou non, Kent n’avait pas l’impression qu’il était de ceux qui posaient des questions indiscrètes ou qui mettaient à la porte le moindre individu qui leur semblait trop suspect. De surcroît, le lycéen à la casquette aimait lui faire rappeler qu’il était client avant tout, et que l’image de la boutique en pâtirait si cet apprenti-couturier venait à lui lancer de “fausses” accusations, ou à se montrer trop insistant... même s’il n’aurait pas tort de le faire.

Si cette requête lui était refusée, il y avait fort à parier que les gérants de cette charmante boutique avaient des choses à cacher. Autrement, jeter un œil à un simple atelier de couture ne poserait pas de problème, n'est-ce pas ?